S.M. BOUZOUBAA, S. OUJDAD, I. BEN YAHYA
Service de médecine orale, chirurgie orale,
Centre de Consultation et de Traitement dentaire
Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca
Université Hassan II - Casablanca, Maroc


RÉSUMÉ

Le white sponge naevus est une hyperkératose bénigne, rare de la muqueuse buccale. Un jeune de 17 ans en bon état de santé et sans habitude de vie particulière, s’est présenté en consultation pour des lésions blanchâtres indolores évoluant depuis sa naissance.


À la lumière d’une anamnèse approfondie, un examen clinique minutieux des lésions ainsi qu’un examen histologique, le diagnostic du White Sponge Naevus a été confirmé. Le traitement antibactérien instauré a noté une disparition partielle des lésions.
Mots clés : White Sponge Naevus, dermatose buccal, Tetracycline.


INTRODUCTION

Le white sponge naevus ou naevus blanc spongieux ou hamartome spongieux muqueux, décrit par Canon en 1935, est une hyperkératose bénigne, rare de la muqueuse buccale. Aucun facteur étiologique n’a été retrouvé. Elle n’est ni d’origine traumatique, ni tabagique, ni infectieuse. La prévalence est la même pour les hommes et les femmes.

La muqueuse atteinte est indolore et prend un aspect blanc plicaturé et reste parfaitement souple. L’aspect blanchâtre de la lésion constitue le motif de consultation principal chez les patients. Différentes thérapies ont été proposées à travers la littérature, celles-ci vont des traitements topiques et systémiques aux traitements chirurgicaux.


OBSERVATION

Un jeune de 17 ans a consulté pour des lésions blanchâtres étendues sur toute la muqueuse buccale évoluant depuis la naissance. Le patient n’a rapporté aucune notion de douleur ni d’habitude de vie particulière ni de lésion similaire chez la famille. Différents traitements ont été prescrits sans résultats: la chlorhéxidine, les corticoïdes et les antifongiques.

 

 

Fig.1 : A: Lésion blanchâtre au niveau de la face interne de la lèvre. B: Les lésions blanchâtres épargnent les muqueuses attachées. C: Lésion blanchâtre au niveau de la face interne de la joue.

 


L’examen loco-régional à la recherche d’adénopathies cervico-faciales était négatif. L’examen endobuccal a montré un placard blanchâtre, non raclable, au niveau de l’ensemble de la muqueuse buccale : faces internes des joues, lèvres, plancher buccal, face ventrale de la langue ainsi qu’au niveau des bords (Fig.1 A-B-C). Les lésions épargnaient la muqueuse attachée. Aucune autre localisation n’a été notée.

Une biopsie au niveau de la joue a été réalisée. L’examen anatomopathologique décrivait un revêtement malpighien avec une discrète hyperkératose orthokératosique, une importante acanthose avec papillomatose. Les kératinocytes présentaient des vacuoles épaisses, claires ou granuleuses. Le chorion fibreux était légèrement congestif. Tous ces éléments étaient en faveur d’un white sponge naevus (Fig.2).

 

 

Fig.2 : A: Biopsie au niveau de la face interne de la joue. B: Examen histologique révélant une discrète hyperkératose orthokératosique de l’épithélium, une importante acanthose avec papillomatose. Le chorion est fibreux et légèrement congestif.



Notre approche thérapeutique a consisté en un traitement local à base de tétracycline à raison de 3 bains de bouche quotidiens (1 comprimé à dissoudre dans un demi-verre d’eau tiède) pendant 3 mois. Après 3 semaines, nous avons noté une disparition partielle des lésions, qui étaient devenues de plus en plus raclables (Fig.3).

 

 

Fig.3 : Disparition partielle des lésions au niveau de des faces internes des joues.

 


COMMENTAIRES

Le White Sponge Naevus est classé parmi les génodermatoses. Les études réalisées sur des familles affectées par le white sponge naevus montrent une transmission de la lésion sur le mode autosomique dominant à pénétrance variable. Plusieurs cas non familiaux ont également été rapportés jusqu'à présent (1-3). Dans notre cas, le patient n’a rapporté aucune lésion similaire dans la famille.

Les lésions peuvent être présents à la naissance, mais apparaissent plus communément pendant l’enfance et augmente progressivement jusqu’à l’adolescence pour rester stable. Le WSN se présente cliniquement sous forme de plaques blanches ou blanc-gris, bien limitées, d’épaisseur inhomogène et sont totalement indolores. Leur surface est plus ou moins plissée. Ces lésions sont adhérentes, ne s’éliminant pas à la friction (4).

Sur le plan histologique, il présente un épaississement de l’épithélium, avec en surface une couche parakératosique pâle qui desquame par lambeaux, étant parfois tapissée d’amas bactériens. Cette parakératose n’explique pas complètement la teinte blanche des lésions, qui est surtout due à un œdème intracellulaire des deux tiers ou de la moitié de l’épaisseur de l’épithélium, tandis que les couches basales sont intactes (5).

Des mutations ont été mises en évidence au niveau des gènes codant pour les kératines suprabasales K4 et K13 (1-3). (Chromosome 12q) et 13 (chromosome 17q) causant une instabilité des kératines et aboutissant à l’accumulation de tonofilaments dans le cytoplasme des kératinocytes. Dans le WSN, au lieu de se disposer régulièrement à proximité des membranes cytoplasmiques, ils forment des amas dans le cytoplasme. Les kératines ont également une expression spécifique dans la couche épineuse des épithéliums squameux oraux, œsophagiens, anogénitaux et autres revêtements stratifiés non cornifiés affectés par la maladie. Dans certains cas, une localisation génitale est associée aux lésions buccales ce qui confirme le caractère génétique de la lésion (6,7).

Étant donné que sa présentation clinique est celle d’une lésion blanche non raclable, le diagnostic différentiel doit se faire avec : le leuco-oedème, les leucoplasies, la stomatite nicotinique, les lésions muqueuses occasionnées par des morsures chroniques, la leucoplasie chevelue, hyperplasie épithéliale focale (maladie de Heck), et même carcinome épidermoïde (2,5).                                                                 

Les lésions du lichen plan buccal (LPB) peuvent parfois être difficile à différencier du WSN. Cependant, l’incidence du LPB est assez rare chez les jeunes, contrairement au WSN. La candidose buccale pourrait également être exclue par une absence de réponse aux agents antifongiques, et plus précisément par un examen bactériologique (7).

Une hypothèse microbienne, impliquant des agents viraux bactériens et même fongique, dans l'expression des lésions WSN a été soutenue par l'amélioration de ces lésions chez certains patients traités avec des médicaments antimicrobiens (8,9), comme était le cas chez notre patient. Beaulieu et coll. proposent un traitement à base de la doxycycline par voie systémique pour obtenir une régression totale des lésions, puis un traitement d’entretien pendant 3 mois. Les auteurs soulignent l’obligation de poursuivre ce traitement sous forme systémique ou topique, au risque de provoquer une récidive à l’arrêt des cyclines (10).

La chlorhéxidine a donné d’excellents résultats dans certains cas de white sponge naevus; ceci a été expliqué par la coexistence d’une infection au Staphylococcus Aureus (8). L’application locale bi-quotidienne de l’acide rétinoïque 0.1% en solution sur le white sponge naevus a donné des résultats partiels.

L’exérèse chirurgicale donne d’excellents résultats. Elle permet d’éviter la récidive. Néanmoins, cette technique reste indiquée pour les lésions de petite étendue.
Par ailleurs, en présence d’une lésion de White Sponge Naevus, bien qu’il n’y ait eu aucun cas décrit de dégénérescence maligne, le patient doit éviter l’exposition aux facteurs de risques (tabac ou traumatismes chroniques, ...) (11).

 

CONCLUSION

Le white sponge naevus est une lésion rare, bénigne. Son aspect constitue le motif de consultation principal des patients. L’examen histologique est d’une aide importante au diagnostic. Le traitement local à base des cyclines a été satisfaisant dans notre cas. La rechute après l’arrêt des traitements est décrite, c’est pour cela qu’un traitement d’entretien et une maintenance à long terme doivent être recommandés.


BIBLIOGRAPHIE

1- Chao S C et Coll: A novel mutation in the keratin 4 gene causing white sponge naevus, Br J Derm, 2003;  148: 1125-1128.
2- Sobhan M, Alirezaei P, Farshchian M, Eshghi G, Ghasemi Basir HR, Khezrian L: White Sponge Nevus: Report of a Case and Review of the Literature. Acta Med Iran. 2017;55(8):533-535.
3- Mont jean Fet Coll: Oral verrucous carcinoma. Rev. Med. Brux, 2004; 25(3): 173-177.
4- M.saint jean, Pathologie buccale de l’enfant, Annales de dermatologie et de vénérologie (2010) 137, 823-837
5- F.Plantier, C.Husson: White Sponge Nevus, Annales de Dermatologie et de Vénéréologie - FMC, Volume 1, Issue 5, June 2021, Pages 308-312
6- Hercílio Martelli: White sponge nevus: report of a three-generation family, (Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2007;103:43-7)
7- Zhang  JM,  Yang  ZW,  Chen  RY,  Gao  P,  Zhang  YR, Zhang  LF:   Two  new  mutations  in  the  keratin  4  gene causing  oral  white  sponge  nevus  in  Chinese  family.  Oral Dis 2009;15:100
8- J.E.Cutlan: White sponge nevus presenting as genital lesions in a 28 year old female ,J Cutan Pathol 2010;37:386–389.
9- Massimo Marrelli: Oral Infection by Staphylococcus Aureus in Patients Affected by White Sponge Nevus: A Description  of Two Cases Occurred in the Same Family, International Journal of Medical Sciences 2012; 9(1):47-50
10- Beaulieu P: Intérêt des tétracyclines dans l’hamartome muqueuxs pongieux, Ann Dermatol Venerol, 1992; 119(3): 223-225.
11- Dufrasne Laurenc: Approche thérapeutique actuelle du white sponge naevus de la cavité buccale. Bull Group Int Rech  Sci Stomatol Odontol. 50: 1-5 (2011).

 

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