S. NAANAA*, S. DROURI*, M. JABRI*, S. BOUZOUBAA**, A. ELOUAZZANI*
*  Service d’Odontologie Conservatrice - Endodontie, CCTD Casablanca - Maroc
** Service d’Odontologie Chirurgicale, CCTD Casablanca - Maroc
Université Hassan II

 

RÉSUMÉ

Les kystes odontogènes représentent une pathologie relativement fréquente mais posent de nombreux problèmes en pratique clinique, notamment en raison des difficultés de diagnostic.

 

La découverte de ces kystes est généralement fortuite au cours d'un examen radiologique de routine et impose, quand cela est possible, le recours à une chirurgie énucléatrice.
Des formes atypiques peuvent être rencontrées, soulignant l'intérêt majeur de l'histologie et de l'analyse anatomopathologique dans la pose du diagnostic.
Un cas clinique viendra illustrer notre propos, à travers l'étude d'une forme de kératokyste odontogénique.
 

INTRODUCTION

La deuxième édition, révisée en 1992, de la classification de l'OMS relative aux tumeurs odontogènes (KRAMER et coll. 1992) divise les kystes épithéliaux des maxillaires, en kystes odontogènes et en kystes dus à des processus inflammatoires. Les kystes odontogènes se développent à partir des structures de l'odontogénèse, comme les vestiges des lames dentaires, par exemple, alors que les kystes non odontogènes sont dérivés d'amas de cellules épithéliales qui ne sont pas impliquées dans l'odontogénèse propre.

 

Les kystes les plus fréquents des maxillaires sont les kystes radiculaires (78% de toutes les formes de kystes) et folliculaires (12%) (MORGENROTH & PHILIPPOU 1998). Au troisième rang se trouve le kératokyste odontogène qui représente quelque 4 à 6% des kystes maxillaires.

 

La dernière classification de l'OMS en 2010 mentionne que le kératokyste odontogénique ne fait plus partie des kystes odontogènes mais celle des tumeurs bénignes osseuses et celle des cartilages articulaires.
Parmi les caractéristiques typiques, valables pour pratiquement tous les kystes maxillaires, il y a lieu d'évoquer, entre autres, la présence d'une radiotransparence à bords nets, la croissance lente, l'absence de symptômes, ainsi que l'apparence bleutée et la fluctuation de la lésion en cas de prolifération du kyste en direction des tissus mous de la cavité buccale (1, 2).

 

RAPPORT DU CAS

Mlle M., patiente âgée de 21 ans, s'est présentée en consultation pour une tuméfaction mentonnière évoluant depuis 3 ans.
Elle était en bonne santé générale et elle s'est plainte d'une légère douleur associée avec la pression de la tuméfaction.
L'anamnèse n'a révélé aucun antécédent.

L'examen exobuccal n'a détecté aucune adénopathie lors de la palpation des aires ganglionnaires et la sensibilité cutanée du territoire concerné était conservée.
La patiente avait une hygiène bucco-dentaire moyenne avec la présence de quelques caries.
L'examen endobuccal a révélé une voussure vestibulaire de taille importante, siégeant au niveau du secteur mandibulaire antérieur (Fig1 et2) recouverte d'une muqueuse d'aspect normal et comblant le fond de vestibule.

 

 


A la palpation, la tuméfaction était indolore, faisant corps avec l'os, de consistance ferme mais un peu  dépressible en son centre.
Les dents en rapport à cette dernière étaient à l'apparence saines et répondaient négativement au test de vitalité (de la 34 à la 45).
La radio panoramique a révélé la présence d'une très volumineuse image radioclaire, ovalaire, unilobée, bien délimitée.
Cette lésion s'étendait de la 34 jusqu'à la la racine mésiale de la 46 (Fig3).

 

 

A travers ces renseignements cliniques et radiologiques, divers diagnostics ont été évoqués, notamment, le kyste solitaire, le kyste anévrismal, la tumeur odontogénique kératokystique, l'améloblastome et le kyste radiculodentaire.


L'attitude thérapeutique a consisté en un traitement endodontique (de la 34 à la 45) (Fig4: a, b, c et d) et une énucléation du kyste (Fig5 : a', b', c' et d').

 

Fig5 (a', b', c' et d') : Enucléation du kyste sans résection apical des racines.

 


L'examen anatomopathologique de la pièce opératoire (Fig6) a conclu à un kyste odontogène remanié type kératokyste avec absence de signes de malignité (Fig7).  

 

 
 
                        Fig7 : Coupe histologique.

 


Le prélèvement examiné comporte une formation kystique pesant 5grs, mesurant 3x2 cm et montrant histologiquement une paroi kystique, fibreuse, oedémateuse, inflammatoire, siège d'un infiltrat essentiellement lymphocytaire et plasmocytaire autour de structures vasculaires régulières. Cette paroi est tapissée partiellement par un revêtement  malpighien, ulcéré par endroit, papillomateux, acanthosique et dépourvu d'atypies.

 

La patiente a été revue à un, trois, six mois, un an et 2 ans. Un début de cicatrisation osseuse a été constaté et aucune récidive n'a été objectivée et les dents bordant la lésion(46,35) répondent toujours positivement au test de vitalité (Fig8, 9 , 10 et 11).
Elle est toujours sous surveillance.

 

Radiographie  de contrôle à 6 mois.
 
Radiographie  de contrôle à 6 mois.

 

Radiographie  de contrôle à 1 an.

 

Radiographie  de contrôle à 2 ans.

 

Rétroalvéolaires de contrôle à 2 ans.

 

 

DISCUSSION

Les kératokystes odontogènes font partie des kystes et tumeurs odontogènes bénins des maxillaires. Rares car ils présentent 14% des kystes des maxillaires.
C'est le plus souvent l'homme entre la troisième et la quatrième décennie qui est affecté au niveau mandibulaire (3, 4).

 

Ils trouvent leur origine dans la lame dentaire primordiale ou dans les reliquats des cellules basales de l'épithélium buccal (5).

 

Ils peuvent apparaitre soit comme une entité unique ou multiples kystes associés à un syndrome comme le cas du syndrome de Gorlin-Goltz par exemple (6).

 

Ils se présentent comme une tuméfaction osseuse, parfois associée à des déplacements dentaires ou des épisodes de fistulisation muqueuse dans les poussées inflammatoires (1, 7).

 

Radiologiquement, il s'agit d'une géode claire mono- ou polyfocale.
Cette géode est homogène, ronde ou ovale à contours volontiers polycycliques nets plus ou moins épaissis, mais un aspect festonné, soufflant l'os et amincissant les corticales est observé dans les formes étendues.

 

C'est cet aspect radiologique qui pose le principal problème du diagnostic différentiel avec l'améloblastome et ce d'autant plus que pareillement à celui-ci.
Le kératokyste odontogène peut présenter des signes de dysplasie, dans un tiers des cas, expliquant des récidives fréquentes si le traitement chirurgical n'a pas été complet et n'emporte pas la totalité du kyste et de la muqueuse, notamment au niveau du ramus et de l'angle mandibulaire (4, 7).

 

Après traitement conservateur, une surveillance radiologique principalement prolongée est nécessaire devant la survenue possible d'un exceptionnel carcinome épidermoïde sur la paroi du kyste (1).

 

CONCLUSION

L'examen clinique est souvent peu évocateur en raison de la pauvreté de la symptomatologie. Ce qui nécessite l'intervention de la radiologie quand ce n'est pas la radiologie elle même qui permet la découverte du kyste.

 

Avant l'intervention, les données cliniques et radiographiques permettent d'établir un diagnostic différentiel et de déterminer le type d'intervention, le mode d'anesthésie et la voie d'abord.
Après intervention, les données anatomopathologiques permettent une confrontation avec les données cliniques et radiologiques afin d'établir un diagnostic précis et définitif.

 

BIBLIOGRAPHIE

1. Bornstein MM, Filippi A, Altermatt HJ, Lambrecht JT, Buser D. Le kératokyste odontogène : kyste odontogène ou tumeur bénigne. Rev Mens Suisse Odontostomatol 2005;115 (2):11
2. Kramer IR, Pindborg JJ, Shear M. International histological classification of tumours: histological typing of odontogenic tumors. Berlin, Springer 1992.
3. Dghoughi S, Chbicheb S, El Wady W. Une tuméfaction gingivale antérieure. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2009; 110: 242-5.
4. GUY LE TOUX, RENÉ-PAUL ALES, CHRISTIAN MOUNIER. Approche chirurgicale des kératokystes odontogènes : à propos de deux cas cliniques. Med Buccale Chir Buccale 2001;7,(1): 33-41
5. Fazil Arshad.Syndrome odontogenic keratocyst: A case report and review of literature.J Int Soc Prev Community Dent 2016,Jan-Feb; 6(1):84-88.
6. Kurdekar RS,Prakash J, Rana AS, Kalra P. Non-Syndromic odontogenic keratocysts: A rare case report. Natl J Maxillofac Suer. 2013 ;4 :90-3  
7. Sauveur G, Ferkdadji L, Gilbert E, Mesbah M. Kystes des maxillaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-062-G-10, 2006, Médecine buccale, 28-550-G-10, 2008.

 

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