A. ELHAMID, B. AAZZAB
Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca.


RÉSUMÉ

Les facettes céramiques apportent une solution aux dyschromies dentaires intenses, corrigent les anomalies morphologiques et améliorent les dystopies légères. Cet article se propose de présenter les indications et de traiter et d’illustrer leur mise en œuvre. Les préparations pour facettes sont simples et bien codées. Le collage reste délicat et demande beaucoup de rigueur.

 Mots clés : Facettes céramiques - Prothèses – Occlusion

 

LES FACETTES CERAMIQUES COLLEES


Ce qu’il faut savoir
Les facettes céramiques offrent des avantages sans égal.
- sur le plan esthétique : meilleur contrôle de la couleur avec ses trois composantes: teinte, saturation, luminosité, et leur maintien dans le temps permettent aussi de résoudre certaines DDM ( diastèmes, malpositions ) et certaines malformations dentaires.
- sur le plan parodontal : la biocompatibilité de la porcelaine n’est plus à prouver. Son excellent état de surface permet une facilité de contrôle de la plaque.
Les facettes présentent l’inconvénient d’être onéreuses et délicates dans toutes leurs étapes de réalisation.

Ce qu’il faut avoir
Pour les préparations :
instruments de fraisage: boîtier de fraises pour facettes céramiques ou fraises équivalentes choisies de manière indépendante.
Elles doivent permettre une réduction de l’ordre de 0.5 mm, et donner une limite sous forme d’un congé.
Pour les empreintes :
Portes empreintes de préférence métalliques, pleins avec bords rétentifs.
Fils rétracteurs de différentes épaisseurs
Adhésif pour élastomères.
Silicone réticulant par addition de préférence.
Alginate et adhésif.
Pour le collage :
Cupule en caoutchouc, de la ponce
Cotons salivaires (digue),
Matrices métalliques,
Composite de collage, (voir chapitre suivant pour plus de détails).
Pour la finition :
Fraises à finir de granulométries différentes (voir le boîtier),
Strips abrasifs pour composite,
Fil dentaire.
Papier à articulé.

 


Les facettes céramiques peuvent être définies comme étant des pellicules en céramique permettant de modifier la couleur et /ou la forme des dents.
Les composites peuvent constituer une alternative aux facettes,(fig.1et 2). Ils présentent l’avantage de ne pas être chers et de mise en place facile et rapide. Mais ils ont le grand inconvénient de ne pas être stables dans le temps.

Sur le plan physique, le composite semble avoir des caractéristiques se rapprochant de celles de la dentine alors que la céramique a des caractères physiques  se rapprochant de celles de l’émail. De ce fait, les facettes en composite ne semblent pas être capables de restaurer la rigidité de la dent intacte (Reeh et coll.1994)(1). Les facettes céramiques donnent un rendu esthétique nettement supérieur à celui  des composites et présentent aussi une meilleure étanchéité marginale.

 

 

Fig. 1 et 2 :  Cas d’amélogénèse imparfaite touchant le groupe incisivo-canin supérieur et inférieur. Le composite a servi de maquillant permanent.

 

INDICATIONS

Les facettes peuvent être indiquées pour améliorer la couleur, restaurer la forme ou corriger  un petit défaut d’alignement dentaire.

 

Dyschromies : La fluorose, les colorations dues aux Tétracyclines, l’amélogénèse et la dentinogénèse imparfaites ainsi que certaines anomalies congénitales constituent les principales sources des dyschromies.
Parmi les anomalies congénitales on peut citer :

 

La prophyrie congénitale : Les dents présentent une coloration verdâtre et des anomalies de structure.
Le rachitisme héréditaire vitamine D dépendant : induit des hypoplasies de l’émail.


L’ictère hémolytique néonatal :
Les dents présentent des colorations jaunes ou bleues.

Les souffrances fœtales et les troubles nutritionnels ou toxiques pendant la grossesse provoquent des anomalies de structure et des colorations secondaires.
Les traumatismes et les atteintes infectieuses de la dent temporaire ainsi que les troubles nutritionnels et toxiques peuvent induire des anomalies de structure.


Les colorations professionnelles :
L’exposition à des poussières ou fumées contenant du cuivre, du fer ou du mercure peut entraîner des colorations brunes, noires ou grises.

Les dents nécrosées, ou mal dépulpées présentent souvent des colorations grisâtres ou noirâtres dues à la dégradation des produits nécrotiques ainsi que la décomposition de l’hémoglobine.

 

 

LES FACETTES CERAMIQUES COLLEES

Ce qu’il faut faire
- Prendre les empreintes des deux arcades à l’alginate (modèles d’étude et de référence).
- Anesthésier les dents à restaurer et leur gencive marginale.
- Placer un premier fil déflecteur (fin)
- Initier la préparation da la face vestibulaire en passant d’abord la fraise de contrôle de réduction dans le sens mésiodistal
- finir la réduction vestibulaire en respectant la profondeur de la préparation (0.4 à 0.6 mm). Situer la limite cervicale en juxtagingival. La préparation doit préserver les points de contact proximaux et s’arrêtera au niveau du bord libre
- Si une augmentation de la hauteur coronaire est recherchée, la préparation comportera un retour lingual.

Dans tous les cas les limites doivent rester dans l’émail et être parfaitement lisibles.

    
- Placer un deuxième fil déflecteur plus gros que le premier
- Le retirer après une à deux minutes
- Prise d’empreinte
- Vérification de la qualité de l’empreinte: reproduction des détails des préparations, lisibilité des limites et enregistrement de l’après limite cervicale...
- Choix de la couleur et de ses composantes
- Transfert des données au laboratoire.
- Essayage des facettes: Vérifier la couleur, la forme l’adaptation de chacune sur sa préparation et l’adaptation de l’ensemble des facettes entre elles
- Procéder aux rectifications nécessaires.


Les dyschromies peuvent aussi être dues à d’autres sources iatrogènes :

- La diffusion de l’anhydride arsénieux.
- L’infiltration de produit colorant la dentine par manque d’herméticité d’une obturation
- La corrosion d’une obturation métallique (amalgame).

 

Morphologie :
Dent conoïde, malformations, diastèmes, fractures ou toutes modifications de la forme.

 

 

Fig. 3 et 4 : la 41 chevauche avec les dents adjacentes et perturbe l’harmonie de l’arcade. La correction au composite “non collé” et la coloration du bord libre laissent prévoir le résultat avant toute prise de décision.

 

 

CONTRE-INDICATIONS

Etude Clinique :

Définir la morphologie in vivo par du composite.(fig. 3 et 4 )
Réalisation des modèles d’étude et de la morphologie désirée. Confection des facettes provisoires en méthode directe ou indirecte pour essai.
La morphologie peut être modifiée dans le sens d’une augmentation ou d’une réduction.
Evaluation et décision thérapeutique.

 

LE COLLAGE

Ce qu'il faut savoir
Collage = procédé d’assemblage utilisant des matériaux organiques ou composites à matrice organique.
La mise en oeuvre nécessite un prétraitement des substrats à assembler: émail, céramique, éventuellement plage dentinaire. Le protocole est très sensible aux conditions de manipulation.
Collage à l’émail: essentiellement au dépend de la trame minérale par encrage mécanique au niveau des anfractuosités obtenues par mordançage.
Collage à la dentine: se fait au dépend de la trame minérale et surtout organique. Il nécessite un conditionnement suivi d’une fonctionnalisation par l’utilisation respectivement d’un promoteur d’adhésion et d’un agent de couplage.
Collage à la céramique: comprend également un conditionnement à l’acide fluorhydrique et une fonctionnalisation à l’aide d’un silane.
L’adhésif est une molécule biréactionnelle destinée à réagir avec le silane et l’agent de couplage.
Le composite de collage présente une viscosité et une capacité de mouillage des substrats à assembler.
Tous les coffrets de collage contiennent ces différents composants.

Ce qu'il faut avoir
- Une seringue à air opérationnelle sans aucune fuite liquide ni graisseuse
- Un contre angle opérationnel sans aucune fuite liquide ni graisseuse
- Un plateau d’examen complet
- Un coffret de composite pour collage de facettes, couronnes céramo-céramiques et inlays céramiques. Certains coffrets offrent la possibilité d’avoir en plus du nécessaire au collage des composites d’essayage de couleur. Ces derniers ne sont ni polymérisables ni salissants.
Les nouvelles générations des composites de collage permettent un temps de prétraitement plus court en incorporant dans un même conditionnement le promoteur d’adhésion et l’agent de couplage voire même l’adhésif lui même.

 

Préparations :

Pour les premières préparations il est utile de faire appel aux guides de coupe: clés en silicones ou gouttières thermoformées pour contrôler la forme des préparations.
Placement du cordonnet déflecteur.
L’utilisation des fraises guides permet de contrôler la profondeur des préparations (fig. 5 et 6 )
Chaque préparation doit assurer une réduction superficielle de 0.3 à 0.5 mm dans l’épaisseur de l’émail. Il faut éviter toute exposition dentinaire dans les régions cervicale et proximale ainsi que tout angle vif résiduel.

 

 

Fig. 5 et 6 : Les fraises- guides limitent la profondeur des préparations.


Dans le commerce on trouve des coffrets spéciaux qui contiennent des fraises guides et des fraises à congé qui ont la particularité d’avoir dans la même fraise deux granulations différentes (fig.7).

 

 

Fig. 7 : fraises à congé avec deux granulations différentes  

Fig. 8 et 9 : Facettes sur les incisives supérieures. La 11 a subit un retour lingual en disto-occlusal pour corriger une malposition localisée à ce niveau.

 

 

Le retour lingual devrait être systématique pour les incisives inférieures alors que pour les supérieures, il sera réalisé chaque fois qu’une modification du bord libre est jugée nécessaire. Dans le cas où un retour lingual est effectué, la préparation devrait être plus en dépouille pour ne pas avoir de difficulté quant à l’axe d’insertion de la facette. (fig. 8 et 9 )
Nordbo et coll. (2) rapportent, en ce qui concerne les facettes sans retour lingual, qu’elles présentent un risque des délaminations de la céramique et des fractures en écailles (chipping).

 

 

LE COLLAGE

Ce qu'il faut faire
Préparation du champs opératoire
Disposer l’ensemble des éléments de manière ergonomique :
patient en position allongé, le praticien en position de midi
Le composite de collage et les instruments à la portée de la main du praticien
les facettes disposées selon un ordre bien déterminé pour faciliter leur repérage.

Manipulation :
- Nettoyer les surfaces dentaires préparées à la ponce à l’aide d’une cupule en caoutchouc montée sur CA (Contre Angle).
- Procéder au mordançage de l’intrados des facettes à l’acide fluorhydrique,
- Procéder au mordançage des substrats dentaires : éviter les acides forts au contact de la dentine pendant un temps prolongé (
- Rinçage abondant pendant une minute des tissus dentaires mordancés
- Rinçage abondant des facettes en évitant tout contact manuel avec l’intrados.
- Appliquer le silane au niveau de l’intrados des facettes.
- Isoler les sites de collage et les mettre à l’abri de tout contact humide,
- Placer une matrice métallique.
- Appliquer le promoteur d’adhésion sur toutes les surfaces dentaires préparées.
- Appliquer l’agent de couplage, sécher, s’assurer de l’étalement.
- Appliquer l’adhésif sur les préparations et sur l’intrados des facettes.
- Apporter le composite choisi sur l’intrados de la facette.La mettre délicatement en place.
- Faire une première photopolymérisation de très courte durée (5 sec).
- Eliminer les excès du composite.
- Continuer la photopolymérisation sur toutes les faces de la dent.
- Prendre une alimentation relativement molle
- Eviter les écarts de température, l’alcool et les bains de bouche acide.
- Revenir le lendemain pour un contrôle a long terme d’effectuer des visites de contrôle périodiques, rapprochées pendant la première année, une fois tous les trois mois. Puis espacées ou normalisées pour le reste.

Finition :
Eliminer avec un instrument tranchant les excès du composite. Continuer avec des fraises à granulométrie très fine. Une attention particulière sera apportée à la zone cervicale.
Polir l’ensemble. Passer le fil dentaire en interproximal, vérifier qu’il n’accroche pas.
Vérifier l’occlusion en intercuspidie maximale et lors des excursions mandibulaires. Répartir les charges de guidage sur le plus de dents antérieures possible.
Conseils :
Il doit être recommandé au patient pendant les 3 premiers jours:
- de prendre une alimentation relativement molle
- d’éviter les écarts de température, l’alcool et les bains de bouche acides.
- de revenir le lendemain pour un contrôle
A long terme d’effectuer des visites de contrôle périodiques, rapprochées pendant la première année, une fois tous les trois mois, puis espacées ou normalisées pour le reste.

 

 

Fig. 10 et 11 : Cas de colorations tétracycliniques, avant et après traitement orthodontique.

Fig.12, 13 et 14 : Détails des préparations et du conditionnement à l’empreinte.

Empreintes :
Un second fil est placé dans le sillon gingivo-dentaire (fig. 10, 11, 12, 13 )
Des matrices métalliques sont installées là où les points de contact sont serrés ( fig. 14 ). Elles feront éviter des déchirures du produit à empreinte lors de sa désinsertion et faciliteront la réalisation des modèles de travail.
L’empreinte doit  enregistrer les détails des préparations, les dents adjacentes et  aller au delà des limites cervicales.

 

Laboratoire :
Le prothésiste procédera à la coulée de l’empreinte et à la réalisation des modèles de travail. Dans le cas  où les facettes céramiques seront cuites sur un matériau réfractaire (ex: LFC-Ducera), un deuxième modèle issu du premier est alors confectionné . Si la céramique doit être cuite sur feuille de platine, le premier modèle suffira.
Le prothésiste choisira le système qu’il applique correctement.
Les facettes sont livrées glacées et finies. Aucune étape intermédiaire d’essayage n’est possible, c’est dire à quel point toutes les précautions de réussite doivent être prises.

 

Essayage clinique et Collage :
Nettoyage des surfaces à coller: détartrage, cupule molle garnie de pâte à polir non fluorée.
On procède d’abord à  la vérification de l’adaptation de chaque facette à  la préparation correspondante indépendamment des autres facettes avant de vérifier l’harmonie de l’ensemble. Un gel à base de glycérine, contenue dans les coffrets de composite de collage, facilitera ces essayages.

 

Fig. 15 et 16 : Aspect de la céramique mordancée rappelant celui de l’émail.

 

Traitement de la céramique :
Rinçage abondant des facettes, mordançage de leurs intrados avec de l’acide fluoridrique à 10% pendant  90 secondes puis rinçage abondant 60 secondes et séchage (fig.15 et 16 ).
Application du silane puis séchage au four à 100°C durant une minute. Un sèche-cheveux peut être utilisé. L’intérêt  est d’éliminer l’humidité ambiante et de condenser l’agent de silanisation.
La céramique est prête à recevoir les différentes étapes de collage.

 

Traitement des tissus dentaires :
Mise à l’abris des préparations de tout risque de contamination salivaire et de toute humidité.
Insertion du fil rétracteur.
Mise en place de la matrice et des coins de bois interdentaires.
Tissus dentaires: mordançage et conditionnement de l’émail et de la dentine.
Application des différents agents de collage (primer, agent de liaison ou bonding) sur les préparations et sur la céramique. Les constituants différent en fonction des coffrets. Il est conseillé d’éviter l’exposition à la lumière du scialytique pour empêcher toute polymérisation inattendue.
Insertion de la facette induite du composite choisi.

 

Elimination des excès et polymérisation. Les mêmes opérations sont répétées pour les autres facettes. Il est préférable d’opter pour un composite dual qui polymériserait même dans le cas où il n’a pas pu être atteint par la lumière de la lampe.
Après le collage de la dernière facette, les fils de rétraction gingivale sont retirés et le reste des excès est éliminé avec une fraise diamantée à granulométrie fine (bague jaune). Les strips abrasifs grains de plus en plus fin sont utilisés pour polir les surfaces interdentaires.

 

Fig. 17 et 18 : Cas de la figure 10. La répartition  des contacts en bout à bout sur plusieurs dents antérieures apporte une sécurité dans la pérennité des restaurations.

 

Occlusion :
Le réglage de l’occlusion ne se fait qu’après la fin du collage. On veillera à ce qu’aucune restauration ne présente de surcharge occlusale en intercuspidie maximale, lors des déplacements mandibulaires et au moment de l’établissement du bout à bout incisif. (Valentin) (3) (fig. 17 et 18)
Une fois l’occlusion réglée, on procédera à la finition et au polissage de l’ensemble. Les pointes en silicone, les brossettes garnies de pâte diamantée et secondairement de pâte d’alumine ajouteront un brillant de surface.


BIBLIOGRAPHIE

1 - Reeh E.S.; Ross G.K. Tooth stiffness with composite venneers: a strain gauge and finite element evaluation.
Dent. Mater., 1994, 10: 247-252.
2 - Nordbo H; Rygh-Thoresen N.; Henaug T. Clinical performance of porcelain laminate venneers without incisal overlapping: 3-year results.
J. Dent., 1994,22:342-345.
3 - Valentin CM le guidage antérieure : l’arc incisif de l’adulte : ses fonctions et ses relations.
 J. Edgweis,1995, 11: 7-34.

  

Formation continue

Publier un article

index medicus

indexation index medicus
Mars 2024
L Ma Me J V S D
26 27 28 29 1 2 3
4 5 6 7 8 9 10
11 12 13 14 15 16 17
18 19 20 21 22 23 24
25 26 27 28 29 30 31

Articles récents

Aller au haut