Publié le 15-09-2001
N. AUSALAH, M. SIDQUI, B. ABBASSI, K. AMINE, J. KISSA.
Service de Parodontologie
Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca

Université Hassan II


RÉSUMÉ

Le traitement d'urgence des problèmes parodontaux est un aspect important de toute pratique. En effet, nombreux sont les patients qui consultent pour un abcès parodontal, une gingivorragie, une mobilité dentaire...

Soulager un patient passe avant tout par la mise en place d'un diagnostic correcte et par un plan de traitement rigoureux.

Mots-clés : Urgence - infection - douleur – saignement

Le chirurgien dentiste est souvent confronté lors de sa pratique quotidienne à de multiples cas d'urgence. En parodontologie, les circonstances les plus fréquentes d'urgence sont : l'abcès parodontal aigü, les gingivorragies, la mobilité dentaire, la GUNA...

Quel serait le rôle du praticien face à ces situations ?

C'est d'abord soulager la douleur du patient et maîtriser l'infection. Pour cela, un examen clinique rigoureux avec une bonne connaissance des différentes symptomatologies vont lui permettre de bien poser son diagnostic et de bien cibler sa thérapeutique.

 

Ces cas d'urgence sont :
- Abcès parodontal aigu,
- Syndrome de septum,
- Gingivorragies,
- Mobilité dentaire,
- Gingivite ulcéro-nécrotique,
- Péricoronarite.

 

ABCÈS PARODONTAL AIGU

C'est l'une des urgences les plus fréquemment rencontrées en parodontologie. Appelé également abcès latéral ou pariétal, il s'agit d'une inflammation purulente, localisée, située dans les tissus parodontaux. (Caranza, 1988) (1) (Fig.1 et Fig.2).

 

 

Fig. 1 : Aspect clinique d'un abcès parodontal en regard  de la face vestibulaire de la 27 Fig. 2 : Aspect clinique d'un abcès parodontal en regard de la face vestibulaire de la 46

 

Etiologies :

Plusieurs facteurs peuvent être à l'origine de la formation d'un abcès parodontal. (Beer-gabel, 1973) (2). En effet, il s'agit souvent d'une agression mécanique qui a pour effet d'entraîner une impossibilité de drainage de la lésion. Cette agression pourrait être :
- Une obturation de l'extrémité d'une poche,
- Une blessure gingivale par une brossette, un cure dent ou une arête de poisson,
- Une détersion insuffisante lors d'un traitement d'une poche parodontale,
- Une perforation radiculaire après traitement endodontique ou un traumatisme auquel s'ajoute un facteur microbien local.

 

Signes cliniques :

La gencive est rouge, oedémateuse, lisse et brillante ; douloureuse avec une sensibilité à la palpation et à la percussion. (Ramfjord et coll 1993), (Genon et coll., 1990) (Michel, 1997) (3, 4, 5).
Les signes généraux sont instables. La radiographie peut montrer la forme et l'importance de l'alvéolyse, les rapports avec les dents voisines ou les structures avoisinantes et la présence d'une lésion endodontique associée.
Le diagnostic différentiel devrait se faire avec l'abcès périapical (Fig. 3) (Michel, 1997) (5).

 

  Apériapical A.parodontal

Vitalité

Caries

Poches

Radioclarté

Mobilité

Percussion

Fistule

-

+

-

apicale

+/-

+

apicale

+

-

+

latérale

+

+ (aigu)

latérale

Fig.3 : Signes d'abcès périapical et parodontal adapté de Glickman 1979 (6)


Traitement :

Il doit être symptomatique et étiologique. L'utilisation d'antibiotiques par voie systémique est souvent sujette à controverses. En effet, certains auteurs (Lewis & coll 1986, Ammons 1996, Ahl & coll 1986) in (7) excluent l'utilisation d'antibiotiques par voie générale sauf en cas d'affection systémique associée.Tenenbaum (1996) (4) recommande l'antibiothérapie en cas de signes généraux accompagnant le tableau clinique ou en cas de patient à risque (cardiaque, diabétique). Alors que Galego-Feal & coll, 1995 (in 7) préconisent d'associer au traitement local l'antibiothérapie par voie systémique.

Des antalgiques en cas de douleur et des antiseptiques sous forme de bain de bouche à base de chlorhexidine sont souvent prescrits. Quant au traitement étiologique, il consiste en un drainage de l'abcès soit à partir de la poche parodontale soit par incision externe associée à un détartrage surfaçage accompagné d'une irrigation sous gingivale qui permettra un lavage mécanique de la lésion ( Ramfjord, 1993); (Genon et coll., 1990) (Michel , 1997) (3,4,5).


SYNDROME DU SEPTUM

Étiologie :

- Défaut de point de contact,
- Dents en malposition,
- Caries proximales et destruction coronaire,
- Usure des reliefs occlusaux par transformation des convexités occlusales et des crêtes marginales en facettes obliques ou par usure cuspidienne oblique qui ouvrent l'espace inter-dentaire lors des mouvements mandibulaires.

Tous ces défauts de point de contact provoquent une rétention alimentaire. Ce tassement alimentaire a d'abord une action mécanique entraînant la destruction de l'attache épithéliale et favorise secondairement la prolifération bactérienne. L'épithélium de jonction migre apicalement et l'inflammation se propage dans l'os alvéolaire.
Le type de lésion osseuse dépend du septum : à septum large correspond une lyse osseuse en cratère, à septum étroit, une lyse osseuse en horizontal. (Fontaine et coll, 1990) (8) (Fig. 4).


Signes cliniques :

- Sensation de compression,
- Mauvais goût,
- Douleur à la mastication entretenue par la rétention alimentaire,
- Desmodontite sur les deux dents contiguës au tassement alimentaire,
- Inflammation gingivale.
Le signe pathognomonique du syndrome du septum est la pression digitale de la papille interdentaire qui provoque une douleur plus ou moins intense différente de la réponse d'un septum sain.


Traitement :

Doit être étiologique et peut nécessiter en urgence :
- La suppression d'une obturation ou d'un fragment d'obturation ayant basculé dans l'espace interdentaire,
- L'exérèse d'un corps étranger logé dans cet espace,
- Le meulage (coronoplastie) d'une cuspide plongeante ouvrant un point de contact soumis à l'impact alimentaire,
- Curetage parodontal de la région interdentaire après écouvillonnage à l'eau oxygénée (Fourel et coll ,1980) (9).

GINGIVITE ULCÉRO-NECROTIQUE

Aspect clinique d'une GUN à son stade initial
Fig. 5 : Aspect clinique d'une GUN à son stade initial

C'est une maladie infectieuse inflammatoire aiguë de la gencive. Elle fut appelée stomatite de Vincent et bouche des tranchées des anglo-saxons (Pawlak et coll, 1988) (10) (fig. 5).

Etiologies :

Facteurs déclenchants :
Il est prouvé que la maladie est la conséquence de facteurs bactériens, généraux et psychologiques.
La flore bactérienne est prédominée par des fusobactéries, des spirochètes et des bactéroïdes intermédius, qui semblent être les microorganismes prédominants. (Pawlak et coll, 1988), (AAP, 1996) (Chairay & coll, 1992) (Michel, 1997) (5,6,10,11). Sabiston et coll. (1986) (12) ont également impliqué des étiologies virales dans la GUNA : Notamment le cytomégalovirus et Sida surtout dans les GUNA récidivantes. De plus, la mauvaise hygiène bucco-dentaire est souvent responsable de l'aggravation et de la progression des lésions.

Facteurs favorisants :

- Inflammation gingivale : Pindborg (1951) (in 6) a observé que 90 % des GUNA débutaient par une simple gingivite marginale,
- Tabac : Pindborg (1951) (in 6) a noté que 98 % des patients ayant une GUNA étaient fumeurs,
- Stress : Goldhaber et coll (1964) (in 6) ont rapporté une incidence plus importante de la maladie chez les militaires à leur entrée et juste avant leur sortie de l'armée. Schannon et coll. (1969) (13) ont observé un niveau élevé de 17 hydroxy corticostéroïdes chez les patients présentant une GUNA par rapport aux cas témoins,
- HIV : Smith et coll. (1987) (in 6) ont rapporté une incidence élevée de GUNA chez des patients à risque d'être contaminés par le virus HIV.
Cette association est d'un grand intérêt pour le chirurgien dentiste lors du traitement de la GUNA.

 

Signes cliniques :

Signes locaux :
La gencive, rouge vif, est recouverte de pseudomembranes, sous forme d'un enduit blanc grisâtre, bordée d'un érythème linéaire.
L'aspect décapité des papilles est souvent révélateur de la maladie.
Les douleurs sont plus ou moins intenses selon l'étendue de la lésion.
Les gingivorragies sont spontanées ou provoquées.
L'halitose est aussi rapportée. (Chairay & coll, 1992) (Michel, 1997) (5,6)

Signes régionaux et généraux :
Adénopathies.
Fièvre, malaise, anorexie sont variables. (Chairay & coll , 1992) (Michel, 1997) (5, 6).

 

Traitement :

Symptomatique : (Chairay & coll , 1992) (Bercy, 1996) (Michel, 1997) (5, 11, 14).
A base :
- d'antibiotiques :
* Pénicillines (Goldhaber & coll 1964) (6)
* Metronidazole (Loeshe & coll. 1982) (15)
- d'antalgique pour soulager la douleur du patient,
- et d' antiseptiques : en bain de bouche.

Etiologique :

Une détersion des lésions nécrotiques avec un écouvillon imbibé d'eau oxygénée à 10 volume ou de chlorhexidine, associée à un débridement avec les ultrasons si les lésions ne sont pas très douloureuses.


PÉRICORONARITE

C'est une inflammation aiguë du tissu gingival en rapport avec la couronne d'une dent qui n'a pas encore achevé son éruption. Elle atteint surtout les dents de sagesse. (Pawlak & coll, 1988) (Bercy, 1996) (7, 14) (Fig. 6)
Fig. 6 : Aspect clinique  d'une pericoronarite  au niveau de la 38.
Etiologie :

L'accumulation de la plaque bactérienne sous le capuchon muqueux génère souvent une inflammation et un œdème ce qui est à l'origine d'un traumatisme mécanique du capuchon par la dent antagoniste. (Bercy, 1996) (14).

 

Signes cliniques : (Pawlak & coll, 1988) (7)
- Tuméfaction et rougeur du capuchon muqueux avec parfois une suppuration,
- Plage douloureuse et sensible autour du capuchon,
- Limitation de la mobilité mandibulaire,
- Mauvaise haleine,
- Mauvais goût,
- Douleur pouvant irradier vers l'oreille et la gorge,
- Adénopathie,
- Altération de l'état général : fièvre...

Signes radiologiques :
(Pawlak & coll, 1988)(7)
Dans les cas précoces : pas de signes radiographiques.
Dans les cas avancés : radiotransparence diffuse au niveau marginal du septum.

 

Traitement : (Caranza, 1988) (Bercy, 1996) (1, 14)

Symptomatique :
L'antibiothérapie est indiquée si l'état général est altéré ou s'il y a une extension régionale des signes inflammatoires.
Des antiseptiques en bain de bouche et des antalgiques en cas de douleur.

 

Etiologique :
Nettoyage à l'aide d'une curette et d'eau oxygénée.
Après refroidissement de la lésion, excision du capuchon muqueux et extraction de la dent si elle pourrait générer des perturbations fonctionnelles.

Fig. 7 : Aspect clinique d'une parodontite avec une perte d'attache et une mobilité degré 3 de la 31 Fig. 8 : Aspect radiographique d'une lesion terminale au niveau  de la 31

 

MOBILITÉ DENTAIRE

Elle est définie comme l'augmentation de l'amplitude du déplacement de la couronne dentaire sous l'effet d'une force définie(16). C'est l'un des principaux signes cliniques de parodontites. C'est un motif de consultation fréquent des patients (fig. 7, Fig. 8).

 

Etiologies : (Ainamo et coll 1996) (Hess & coll, 1993) (16, 17).

Hormis le retrait parodontal, la mobilité peut être due à une surcharge occlusale, à un traumatisme, à une infection périapicale ou à un processus tumoral.

 

Signes cliniques : (Bercy, 1996) (14)

La mobilité est souvent classée en plusieurs degrés :
Degré 0 : mobilité physiologique, dent ferme,
Degré 1 : mobilité augmentée mais le déplacement est inférieur à 1 mm dans le sens
Vestibulo - Lingual,
Degré 2 : la dent peut être déplacée de plus de 1 mm dans le sens horizontal mais pas en direction apicale. La fonction n'est pas altérée,
Degré 3 : la fonction est perturbée et la dent se voit souvent aussi déplacée dans le sens vertical.


Traitement : (Drogoun et coll., 1993) (Ainamo et coll 1996) (16,18)

Le traitement consiste souvent en la réalisation de contention associée parfois à un meulage sélectif qui permettrait une élimination de la surcharge occlusale.
La contention est indiquée en urgence en cas d'inconfort du patient, d'une fonction masticatrice perturbée ou en prévention d'extrusion des dents ou en cas de mobilité résiduelle postopératoire.
La contention doit respecter certains principes :

Mécaniques :

- Roy (1923, cité par Held et Chaput 1959) (19) : Une contention efficace doit inclure 3 secteurs différents,
- Polygone de contention (Manson 1975) (20) : Plus grande est la surface du polygone qui circonscrit les dents en contention et plus efficace est la contention,
- Principe de la localisation verticale (Trevoux 1979) (21) : Il convient que le système de contention soit le plus prêt possible du bord occlusal,
- Principe de la dent terminale (Hirsch et Barrelle 1970) (22) : La dent terminale devrait avoir une stabilité suffisante.

Biologiques :

Elle doit permettre un bon contrôle de plaque bactérienne et les différentes forces exercées sur la contention doivent être distribuées sur l'ensemble du système.
On a plusieurs types de contention mais en urgence, le plus souvent, on réalise des attelles de composite avec un renfort (fil torsadé 3/10, fibre de verre...) ou une contention avec des ligatures en huit ou en échelle.


Fig. 9 : Gingivorragie au niveau de la 11-12.GINGIVORRAGIES

Se manifestent par un saignement abondant des gencives. Le patient rapporte souvent un écoulement sanguin sur sa taie d'oreiller. (Tenenbaum, 1996) (14) (fig. 9).

 

Etiologies : (Beer-Gabel, 1973) (2).

Locales :
- Hygiène bucco-dentaire défectueuse,
- Blessure gingivale.

Générales :

- Anomalie vasculaire (anémie...),
- Déficience de facteurs de coagulation (hémophiles).

 

Signes cliniques :

La gencive est rouge oedémateuse saignant au moindre contact.

 

Traitement : ( Tenenbaum, 1996) (14)

- Détartrage et surfaçage de la zone atteinte,
- Prescription de bain de bouche à base de chlorhexidine avec une bonne motivation à l'HBD,
- Puis lors des visites ultérieures, un traitement conventionnel est effectué.


CONCLUSION

Le rôle du chirurgien dentiste ne consiste pas seulement dans le traitement de l'urgence mais dans la prévention de celle-ci grâce au dépistage et à la motivation des patients pour pouvoir les traiter à temps.

 

BIBLIOGRAPHIE

1 - Caranza. La parodontologie clinique selon Glickman. Ed. CDP 1988.
2 - Daniel Beer - Gabel. Abcès parodontal. Revue de la Société odonto-stomatologique du Nord est Nancy 1973, pp. 85 - 97.
3 - S. P. Ramfjord M.M. Ash jr. Parodontologie et parodontie : Aspects théoriques et pratiques. Ed Masson Paris 1993
4 - Pierre Genon, Christine Genon - Romagna, Dominique Soudain. Le traitement de l'abcès parodontal. Information dentaire, n° 42 du 29 Novembre 1990.
5 - J. F. Michel. Faire face à l'urgence en parodontologie. ROS, tome 26, n° 6, 1997.
6 - AAP. Periodontal litterature reviews a summary of current knowledge Chicago 1996.
7 - HERERA, Roldan S. , Sanz M. The periodontal abscess : a review. J. Clin periodontol, 2000, 27 : 377-386.
8 - M. Fontaine, C. Perrin, C. Sebban. Interaction pathologique dento-parodontale. EMC, 23025 B10, 7 - 1990.
9 - Jean Fourel, Roger Falabregues. Parodontologie pratique. Paris, Julien Prêlat, 1980 : 79-80
10 - E.A Pawlak, PH. M. Hoag. Manuel de parodontologie. Ed. Masson, Paris 1988.
11- Chairay, L. Jaoui. Lésions gingivales au quotidien. ROS tome 21, n° 2, 1992.
12 - Sabiston. A revew and proposal for the etiology of acute necrotizing gingivitis. J. Clin. Periodontol, 1986, 13 : 727 - 734.
13 - Shannon H., Kilgore W.G., O'Leary. Stress as a predisposing factor in necrotizing ulcerative gingivitis. J. Periodontol., 1969, 40 : 240 - 242.
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16 - J. Ainamo, G. Alcoforado, A. Borghetti et coll. Maladies parodontales mobilité, contention et prothèse. AOS n° 194, Juin 1996.
17 - Daniel Hess, Olivier Maurry. La dent mobile - bases théoriques et implications. Revue mens Suisse odontostomatol, vol 103, 1/1993.
18 - H. Drogoun, P. Le Maître, A. Daniel. Contention en parodontie. EMC 23445, P. 10, 1993.
19 - Held et Chaput. Les parodontolyses. Paris Julien prélat edit, 1959
20 - Manson : PERIODONTICS Londre ed 1989
21 - Trevoux. La contention en parodontie. Actual odonto stomat,1979,127 : 419-453
22 - Hirsh & Barrelle. Introduction à la parodontologie. Paris, AGE CD ed 1970

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