S. CHEMLALI* ; J. KISSA* ; N. KHLIL* ; A. CHAKIB**.
*Service de parodontologie, Centre de Consultations et de Traitements Dentaires CHU Ibn Rochd Casablanca
** Service des maladies infectieuses, CHU Ibn Rochd Casablanca.
Université Hassan II
RÉSUMÉ
Les manifestations buccales de l’infection à VIH, et particulièrement parodontales, sont fréquentes au cours des stades symptomatiques de la maladie et clairement liées à la chute des lymphocytes CD4. Véritables « signes d’appel», elles constituent souvent les premières manifestations de l’infection à VIH ou de son évolution, d’où leur valeur diagnostique et pronostique.
Le dépistage, le diagnostic précoce et le traitement de ces lésions, dans le cadre d’une collaboration étroite entre médecins et odontologistes, sont essentiels tant pour identifier une séro-positivité ignorée que pour donner un signal d’alarme nécessitant une prise en charge spécifique chez un patient connu comme contaminé, voire pour orienter les décisions relatives au déroulement de la thérapeutique antirétrovirale.
Mots clé : Maladies parodontales, infection au VIH, traitement des parodontites.
INTRODUCTION
Le Sida ou Syndrome d’Iimmuno-Défiscience Acquise est la forme la plus évolutive de l’infection au Virus de l’Immuno-défiscience Humaine (VIH). C’est un virus à ARN appartenant à la famille des retro-virus. Il se caractérise par une longue période d’incubation et entraîne une diminution des défenses immunitaires de la personne infectée.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Dans le monde
Le premier cas de sida a été relevé en 1981 aux Etats-Unis. Depuis, on dénombre 65 millions d’infections au VIH dans le monde et 25 millions de décès dus à des maladies associées au sida. En 2009, 33,3 millions [31,4 - 35,3 millions] de personnes vivaient avec le VIH/SIDA, 2,6 millions [2,3 - 2,8 millions] de personnes ont été nouvellement infectées et 1,8 millions [1,6 - 2,1 millions] de décès étaient dus au sida (1). Ce qui représentait une moyenne de plus de 4900 décès par jour à cause du sida.
Le sida figure parmi les principales causes de décès dans le monde et constitue la première cause de mortalité en Afrique subsaharienne qui reste la région la plus sévèrement touchée.
Au Maroc
L’estimation des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) est de 25.000. Le nombre de PVVIH diagnostiquées en 2005-2009 a doublé par rapport à 2000-2004 (2).
Groupes surveillés | Prévalence du VIH |
Femmes enceintes | 0,17% |
Tuberculeux | 0,41% |
Porteurs d'IST | 0,32% |
Prisonniers | 0,43% |
professionnelles du sexe | 2,38% |
Usagers de drogues injectables | 1,60% |
MODES DE TRANSMISSION
La prévention de la contamination a donc une importance primordiale.
PHASES DE LA MALADIE
Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont établi une classification en trois catégories des pathologies et infections opportunistes liées au VIH (4).
Catégorie A |
Catégorie B |
Catégorie C |
DIAGNOSTIC
- La sérologie ELISA ou test rapide (VIH).
- Le Western blot (VIH) qui est obligatoire en cas d’ ELISA ou test rapide positifs.
• La réponse hématologique repose sur une lymphopénie majeure (la progression de l’infection HIV vers le SIDA étant définie par un taux des lymphocytes T CD4 inférieur à 200/mm3), une anémie et une thrombopénie fréquentes (5).
MANIFESTATIONS BUCCALES
Au niveau international, sept lésions cardinales ont été identifiées et calibrées présentant une forte association avec les infections à VIH (6):
- Candidose orale
- Leucoplasie orale chevelue
- Sarcome de Kaposi
- Lymphome non hodgkinien
- Erythème gingival linéaire
- Gingivite ulcéro-nécrosante
- Parodontite ulcéro-nécrosante
Certaines de ces lésions sont évocatrices de l’infection à VIH, d’autres sont pathognomoniques comme la leucoplasie chevelue et le sarcome de Kaposi.
Les trois dernières lésions citées représentent les manifestations parodontales principales du VIH.
MANIFESTATIONS PARODONTALES
Une attention particulière a été accordée aux lésions gingivales et parodontales chez les patients présentant une infection à VIH.
A côté des formes classiques de parodontopathies, d’autres formes inhabituelles se caractérisent par leur:
- - Aspect
- - Caractère particulièrement agressif
- - Evolution rapide
- - Mauvaise réponse au traitement
FORMES CLINIQUES
Erythème gingival linéaire
Connu comme une gingivite associée au VIH (G-VIH), l’érythème gingival linéaire est assez caractéristique de l'infection. Il est classé comme une entité distincte dans le Workshop international de 1999 (7).
Il s'agit d'une affection assez fréquente chez les personnes vivant avec le virus. Les études rapportent des prévalences allant de 8% à 11,5%(8).
Cette gingivite présente certaines spécificités. On observe une bande érythémateuse linéaire, régulière, s’étendant du bord gingival libre en direction apicale sur 1 à 3 mm. L’érythème peut dépasser la gencive libre pour atteindre la gencive attachée. Il est peut être localisé ou généralisé et s’accompagne souvent d’un saignement spontané ou provoqué.
Généralement, un érythème linéaire localisé non traité est précurseur d’un autre plus diffus.
A ce stade la douleur est peu importante, voire inexistante. Un diagnostic précoce de l'érythème permettra d'éviter une évolution vers la parodontite liée au VIH (P-VIH).
Les études épidémiologiques ont montré chez les patients infectés par le VIH, comparés à des populations contrôle, une perte d'os et une perte d’attache plus importantes, et un plus grand nombre de récessions gingivales particulièrement lorsque le taux des lymphocytes CD4 est faible. Les profondeurs de sondage sont cependant moins importantes (9,10,11).
Gingivite ulcéro-necrotique liée au VIH
Par rapport à la gingivite ulcéro-nécrotique aigue, la gingivite ulcéro-nécrotique liée au VIH est caractérisée par:
- Une évolution plus rapide;
- Des douleurs intenses empêchant l’hygiène et l’alimentation;
- Une altération de l’état général
- Une mauvaise réponse au traitement.
- Une nécrose de la partie supérieure de la papille interdentaire
- Une progression le long de la gencive marginale
- L’apparition de cratères au niveau des papilles interdentaires
- La présence de pseudo-membranes jaune-grisâtres à la surface des lésions
- Une forte tendance au saignement
- Une extrême sensibilité à la pression
- Une haleine fétide caractéristique
- La présence d’adénopathies régionales (à ne pas confondre avec les adénopathies chroniques de la lymphopathie généralisée persistante)
- Une augmentation du flux salivaire
- Une température élevée (9,10,11).
- Parodontite ulcéro-necrotique liée au VIH
- - Une atteinte inflammatoire du parodonte dans sa globalité
- - La rapidité des destructions tissulaires
- - Des douleurs parfois violentes, irradiantes
- - Une inflammation sévère
- - Un saignement abondant
- - Une perte d’attache très rapide
- - Une nécrose avec des papilles émoussées cratériformes
- - Une mobilité importante pouvant conduire à l’expulsion des dents avec ou sans séquestre osseux
- - Une nécrose considérable (9,10,11).
MECANISME ETIOPATHOGENIQUE
Plusieurs hypothèses ont été établies pour expliquer l'agressivité des lésions parodontales: la microbiologie du biofilm, la réaction immunologique de l'hôte et les facteurs de risque.
Hypothèse microbiologique
Bacteroides fragilis, Fusobacterium necrophorum, Eubacterium
aerofadens, Pseudomonas aeruginosa.
La prévalence de ces microorganismes est 3 fois supérieure chez les personnes vivant avec le VIH/Sida.
Cette prévalence est analogue dans la G-VIH et la P-VIH indiquant que la lésion de la G-VIH puisse être un précurseur de la destruction des tissus observés dans la P-VIH (13).
Hypothèse immunologique
Au cours de l'infection à VIH, la fonction des PMN est le plus souvent exacerbée: phagocytose, bactéricidie…
On note également l’absence totale ou relative de lymphocytes dans le T.C. gingival ainsi qu’une altération du profil des cytokines salivaires et créviculaires: IL-1alpha ; INF gamma ; IL-5…
Les lésions parodontales sont ainsi considérées comme l’expression de l’immunodéficience induite plutôt qu’une conséquence directe de la virose (14).
Facteurs de risque
- Stress
- Malnutrition
- Antécédents familiaux
- Facteurs de rétention de plaque (15)
PRÉCAUTIONS À PRENDRE LORS DE SOINS BUCCO-DENTAIRES
- Sur la pathologie du patient et son traitement:
L’évaluation du stade et du degré de contrôle de l’infection VIH est basée sur deux valeurs biologiques spécifiques : la charge virale et le taux CD4.
- Sur l’état du bilan biologique qui doit en plus du nombre CD4, renseigner sur le nombre des plaquettes.
- Une attention particulière sera portée à l’hygiène bucco-dentaire, une antibioprophylaxie de couverture doit être proposée avant chaque acte (16).
Le risque hémorragique peut aussi être présent chez les patients infectés par le VIH. Il est lié d’une part à la thrombocytopénie (taux de plaquettes inférieures à 50.000 cellules/mm3) nécessitant l’exploration de l’hémostase primaire par un TS, et d’autre part à d’éventuelles troubles hépatiques explorés par le TP(17).
Les précautions destinées à minimiser le risque de transmission au cabinet dentaire doivent être rigoureusement respectées.
Chez les personnes vivant avec le VIH, les traitements parodontaux classiques (détartrage, curetage etc.) donnent souvent des résultats décevants d'où la nécessité d'un traitement de soutien constant et régulier. Le praticien devra tenir compte du stade clinique et des renseignements biologiques nécessaires à la prise en charge. Une étroite collaboration avec le médecin traitant demeure essentielle pour la mise en œuvre des décisions thérapeutiques.
TRAITEMENT DE LA MALADIE PARODONTALE CHEZ LA PERSONNE VIVANT AVEC LE VIH
TRAITEMENT DE L’ERYTHEME GINGIVAL LINEAIRE
TRAITEMENT DE LA GINGIVITE ULCERO-NECROTIQUE
D'autres molécules sont également disponibles mais devront être associées à des antifongiques : doxycycline (200mg/jour), amoxicilline + acide clavulanique (3x500mg/jour).
A la suite du traitement d'urgence, la thérapeutique classique de la gingivite sera administrée (détartrage et motivation à l'hygiène bucco-dentaire) (18).
Les antécédents de gingivite ulcéro-nécrotique étant un facteur prédisposant aux parodontites agressives, le patient fera l'objet d'une maintenance stricte.
TRAITEMENT DE LA PARODONTITE ULCÉRO-NECROTIQUE
Après réévaluation, les dents irrécupérables devront être extraites et la réhabilitation prothétique envisagée. Les traitements complexes sont à éviter du fait de l'état d'immunodépression avancé présenté par les patients souffrant de PUN associée au VIH.
Le traitement de maintien demeure très important pour éviter les récidives (19).
TRAITEMENT DE LA STOMATITE NECROTIQUE
CONCLUSION
WEBOGRAPHIE
https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/20101123_globalreport_en_1.pdf
2- H. HIMMICH: Stratégies du Maroc contre le VIH/sida :
http://apf.francophonie.org/IMG/pdf/2010-ReseauVih_PrHimmich.pdf
BIBLIOGRAPHIE
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4- Lazare S, Devoize L, Jacomet Ch, Cormerais L, Orliaguet T, Baudet-pommel M
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Oral Manifestations of HIV Disease. Perspective –Volume 13 Issue 5 December 2005/January 2006.
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14- Mataftsi M, Skoura L, Sakellari D
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16- Robinson PG
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18- Spadari F., Fazio N.
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19- Silvinha S, Flávia A, Eneida F.
Periodontal disease and oral hygiene benefits in HIV seropositive and AIDS patients Med Oral Patol Oral Cir Bucal. 2010 ;15 (2):417-421.