I. BENYAHYA*, S. BOUZOUBAA*, Z. MOUAKIT**

* Service d’Odontologie Chirurgicale CHU-Ibn Rochd - Casablanca Maroc
Faculté de médecine dentaire de Casablanca
Université Hassan II
** Médecin dentiste du secteur privé

 

RÉSUMÉ

Les assistantes dentaires jouent un rôle très important dans le contrôle de l’infection. Elles constituent un membre essentiel du personnel du cabinet dentaire, et doivent répondre à un profil particulier notamment en ce qui concerne leur formation et la maîtrise des différentes compétences. Afin d’évaluer le niveau de connaissances des assistantes dentaires en hygiène et asepsie, nous avons mené une enquête épidémiologique, transversale, descriptive, auprès de 175 assistantes dentaires du secteur privé.

 

Compte tenu des résultats de cette étude,  certaines connaissances des assistantes dentaires doivent être approfondies notamment en ce qui concerne:

- La protection individuelle ;
- La hiérarchie des étapes de la chaîne d’asepsie ;
- Le traitement du matériel rotatif ;
- Et le traitement de l’environnement de soins.


Par ailleurs, le profil de formation des assistantes dentaires auprès desquelles nous avons mené notre enquête n’étant pas spécifique à l’odontologie,  implique une méconnaissance totale, ou du moins des connaissances vagues des risques encourus et des modalités de prévention. L’hygiènoconscience, la communication, et la formation continue restent des principes fondamentaux pour l’amélioration du niveau des connaissances des assistantes dentaires.
Mots clés : hygiène, asepsie, assistante dentaire.

 

INTRODUCTION

L’activité des médecins dentistes comporte des particularités qui doivent être prises en compte pour évaluer le risque infectieux au cabinet dentaire. En effet, elle comprend de très nombreux actes invasifs, elle est particulièrement exposée au sang ainsi qu’aux produits biologiques et elle fait appel à des instruments complexes dans un milieu naturellement septique.

La prévention du risque infectieux vise à mettre en œuvre tous les moyens pour assurer la sécurité des patients et des professionnels de santé.
A ce titre, l’assistante dentaire joue un rôle primordial dans le contrôle de l’infection. Elle constitue un des maillons forts du personnel du cabinet dentaire et doit répondre à un profil particulier et maîtriser certaines compétences parmi lesquelles :
- Savoir identifier les différents modes de contamination ;
- Maîtriser la chaîne d’asepsie ;
- Gérer les déchets.
Nous présentons à travers cet article les résultats d’une enquête épidémiologique nationale de type descriptive transversale, menée auprès de 175 assistantes dentaires du secteur privé, dont l’objectif était l’évaluation de leur  niveau de connaissance en matière d’hygiène et d’asepsie.


MATÉRIEL ET MÉTHODE

Type de l’enquête :

C’est une enquête épidémiologique transversale descriptive.
             
Objectifs :
Évaluer le niveau de connaissances des assistantes dentaires du secteur privé en matière d’hygiène et d’asepsie.

Population étudiée
Dans le cadre de séminaires de formation, les assistantes évaluées provenaient de  Casablanca, Fès, Tétouan et Marrakech.  

Support de l’enquête : le questionnaire.
Le questionnaire, un imprimé de 5 pages, comportait 47 questions reparties en quatre volets :
• Le premier a été consacré aux connaissances générales des assistantes sur le risque infectieux ;
• Le deuxième a concerné la protection individuelle ;
• Le troisième a été réservé au traitement des dispositifs médicaux ;
• Le dernier a été consacré au traitement des surfaces et de l’environnement de travail.

L’enquête :
L’enquête a été réalisée par un seul enquêteur.     

 

Historique de l’enquête :

Période de l’enquête :
De Mars 2006 à Novembre 2007 : collecte des informations
Novembre 2007 : traitement statistique des données.

Déroulement de l’enquête :

L’enquête a été réalisée au cours d’ateliers de formation des assistantes dentaires. Ces derniers se déroulaient comme suit :
- Le questionnaire anonyme était distribué en début d’atelier de formation pour évaluer le niveau des assistantes ;
- Les assistantes participaient à la discussion du questionnaire. Elles assistaient par la suite à un cours sur l’hygiène et l’asepsie ;
- Les assistantes évaluaient à la fin l’atelier de formation.

Difficultés et biais :
Nous avons relevé, au cours de cette enquête, certains points qui ont une influence sur les résultats :
- L’incompréhension de certains mots techniques ;
- L’absence de réponse à certaines questions ;
- L’imprécision des réponses données par les assistantes.


MÉTHODES STATISTIQUES

La saisie des données ainsi que l’analyse statistique des résultats ont été faites à l’aide du logiciel Epi info 6.0.


RÉSULTATS

L’enquête a choisi comme cible les  assistantes dentaires exerçant à, Casablanca, Fès, Tétouan et Marrakech, dont la répartition est faite selon la figure 1.

Fig 1 : Répartition de l’échantillon global selon la ville d’exercice.

 

Protection immunologique : La répartition des assistantes selon leur vaccination contre l’Hépatite Virale B, la tuberculose et la diphtérie montre que :
- 70 assistantes, soit 40%,  n’étaient pas vaccinées contre l’hépatite B (fig 2) ;
- 66 assistantes, soit 37,7%, étaient vaccinées contre la tuberculose ;
- 82 assistantes, soit 46,9%, n’ont pas répondu à la question de vaccination contre la diphtérie.


Fig 2 : Vaccination des assistantes dentaires contre l’hépatite Virale B.

Protection physique :
(Tableau I)
99 assistantes, soit 56,6%, pensaient que les manches de la blouse     doivent être longues.
Un changement des gants de protection est effectué systématiquement entre deux patients et pour le même patient en cours de soins et à chaque fois qu'ils sont détériorés (piqûre, coupures) chez 80,6% des assistantes.
61 assistantes, soit 34,9%,  lavaient les gants entre deux patients et les réutilisaient.
 
37,1% des assistantes pensaient  que le port de gants de ménage était indispensable lors des étapes de pré-désinfection et nettoyage et complétait la tenue professionnelle en protégeant l'assistante  lors de la manipulation des dispositifs médicaux souillés
52,6% portaient  des gants d’examen pour le traitement des dispositifs médicaux.
75 assistantes, soit 42,9%,  changeaient quotidiennement le masque de protection.
 

 Protection physique  Oui  Non  sans réponse
 Les manches courtes de la blouse  26,30%  56,60%  17,10%
 Le changement quotidien du masque  42,90%  43,40%  13,70%
 Lavage des gants entre deux patients  34,90%  60,00%  5,10%
 Le port des gants de ménage lors de la manipulation des dispositifs médicaux souillés  37,10%  6,30%  56,60%
 L’utilisation des gants d’examen pour le nettoyage des instruments  52,60%  1,70%  45,70%
Tab I : Tableau récapitulatif de la protection physique des assistantes dentaires.

 

Protection chimique :
Un lavage simple avant et après le port de gants est respecté par 68% des assistantes (fig 3).

 
Fig 3 : Le lavage des mains avant et après le port des gants.
 
 

Traitement des dispositifs médicaux : (Tableau II)
La procédure de stérilisation nécessite des opérations préliminaires : démontage, pré-désinfection, nettoyage, rinçage, et le conditionnement.
La majorité des réponses des assistantes sur l’ordre des étapes de la chaîne d’asepsie ont été différentes, avec 25 non réponses.
Pré-désinfection : 120 assistantes, soit 68,6%, immergeaient le matériel utilisé immédiatement après le soin.


Conditionnement : 32,6% des assistantes, ont considéré que l’emballage du matériel avant la stérilisation n’était pas obligatoire.
Stérilisation : 19,4% des assistantes ont considéré que le poupinel était le meilleur moyen de stérilisation, alors que 73,3% des assistantes  ont affirmé que l’autoclave était le meilleur moyen de stérilisation. 27,4% des assistantes ont pensé que la température idéale à respecter en cas d’utilisation de l’autoclave était de 134°. 2,9% des assistantes ont considéré que le temps idéal à respecter en cas d’utilisation de l’autoclave était de 21min.

2/3 des assistantes n’ont pas répondu aux questions de la vérification de la stérilisation à l’aide d’un indicateur de passage, biologique et physico-chimique.
Concernant les instruments rotatifs, 48% assistantes utilisaient les lingettes désinfectantes, 42,3% des assistantes  utilisaient le lubrifiant et 74,9% des assistantes n’ont pas répondu à la question d’utilisation du stérilisateur.

 
 Traitement des dispositifs médicaux  Oui  Non  Sans réponse
 Ordre des étapes de la chaine d’asepsie  2,90%  82,80%  14,30%
 Pré-désinfection immédiate  68,60%  17,10%  14,30%
 Emballage  54,30%  32,60%  13,10%
 L’autoclave est le meilleur moyen de stérilisation  73,70%  19,40%  6,90%
 Stérilisateur des instruments rotatifs  23,40%  1,70%  74,90%
 Tab II: Tableau récapitulatif sur le traitement des dispositifs médicaux par les assistantes dentaires.
 
Traitement des surfaces et de l’environnement de travail :
Le nettoyage de l’embout du tuyau d’aspiration entre deux patients est effectué par 66,90% des assistantes. Le traitement de l’aspiration avec un mélange eau-produit spécifique à la fin de la journée est  effectué par 50,3% des assistantes (Fig 4).
 
 
Fig 4 : traitement de l’aspiration avec un mélange eau-produit spécifique à la fin de la journée.

 
 

Les assistantes ont été interrogées sur le nettoyage effectué entre deux patients :
Celui du fauteuil : réalisé par 64,6% des assistantes ;
Celui du crachoir : réalisé par 69,7% des assistantes ;
Celui de la tablette du fauteuil: réalisé par 58,9% des assistantes ;
Celui du scialytique : réalisé par 46,3% des assistantes.

Accident d’exposition au sang :

Dans le cadre des attitudes à respecter face aux instruments tranchants, piquants et coupants, les assistantes ont été interrogées sur le recapuchonnage de l’aiguille à la fin des soins : 76,6% ont répondu positivement à cette question (Fig 5).

Fig 5 : Le comportement des assistantes dentaires vis-à-vis l'aiguille à la fin des soins.
 

Les normes des produits utilisés au cabinet dentaire :
49,7% des assistantes n’ont pas répondu à cette question et 47,4% des assistantes ont répondu positivement à la question. Selon les assistantes, les normes du produit concernaient l’efficacité contre les microorganismes, la qualité, la date de péremption, la vente légale des produits (Fig 6).

 
 
Fig 6 : Les normes des produits utilisés au cabinet dentaire.
 
 

DISCUSSION

Cette enquête a permis de relever des points forts et des points faibles.


Points forts :

- Hygiènoconscience des praticiens qui ont inscrit leurs assistantes aux différents ateliers ;
- Connaissances des maladies transmissibles ;
- Port de la tenue professionnelle ;
- Respect de l’hygiène des mains, et du port des gants ;
- Utilisation de l’autoclave
- Hygiène de l’environnement.


Points faibles :

- Soutien par les assistantes de l’existence du vaccin contre l’Hépatite C ;    
- Immunisation très faible contre l’Hépatite B ;
- Aucune distinction entre tenue de traitement des dispositifs médicaux et tenue au fauteuil ;
- Lavage des gants d’examen et réutilisation ;
- Non respect de la hiérarchie des étapes de la chaîne d’asepsie notamment pour l’étape d’immersion ;
- Manque de traitement du matériel rotatif ;
- Absence de traçabilité ;
- Un nombre très élevé de non réponses (plus de 50%),  concernant par exemple, les moyens de contamination, l’entretien du matériel rotatif, les normes des produits utilisés au cabinet dentaire, ce qui dénote à notre avis d’une méconnaissance mais également d’un problème de communication et de formation. Le questionnaire était rédigé en langue française et les assistantes, malgré le niveau d’instruction de certaines, ne maîtrisent pas toutes cette langue.

Par ailleurs, la formation des assistantes dentaires n’est pas spécifique à l’odontologie ce qui implique une méconnaissance totale, ou en tout cas des connaissances vagues des risques encourus et des modalités de prévention.
Par ailleurs et en comparaison, une enquête épidémiologique à Alger sur 464 assistantes dentaires ayant pour objectif l’évaluation des connaissances, des attitudes et des pratiques des personnels de santé exerçant au cabinet dentaire vis-à-vis des risques de contamination professionnelle, a conclu que l’assistante dentaire maillon fort dans le protocole de la chaîne d’asepsie au cabinet dentaire devient alors maillon faible car la formation de base est insuffisante. Cette étude recommande fortement que les assistantes dentaires doivent recevoir  une formation de qualité et qu’un effort important doit être déployé dans l’amélioration des connaissances mais surtout sur la nécessité d’appliquer sur le terrain les règles d’asepsie fondamentales (1).

L'importance du rôle de l'assistante au sein du cabinet dentaire est aujourd'hui reconnue par tous : accueil des patients, organisation des rendez-vous, gestion et stérilisation du matériel, aide en salle de soins ; les responsabilités qui lui sont confiées sont multiples et variées. De la qualité de son travail dépendront en grande partie la sérénité du praticien et l'image globale du cabinet (7).
Dans la répartition de ces tâches précitées au sein d’une équipe composant un cabinet dentaire, il incombe aux assistantes de prendre en charge l’hygiène et l’asepsie. Cela entraîne un grand nombre d’actes se succédant tout au long de la journée qu’il convient de réaliser sans perturber la bonne organisation du cabinet ou nuire à sa rentabilité (8).

L’organisation du cabinet précède et accompagne la formation de l’assistante. Le praticien doit avoir préalablement édicté une politique de management personnalisée afin de pouvoir matérialiser ses ambitions.
• Rôles et fonctions précis de l’assistante ;
• Horaires de travail et gestion des imprévus ;
• Relations patientèle par objectifs et protocoles, ce qui englobe des notions aussi diverses que l’accueil, le temps des soins, les urgences, la facturation et le recouvrement des honoraires,…
• Gestion et organisation des stocks qui doivent être parfaitement répertoriés et inventoriés ;
• Description précise des plateaux techniques et des protocoles cliniques pour chaque catégorie de soins.
Toutes ces données peuvent être colligées sous forme de fiches techniques, iconographies et de livrets de procédures qui seront à la disposition de l’assistante et constitueront autant la trame de la formation projetée, que le canevas du bon fonctionnement du cabinet (2).


RECOMMANDATIONS

Suite à cette enquête, nous nous sommes permis de formuler un certains nombres de recommandations :
- La formation continue et remise à niveau des assistantes dentaires déjà en activité ;
- Le suivi et l’évaluation réguliers de l’assistante en matière d’hygiène et d’asepsie ;
- La sensibilisation, l’information même répétitive des confrères et leur personnel grâce aux congrès, séminaires…
- La formation pratique et théorique en auxiliaires dentaires ;
- La mise en place d’une formation spécifique des assistantes dentaires.


D’ailleurs, depuis la rentrée 2010-2011, les facultés de médecine dentaire du Maroc ont crée un Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) en Auxiliaires Dentaires option Assistantes Dentaires. Le DUT a pour objectif de répondre à un besoin national de formation des assistantes dentaires. Cette formation englobe la gestion, les langues, la communication, l’hygiène et l’asepsie, le secrétariat médical, l’assistance au fauteuil…


CONCLUSION

Ce travail permet de donner un constat globalement :
- Positif si l’on considère que ce dernier va permettre une remise en question, et la formation de cadres marocains ayant un rôle essentiel sur le plan sanitaire ;
- Négatif si l’on ne considère que le volet niveau des connaissances des assistantes dentaires au Maroc, et donc niveau d’hygiène dans les cabinets dentaires privés, et par là bien sûr qualité des soins offerts à la population marocaine ;
- Enfin, l’élaboration de protocoles techniques et leur diffusion au niveau national est capitale pour l’application et l’évaluation des mesures d’hygiène et d’asepsie.

 

Ils doivent être régulièrement mis à jour, et adaptés aux dernières données scientifiques et technologiques en termes d’hygiène et d’asepsie.
L'hygiène au cabinet dentaire est davantage une question de bon sens que de coûts. Elle traduit un comportement, une politique d'ensemble et un travail d'équipe.  

 

BIBLIOGRAPHIE

1. Achir MO, Abrouk SA, Amiche AB et coll. Résultats de l’enquête nationale sur les connaissances, attitudes et pratiques des personnels de santé exerçant au cabinet dentaire vis-à-vis du risque de contamination professionnelle. Ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme Hospitalière Santé bucco-dentaire INSP - Juin 2007
2. Cochet RO,  Aron. Former une assistante dentaire, gageure ou méthode? . Le Fil Dentaire, 48 : 26-29, 2009.
3. Cochet RO. Assistantes dentaires : le casse-tête de l’hygiène. Le Fil Dentaire, 43 : 12-13, 2007.
4. Drouhet GU. Patrick Missika, La traçabilité : jusqu’où faut-il aller ?.Le Fil Dentaire, 25 : 26-28,  2007.
5. Duplan PH. Les normes et la stérilisation. Le Fil Dentaire, 25 : 48, 2007.
6. Guide de prévention des infections liées aux soins réalisés en chirurgie dentaire et stomatologie.  Ministère de la santé et des solidarités DGS, juillet 2006.
7. Robert Roig , Pierre Rousseau , Philippe Barthélemy , Marcel Begin , Coll. Guide de l'assistante dentaire : Des principes fondamentaux au travail en salle de soins. ed.CDP. guide clinique Paris. 2009 : 320
8. Rocher PH. Hygiène, asepsie et stérilisation : chronologie d’une journée d’assistante. Le Fil Dentaire, 25 : 56-58, 2007.
9. Zeitoun RO. Surfaces, prévention et ergonomie. Le Fil Dentaire, 25 : 32-34, 2007.
 

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