Publié le 15-10-1999
H. CHELLY*, M.JABRI**, A. BENHADDOU*, F. KADIRI*, IA. CHEKKOURY*, Y. BENCHAKROUN*.
* Service d’O.R.L et de Chirurgie cervico-faciale
**Service d’Odontologie Conservatrice
C.H.U Ibn Rochd - Casablanca
RÉSUMÉ
Les sinusites maxillaires sont des affections sinusiennes dont l'origine dentaire constitue un pourcentage non négligeable, vu l'intimité des rapports existants entre les dents et le plancher sinusien. Les examens complémentaires basés sur les techniques de radiologie conventionnelle et moderne sont nécessaires. Leur indication est fonction du contexte clinique. La réussite du traitement dépend de l'élimination de la cause dentaire et de sa conséquence sinusienne.
Le traitement dentaire doit prendre en considération le risque de récidive et les répercussions des extractions dentaires. Le traitement des sinusites maxillaires est médico-chirurgical. La prise en charge du patient nécessite la collaboration entre dentiste et oto-rhino-laryngologiste.
Mots clés : Sinusites maxilaires, dents sinusiennes, diagnostic, traitement.
Le sinus maxillaire est en contact direct avec le complexe alvéolo-dentaire par l’intermédiaire des deuxièmes prémolaires, premières et deuxièmes molaires supérieures. La sinusite maxillaire d’origine dentaire naît d’un conflit de mauvais voisinage dent/sinus. Habituellement bénignes, elles peuvent être à l’origine de complications méningoencéphaliques graves. La prise en charge des sujets atteints de sinusite d’origine dentaire nécessite la collaboration étroite entre le chirurgien dentiste et l’otorhinolaryngologiste afin d’établir un diagnostic précoce et un plan de traitement précis.
ÉTIOPATHOGÉNIE
a- Facteurs favorisants :
1- Relation dent-sinus :
Le sinus maxillaire est une cavité paire et pneumatique, creusée dans l’épaisseur de l’apophyse pyramidale de l’os maxillaire, limitée en bas par le complexe alvéolo-dentaire. Le plancher du sinus maxillaire est discontinu et perforé par de nombreux pertuis vasculaires, ce qui traduit l’intime relation entre le sinus et le périodonte des molaires maxillaires qui rejoignent la muqueuse sinusienne. Suite à de nombreux travaux, BERCHER et FLEURY (in 2) classent les dents maxillaires par ordre de proximité de leurs apex avec le plancher sinusien : 1ère molaire, 2ème prémolaire, 3ème molaire, 1ère prémolaire, canine (Fig. 1).
Le rôle du zinc contenu dans la pâte dentaire dans le développement de l’aspergillus a été démontré depuis 1965 par plusieurs auteurs (3,4,6). En effet, l’aspergillus pousse très bien dans des concentrations de l’ordre de 10-7 mol/l de zinc. Ce dernier interviendrait dans le métabolisme de l’aspergillus en tant qu’activateur enzymatique.
3- Causes générales :
L’immunodépression par toxicomanie, les médicaments cytotoxiques, les immunodépresseurs, les corticoïdes et l’antibiothérapie prolongée à large spectre perturbent l’écoflore sinusienne locale.
4- Causes anatomiques :
L’obstruction nasale favorise la sinusite rhinogène. La perturbation de la fonction mucociliaire sinusienne est une situation propice à l’éclosion d’une sinusite maxillaire d’origine dentaire.
Cet obstacle nasal siège le plus souvent au niveau du méat moyen, espace anatomique de drainage du sinus maxillaire qui peut être très étroit ou bloqué par un cornet moyen anormalement pneumatisé ou de courbure inversée. Par ailleurs, une déviation importante de la cloison nasale peut être responsable d’une sinusite maxillaire.
b- Facteurs étiologiques :
La périodontite apicale peut faire suite à une mortification d’une dent sinusienne cariée. L’anatomie pathologique de cette périodontite peut être visualisée sur le schéma de TERRACOL (Fig. 2).
2- Causes iatrogènes :
Traitement endodontique inadéquat: soit lors d’un dépassement de pâte canalaire ou d’une obturation canalaire insuffisante (Fig. 3). Le respect de la longueur de travail est une mesure préventive capitale.
Implant dentaire perforant : En principe, le maxillaire supérieur offre suffisamment d’os pour les implants. Cependant, dans certaines zones, une résorption osseuse exagérée oblige la pénétration de l’implant dans le sinus maxillaire. Cette pénétration comporte un risque infectieux.
DIAGNOSTIC POSITIF
1 - Signes d’appel
- Rhinorrhée intermittente, purulente, unilatérale et fétide
- Algie modérée maxillo-dentaire unilatérale (inconstante)
- Obstruction nasale (inconstante).
Ces signes évoquent l’atteinte sinusienne, leur unilatéralité oriente vers l’étiologie dentaire. Cette unilatéralité doit également faire évoquer un corps étranger nasal chez l’enfant et une tumeur chez l’adulte.
2- Examen clinique (1,9)
L’examen rhinologique, après mouchage et rétraction des cornets par vasoconstricteurs, est fondamental. La rhinoscopie antérieure ou l’endoscopie nasale (à l’optique ou au fibroscope souple) montre une congestion de la muqueuse et des sécrétions purulentes au niveau du méat moyen (Fig.4). La rhinoscopie postérieure retrouve du pus au niveau du cavum, sur la paroi postérieure du pharynx et sur la queue du cornet inférieur homolatéral.
L’examen stomatologique apprécie l’état dentaire : caries éventuelles, percussion dentaire douloureuse, mobilité dentaire voire fistule bucco-sinusienne.
3- Exploration radiologique
La radiographie panoramique dentaire permet de visualiser l’ensemble des arcades et en particulier les prémolaires et les molaires supérieures dont les rapports sont étroits avec les sinus maxillaires.
Les radiographies rétro-alvéolaires précisent les lésions qui ont été dépistées par le cliché panoramique.
La tomodensitométrie est l’examen de référence dans la pathologie sinusienne (7,8). Elle permet un bilan étiologique précis qui confirme l’origine dentaire et un bilan pré-opératoire.
Le Dentascanner représente l’examen le plus performant, qui a l’avantage de préciser la ou les dents responsables et dépister une éventuelle fistule à minima. Son coût élevé le réserve aux difficultés diagnostiques.
FORMES CLINIQUES
1- La sinusite aiguë
2- La sinusite chronique
3-La sinusite aspergillaire
4- La sinusite bloquée
5- La sinusite atténuée
6- La sinusite compliquée
TRAITEMENT
Traitement du sinus (5,9)
Le traitement médical d’une sinusite maxillaire a un triple but :
- Lutter contre l’infection;
- Lutter contre la douleur;
- Eviter le passage à la chronicité.
Ce traitement doit être local et général.
Les traitements locaux
Ils assurent la décongestion de l’ostium afin d’assurer un drainage correct et une meilleure aération du sinus. On utilisera :
Les vasoconstricteurs locaux en évitant tout emploi prolongé
- Les inhalations balsamiques et soufrées
- Les aérosols associant corticoïdes et antibiotiques
Le traitement général
Il associe :
- Une antibiothérapie probabiliste qui doit tenir compte des germes les plus fréquemment impliqués et de leur profil de sensibilité. Le choix peut se porter soit vers l’association amoxicilline-acide clavulanique, soit vers une céphalosporine orale à large spectre de 1,2 ou 3e génération. L’association spiramycine-métronidazole est particulièrement recommandée dans les sinusites dentaires en raison de la présence de germe anaérobie. La durée est habituellement de 10 jours.
- Des anti-inflammatoires non stéroïdiens à la dose de 1mg/Kg/j pendant 4 à 6 jours;
- Des antalgiques.
2 . Volet chirurgical
Si le traitement des sinusites maxillaires aiguës est avant tout médical, le drainage chirurgical est un geste d'urgence, réservé aux sinusites bloquées, hyperalgiques, résistantes aux traitements médicaux.
Ce geste vise essentiellement à évacuer un véritable empyème sinusien.
Dans les formes chroniques, il existe une perturbation de la fonction mucociliaire qui aboutit à un confinement du sinus qui est mal aéré. L'intervention chirurgicale type répondant à ce cas de figure est la méatotomie moyenne et/ou inférieure qui consiste en une fenestration du sinus maxillaire autour de l'ostium maxillaire permettant alors au sinus d'être mieux ventilé.
Traitement dentaire
Le traitement de l'infection dentaire pose le problème de la conservation ou non de la dent.
Traitement conservateur
La conservation de la dent nécessite un traitement canalaire, associé plus rarement à une résection apicale si l'apex est accessible. Le traitement endodontique doit consister en :
- Un débridement basé sur l'élimination et la neutralisation de toutes les substances organiques, les résidus tissulaires et les bactéries contenus dans le réseau canalaire,
- Un élargissement canalaire,
- Une obturation canalaire hermétique.
La reprise de traitement canalaire s'impose devant un échec endodontique si l'accès aux canaux est possible et que la dépose de la restauration ne compromet pas le maintien de la dent sur l'arcade. Cette intervention ne doit être entreprise que lorsque le succès est envisageable.
La chirurgie endodontique est une technique chirurgicale permettant par un abord muco-osseux éxérèse du tissu inflammatoire, la résection apicale et le scellement à rétro du système canalaire.
Extraction (2,6)
L'avulsion s'impose dans un certains nombre de cas où le traitement conservateur risque d'entraîner une récidive ou d'empêcher la cicatrisation des lésions infectieuses. L'avulsion peut conduire à une communication bucco-sinusienne qui se ferme spontanément avec la disparition des phénomènes infectieux.
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
Dental disease : a frequently unrecognized cause of maxillary sinus abnormalities ?
AJR 1996; 166 : 1219-1223
2- CANTALOUBE D., SUC B.
Relations pathologiques entre les dents et les sinus maxillaires.
Encycl. Méd. Chir. (Paris, France) Stomatologie et odontologie, 22-038-A-10,1993,10p.
3- CHEYNET F.
Sinusite maxillaire d'origine dentaire: diagnostic et principes du traitement.
Chir. Dent. Fr., 1991,61 (550) , 27-32.
4- FLORANT A.
Sinusite d'origine dentaire.
Impact internat 1995; 161 - 168.
5- FOMBEUR JP, EBBO D.
Les sinusites : du diagnostic au traitement
Monographies du CCA Wagram, Chap III et IX, Ed, 1997.
6- JANKOWSKI R., BRUHIER N.
Sinusites maxillaires d'origine dentaire.
JFORL 1993, 42,3; 207-212.
7- KLOSSEK JM, FONTANEL JP, FERRIE JC.
Explorations radiologiques des cavités sinusiennes et nasales
Encycl. Méd. Chir.(Paris, France) Otorhinolaryngologie,20-422-A-10,1993,16p.
8- MARSOT DUPUCH K..
Indications, techniques et analyse de l'imagerie des sinus de la face.
Sem. Hôp. Paris 1993,69,39,1405-1415.
9- TOUHAMI M., CHELLY H.
Conduite à tenir devant les sinusites
Les Cahiers du médecin, 1998, tome II, 14,52-55.