I. EL OUADNASSI, J. KISSA
Service de Parodontologie
Faculté de médecine dentaire de Casablanca
Université Hassan II
RÉSUMÉ
L’obtention d’un contrôle rigoureux de plaque est la condition sine qua non à la réussite de toute thérapeutique parodontale. La motivation à l’hygiène bucco-dentaire constitue donc une étape cruciale dans le plan de traitement.
L’utilisation des moyens d’hygiène bucco-dentaire nécessite un apprentissage pour le patient, ainsi le rôle du parodontologiste est fondamental dans ce sens.
Le but de cet article est de passer en revue les différents moyens d’hygiène permettant d’aboutir à un résultat durable.
Morts clés : Hygiène bucco-dentaire, brossage, brosse à dents, fil dentaire, brossettes interdentaires, moyens adjuvants au brossage, traitement parodontal.
INTRODUCTION
La réussite du traitement parodontal dépend de l’enseignement et de l’application des mesures d’hygiène bucco-dentaire. Le but de la motivation est de convaincre le patient du rôle que joue la plaque bactérienne dans l’étiopathogénie des maladies parodontales et de l’importance de son élimination (1).
C'est en 1965 que Loë a apporté la preuve définitive du rôle de la flore bactérienne, en réalisant des gingivites expérimentales chez l'homme. Loë a démontré que l'abstention totale d'hygiène bucco-dentaire pendant 3 semaines provoque une augmentation de la quantité de plaque bactérienne avec l’apparition progressive des signes cliniques d’inflammation gingivale. Une corrélation directe entre l'accumulation de plaque et le développement d'une gingivite semblait donc évidente.
Au sein de la cavité buccale, ces bactéries s’organisent en « biofilm bactérien ». Leur présence représente la condition nécessaire mais non suffisante pour déclencher la destruction des tissus parodontaux (fig. 1). L’importance de l’élimination de ce biofilm bactérien apparaît fondamentale pour la réussite de nos thérapeutiques parodontales (3). Elle permet de restaurer, d’améliorer et de maintenir la santé parodontale et buccodentaire (5).
Motiver le patient, c’est lui faire prendre conscience de sa part de responsabilité dans le succès du traitement. Sa guérison sera d’abord le fruit de ses efforts et de son assiduité ainsi que des traitements instaurés par le praticien (1).
L’ENSEIGNEMENT À L’HYGIÈNE BUCCO-DENTAIRE
La motivation à l’hygiène bucco-dentaire lorsqu’elle est bien conduite, permet une disparition complète de l’inflammation gingivale dans les maladies parodontales débutantes, et une diminution notable dans les cas avancés. Bien motiver le patient c’est déjà commencer à le traiter (6).
Le patient dispose de nombreux moyens pour parvenir à un contrôle de plaque optimal (5). Divers instruments d’hygiène peuvent être prescrits. Ils sont choisis pour chaque patient en fonction du degré d’inflammation et de la largeur des espaces interdentaires (7).
Outre le fait que le matériel prescrit doit être adapté, il doit être valorisé au maximum. Il faut penser à l’état d’esprit du patient qui, à l’époque du laser en chirurgie et de la prise d’empreinte informatisée, se voit prescrire… une brosse à dents (8).
Le brossage manuel :
Brosses à dents :
La brosse à dents est l’instrument couramment utilisé pour éliminer la plaque dentaire (3). Son effet abrasif dépend de l’arrangement des touffes de poils sur la tête de la brosse, de la méthode de brossage et du dentifrice utilisé. Sur les brosses multitouffes à 4 rangées, les brins sont plus prêts les uns des autres que dans les brosses à 2 ou 3 rangées et se soutiennent entre eux (1).
La flexibilité de la dernière partie du poil, grâce à son faible diamètre terminal, permettrait un mouvement de balayage avec un très bon nettoyage sans traumatisme. La dureté résiduelle est faible sur l’extrémité du poil (4).
En ce qui concerne la densité idéale et la dureté des poils, peu de différences sont trouvées d’un point de vue clinique quant à leur efficacité à éliminer la plaque dentaire.
Il existe une multitude de brosses à dents, avec une conception propre à chacune tant dans le matériau que dans la présentation. De toutes les études, bien souvent à court terme et impliquant des patients particulièrement motivés, il n’en ressort pas une brosse à dent idéale. En fait, la meilleure brosse à dent sera celle la mieux adaptée pour le patient à condition d’être utilisée de la meilleure manière (3).
Méthodes de brossage des dents :
Une technique efficace de brossage doit être enseignée sur un modèle pédagogique et en bouche. Les gestes sont répétés par le patient devant un miroir, pendant que le praticien vérifie la compréhension et l’assimilation de la méthode.
Plusieurs techniques ont été décrites par différents auteurs afin de parvenir à un nettoyage idéal ; on citera les méthodes de (5) :
- Bass et Bass modifiée
- Stilman et Stilman modifiée
- Rouleau
- Charter
- Leonard
La méthode dite de « Rouleau » est la plus souvent conseillée (7).
Il est très difficile de comparer ces différentes méthodes, les études ne sont pas superposables. Il en ressort cependant que la forme de la brosse et la densité des poils n’influencent pas la qualité du contrôle de plaque (4).
Nettoyage des espaces interdentaires :
Après un brossage conventionnel, la plaque bactérienne persiste dans les espaces interdentaires. L’emploi d’instruments d’hygiène complémentaires apparaît donc nécessaire.
Les instruments d’hygiène interdentaire sont représentés par : le fil dentaire, les brossettes interdentaires et éventuellement les bâtonnets interdentaires (7).
Le fil dentaire :
Le fil dentaire est indiqué lorsque les papilles occupent la totalité des espaces interdentaires. Il est prescrit chez le sujet avec un parodonte sain, dans un but prophylactique, de même que chez un sujet atteint de gingivite.
Le fil peut être ciré ou non ciré.
Pour le patient peu habile, il existe des porte-fils, dont l’inconvénient est de franchir le point de contact avec une force difficile à contrôler. Ainsi, des petites lésions peuvent apparaître parfois au niveau des papilles.
Une démonstration de la technique d’utilisation du fil doit être faite au patient. Il devra également répéter les gestes devant le praticien afin de se familiariser rapidement avec cet instrument d’hygiène dont l’utilisation reste délicate (7).
Le fil dentaire peut être introduit de 2,5 à 3 mm sous le sommet de la papille gingivale (3). Lorsqu’il est correctement utilisé, il peut ôter jusqu’à 80% de plaque en interdentaire,
Les brossettes interdentaires :
Les brossettes interdentaires sont les instruments d’hygiène les plus prescrits en parodontologie du fait que les patients atteints de parodontites ont des espaces interdentaires plus ou moins larges.
Ces brossettes existent en différentes tailles et peuvent être coniques ou cylindriques. Elles sont choisies pour chaque patient de façon à s’adapter aussi étroitement que possible à la morphologie de l’embrasure.
Ces brossettes sont interchangeables et peuvent être montées sur des manches, ce qui facilite l’accès à des zones postérieures (7,5).
Une mauvaise utilisation peut entraîner des blessures gingivales associées ou non à des destructions dentaires (3).
Les bâtonnets interdentaires :
Ils ont un double rôle. D’abord, ce sont des stimulateurs gingivaux, permettant une kératinisation de la papille, ce qui la rend plus résistante à l’agression bactérienne. Secondairement, on leur confère une action de nettoyage.
Ces bâtonnets existent en bois tendre ou en plastique, et sont de section triangulaire. Ils sont indiqués en complément des brossettes chez les patients atteints de parodontite modérée, lorsque les papilles interdentaires sont légèrement rétractées et les surfaces dentaires exposées convexes. Ils peuvent éventuellement être un substitut au fil de soie, pour les patients dont la dextérité manuelle médiocre ne leurs permet pas l’utilisation du fil (7).
En revanche, l’utilisation des bâtonnets chez des patients indemnes de rétraction gingivale peut entraîner une perte d’attache pouvant atteindre 2 mm, une perte qui est inesthétique surtout dans les régions antérieures (3).
Le brossage électrique :
Pour palier les déficiences du brossage manuel, les laboratoires ont développé le brossage électrique. Avec la première génération (avant 1986), dont les mouvements étaient horizontaux et verticaux. Les résultats étaient à peu près identiques à ceux obtenus avec les brosses manuelles.
Une deuxième génération, avec des mouvements oscillatoires rotatifs et de haute fréquence est apparue. Les résultats cliniques se sont révélés identiques au brossage manuel avec un temps de brossage divisé par deux. De plus, le brossage électrique apparaît plus efficace dans le retrait des colorations avec une amélioration du brossage dans les zones interdentaires (11).
Un rapport indépendant (9), comparant le brossage manuel et électrique, a été publié en Janvier 2003. Cette étude portait sur 354 protocoles entrepris entre 1964 et 2001, basés sur les critères et les données de 29 articles de références et 2547 participants. Elle compare aussi les brosses à dents Oral-B (oscillo-rotatoire), Philips, Sonicare, Rowenta et Ultrasonex, selon les indices de plaque, les indices gingivaux et les effets traumatisants possibles. Les conclusions sont semblables : le brossage oscillo-rotatoire élimine plus de plaque bactérienne et réduit plus les gingivites que le brossage manuel à court et à long terme. Les autres formes de brossage électrique présentent moins d’efficacité sur la réduction de la plaque et de gingivite.
Pour la notion de traumatisme, il n’existe pas de preuve que le brossage électrique induise plus de préjudices sur les gencives que le brossage manuel (10).
Le brossage lingual :
La face dorsale de la langue est en permanence recouverte par des millions de micro-organismes. Cependant, les données de la littérature restent contradictoires en ce qui concerne l’importance du brossage lingual dans la perspective de l’obtention d’un meilleur contrôle de plaque.
Pour Christensen (1998) (12), le nettoyage de la langue est un acte rapide et simple pouvant réduire les pathologies dentaires et parodontales. Dans une perspective de décontamination globale de la cavité buccale, le brossage lingual semble, pour de nombreux auteurs, incontournable même si les différentes études ne permettent pas d’établir un consensus fort (Egelberg 1999) (13).
Tonzetich et coll. (1976) (14), préconisant le nettoyage lingual, ont montré que le gratte-langue était plus efficace que la brosse. D’après ces auteurs, c’est essentiellement l’anatomie linguale qui doit orienter vers un mode de nettoyage (plus la langue est plicaturée, plus un gratte-langue sera nécessaire).
Les moyens adjuvants :
Dans certaines formes de maladies parodontales, des antiseptiques locaux peuvent être adjoints au brossage conventionnel et interdentaire. Pour les gingivites ulcéro-nécrotiques et les parodontites ulcéro-nécrotiques, une solution à base d’eau oxygénée est utilisée. En cas d’abcès parodontal ou d’exsudat purulent, une solution à base de chlorhéxidine à 0,12% peut être utilisée. Si l’aspect des tissus gingivaux est lichénoïde, desquamant ou érosif, l’utilisation d’une solution tampon telle que le bicarbonate sera préconisée (7).
Dentifrices :
Les dentifrices sont toujours considérés par les patients comme l’élément le plus important dans la recherche d’une hygiène buccodentaire parfaite, bien souvent à cause de sa médiatisation.
Le choix du dentifrice est une question qui préoccupe généralement le patient.
Dans le but d’éliminer la plaque dentaire, des éléments abrasifs, pour leur action mécanique, ou du fluor, pour son action chimique, ont été incorporés depuis de nombreuses années aux pâtes dentifrices.
Actuellement, et dans le souci de prévenir le développement des maladies parodontales, des substances antibactériennes ou antitartres sont incorporées. La chlorhéxidine et le triclosan sont les substances chimiques les plus couramment utilisées, mais leur efficacité à long terme n’est pas prouvée (3).
Les révélateurs de plaque :
Le révélateur de plaque doit être utilisé après chaque brossage, son objectif est double :
* Aide le patient à identifier les sites difficiles à nettoyer
* Lui faire apprécier ses progrès
Un usage quotidien les premiers jours est conseillé, puis périodique quand la technique de contrôle de plaque est bien maitrisée (5).
Présentés sous différentes formes (pastilles, liquide…), leur composition est généralement à base d’éosine, érythrosine ou fuchsine.
L’inconvénient de ces produits est la coloration persistante après utilisation. Des formes plus discrètes à base de fluorescéine ont été mises au point, la révélation de la couleur jaune caractéristique est possible grâce à l’utilisation d’une lampe à ultraviolet (3).
Les bains de bouches :
Depuis l’expérience de Loë en 1965 (2), on sait que le contrôle mécanique est suffisant pour traiter la gingivite. Cependant, l’adjonction de moyens complémentaires au brossage est souvent nécessaire. Ainsi, l’utilisation de bain de bouche à base de Chlorhéxidine, de triclosan, ou de listerine, quand ils sont indiqués, a démontré une diminution de la plaque en association avec un contrôle mécanique.
Les études sur le chlorure de cetylpyridinium et la sanguinarine n’ont montré que peu ou pas d’effet sur l’indice de plaque quant ils sont associés au brossage (Egelberg, 1999) (13).
Les hydropulseurs : Leur fonctionnement consiste en une propulsion sous pression d’eau ou de solution antiseptique, mais leur action est assez limitée. Cependant, ils peuvent être utiles pour les patients porteurs de bridges afin d’éliminer les éventuels débris alimentaires dans les zones postérieures difficiles d’accès (3).
CONCLUSION
La motivation à l’hygiène bucco-dentaire est un acte complexe dont il faut maîtriser tous les aspects techniques et comportementaux, si l’on souhaite parvenir à un traitement parodontal optimal. Il faut attirer l’attention du patient sur le confort et le bien être qui résultent de l’application de telles mesures d’hygiène buccale. La collaboration du patient ne peut être obtenue que si un enseignement correct lui a été prodigué.
BIBLIOGRAPHIE
1- Dominique SOUDAIN. Elimination de la plaque bactérienne rôle du patient ;
justification-moyens. J parodontol 1983 ; vol 2 ; n°3 : 273-288
2- Loë H, et al., experimental gingivitis in man. J Periodontol 1965; 36: 177-187
3- J. M. Svoboda, T. Dufour. Prophylaxie des parodontopathies et hygiène
buccodentaire. EMC 2004 ; 23 447 E 10
4- Christian Verner et Michel Sixou. Le contrôle de plaque aujourd’huit (1°
partie). Inf dent 1°octobre 2003; n°33
5- F. LAKEHAL. La motivation à l’hygiène bucco-dentaire: Amie ou ennemie du dentiste ? Le courrier du dentiste Janvier 2000; n° 4
6- C. MICHEAU. Le contrôle de plaque en parodontologie : méthodes
d’information au patient. Inf dent 24 janvier 2001 ; n°4
7- Sandrine BRUNEL-TROTEBAS. La motivation et l’enseignement à l’hygiène
bucco-dentaire chez le patient atteint de maladie parodontale. Clinic
2003 ;vol 24 ; n°3
8- Paul MATTOUT et Catherine MATTOUT. Les thérapeutiques parodontales et
implantaires 2003 : 482-495
9- Cochrane Oral Health Group. Heanuem. Manuel versus powered
toothbrushing for oral health 2003
10- Heanue M. Manuel versus powered toothbrushing for oral health
(Cochrane Review) 2003
11- Bernard Schweitz et Nicolas Picard. Brosses à dents électriques. Inf dent
23 Avril 2003 ; n°16
12- Christensen GJ. Why clean your tongue ? JADA 1998 ; 129: 1605-1607
13- Egelberg J., Oral hygiene methods. The scientific way. OdontoScience
Edition 1999
14- Tonzetich J et Ng S k. Reduction of malodor by oral cleansing procedures.
Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1976; 42: 172–181
Motivation du patient : Etape de taille pour un bon traitement parodontal (1ère Partie)