N. KHLIL, N. AUSALAH, J. KISSA.
Service de Parodontologie
Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca - Maroc
Université Hassan II

 

RÉSUMÉ

Sachant le rôle de la plaque supra-gingivale dans l'initiation des maladies parodontales et l'insuffisance de contrôle de cette plaque, le recours à des antiseptiques s'avère justifié. Ces agents anti-plaque dérivent de catégories chimiques différentes et ont des mécanismes d'action variés.

Les qualités du produit idéal sont actuellement bien connues; cependant la formulation de certains antiseptiques, tels le triclosan, n'est pas encore maîtrisée. Parmi les antiseptiques dont dispose le praticien, la chlorhexidine a largement fait ses preuves.
Ces produits peuvent être utilisés de différentes façons, en tant qu'adjuvants du contrôle mécanique de la plaque et non en tant que substituts de ce dernier.
Mots clés : Antiseptique - Plaque - Gingivite - chlorhexidine.

 

Depuis les travaux fondamentaux de LÖe et coll. en 1965 (1), l'étiologie bactérienne des maladies parodontales n'est plus à démontrer.
La prévention des gingivites nécessite l'inhibition de l'accumulation de la plaque (Siegrist et coll., 1986 (2)).En outre, le contrôle de la plaque supra-gingivale réduit et peut prévenir la colonisation sous gingivale (Waerhaug,1981) (3).

 

La population générale est, cependant, insuffisamment motivée pour prévenir les maladies parodontales (fréquence de brossage, durée, remplacement de la brosse à dent) (Wilson, 1987) (4).
Sachant ces considérations comportementales et le rôle de la plaque supra gingivale dans l'initiation des gingivites et des parodontites, le recours à des agents anti plaque destinés à potentialiser le contrôle mécanique de la plaque s'avère justifié (Kornman,1986) (5) (Mandel, 1988) (6).

 

DÉFINITION - CLASSIFICATION

Un antiseptique est un agent anti-microbien d'utilisation locale qui permet de détruire ou d'empêcher la croissance bactérienne sur des tissus vivants.
Il peut être utilisé par le praticien en adjonction au débridement mécanique des lésions et par le patient en phase postopératoire ou de maintenance.


Il existe plusieurs catégories d'antiseptiques (Bouwsma, 1996)(7) :
- des alcools
- des agents phénoliques
- ammonium quaternaire
- bis biguanides
- bis pyridines
- des sels de métaux
- des extraits de plantes (phytothérapie)
- ...etc

 

QUALITÉS REQUISES POUR UN ANTISEPTIQUE IDÉAL

1- Qualités physiques :
- tension superficielle faible
- substantivité
- stabilité chimique pendant le stockage.
- formulation possible
- demie vie longue.

 

2 - Absence d'effets secondaires :
- sans odeur
- sans goût
- n'entraînant pas de coloration
- indolore.

 

3 - Qualités d'efficacité :
- activité germicide importante
- spectre d'activité large
- innocuité vis à vis des tissus
- rémanence.

 

MÉCANISME D'ACTION DES ANTISEPTIQUES

Selon Bouwsma en 1996 (7), nous citerons 5 mécanismes d'action :
- inactivation d'enzymes (ammonium quaternaire).
- altération de la perméabilité normale de la membrane bactérienne (chlorhexidine).
- dénaturation de protéines (agents phénoliques, ammonium quaternaire).
- chelation (agents phénoliques).
- intercalation dans l'ADN ( violet de gentiane).

 

PRINCIPAUX ANTISEPTIQUES UTILISÉS EN PARODONTIE

1 - La chlorhexidine
C'est l'agent chimique le plus largement utilisé. Depuis les travaux de löe et Schiott (1970)(8), ses propriétés anti plaque ont été largement démontrées. C'est un antiseptique à large spectre( G+, G-, candida) de la famille des bisguanides. La molécule est un composé cristallin incolore inodore mais insoluble dans l'eau, d'où son utilisation sous forme de sel hydrosoluble : le digluconate de chlorhexidine.

 

- A fortes concentrations, elle a un effet bactéricide, mais à concentration habituelle (0.1% - 0.2 %), elle a un effet bactériostatique.
- Elle est anti-inflammatoire par son pouvoir détergent et anti-oxydant.
- Elle a un effet antifongique.
- Elle est active plusieurs heures après son passage dans la cavité buccale ( effet rémanent) et ceci est dû à la capacité de rétention sur les surfaces buccales qui concerne ≈ 30% de la quantité de produit introduite en bouche. Cette activité est d'au moins 7 h (Addy et Wright, 1978)(9) et atteint probablement 12h (Schiott et coll., 1970) (10).

 

Par contre, la chlorhexidine présente l'inconvénient d'être incompatible avec le lauryl sulfate de sodium et le monofluorophosphate de sodium. L'académie américaine de parodontologie (1994) préconise, alors, un délai d'au moins 1/2 h entre l'utilisation d'une pâte dentifrice à base de lauryl sulfate de sodium ou de fluorure stanneux et celle de la chlorhexidine. Son utilisation prolongée peut entraîner des colorations, une altération du goût voire des résistances bactériennes.

 

2 - La sanguinarine
C'est un alcaloïde à base quaternaire, produit naturel extrait d'une plante appelée “sanguinaria canadensis” longtemps utilisée en médecine pour ses propriétés antitussives.
- Elle a un effet bactéricide sélectif car elle n'inhibe que les germes pathogènes (Harper et coll., 1990)(11).
- Elle a une action désodorisante par son action sur les composés sulfurés de la cavité buccale.
- Elle inhibe la formation de la plaque bactérienne grâce à la diminution de l'adhérence des bactéries sur la pellicule salivaire.
- Elle entraîne, par contre, une coloration brunâtre au niveau des dents après une utilisation de longue durée.

 

3 - L'héxétidine
C'est une molécule cationique antibactérienne et antifongique.
Elle est caractérisée par un large spectre antifongique, antibactérien adapté à l'ensemble des germes responsables d'infections buccopharyngées.
- Elle a une action antiacide : elle inhibe l'acidification de la plaque dentaire en présence de glucose.
* anti-inflammatoire
* antalgique
* cicatrisante
* désodorisante.

 

La tolérance de l'hexétidine est très bonne et il n' y a pas de manifestation de sensibilité, cependant son action anti-plaque est inférieure à celle de la chlorhexidine.

 

4 - Agents phénoliques
Ce sont des agents antibactériens à large spectre très stables et sans réaction néfaste.
Les principaux sont :
Listérine
Plusieurs études cliniques ont montré qu'elle retarde la formation de la plaque (supra-gingivale) et qu'elle diminue la sévérité de la gingivite.
Les études de Minah et coll. (1989)(12) faites en double aveugle chez 107 adultes, montrent qu'après 6 mois d'utilisation, la listérine inhibe à 34 % la plaque et la gingivite par rapport au placébo et que son utilisation à long terme n'entraîne pas de résistance bactérienne ni d'apparition de flore opportuniste.

 

Le triclosan
Jenkins et coll., en 1994 (13), ont montré que l'action du triclosan à fortes doses utilisé en bain de bouche est plus brève que celle de la chlorhexidine et qu'en général, il faut lui associer des détergents puissants afin d'augmenter son activité antiplaque . C'est ainsi que l'association citrate de zinc - Triclosan sous forme de dentifrice réduit l'accumulation de plaque, la gingivite et le rapport bactéries anaérobies / bactéries aérobies par rapport au placébo. En fait, la formulation du produit semble jouer un rôle important en terme d'efficacité.

5 - Autres antiseptiques : eau oxygénée
Elle est utilisée en solution aqueuse à 3 % de peroxyde d'hydrogène dite, à 10 volumes.
Son utilisation est basée sur les arguments suivants :
- nos défenses naturelles l'utilisent.
- les bactéries résistent aux concentrations physiologiques d'eau oxygénée.
- les neutrophiles des malades atteints de parodontites sévères produisent des quantités insuffisantes d'eau oxygénée.
- la salive contient des enzymes qui régulent les quantités éventuellement trop importantes d'eau oxygénée. En parodontie, des résultats intéressants ont pu être obtenus par l'application (après détartrage et curetage sous gingival) d'un mélange d'eau oxygénée, de chlorure de sodium et de bicarbonate de soude (méthode de Keyes).
Des effets mutagènes ont cependant été décrits.

 

MOYENS D'UTILISATION DES ANTISEPTIQUES EN PARODONTIE

1 - Bain de Bouche
C'est le moyen d'application le plus fréquent. Cependant le produit actif ne pouvant pénétrer le sillon gingival au delà de 3 mm, les bains de bouche n'ont aucun effet vis-à-vis de la plaque sous gingivale surtout pour les poches profondes (Flotra et al.1972 (14), Pitcher et al. 1980 (15)).

 

2 - Dentifrices et gels
Les principaux sels utilisés dans les dentifrices sont :
- le citrate de zinc : qui inhibe le métabolisme du glucose par les bactéries.
- le fluorure stanneux qui présente une action anti bactérienne importante.

 

3 - En irrigation sous gingivale
Il existe plusieurs systèmes d'irrigation sous gingivale par ultra sons, par micropipette ou par hydropulseur à embout modifié (Serfaty et Itic, 1992 (16)). Un kit pratique comportant de nombreuses innovations a été mis au point (brevet d'invention n° 9308899)
Ces irrigations permettent à l'antiseptique d'atteindre le fond de la poche.
L'efficacité de l'irrigation intra-sulculaire s'expliquerait par la perturbation de la flore sous gingivale notamment une élimination de la plaque bactérienne non attachée, des produits toxiques et de certaines bactéries pathogènes anaérobies.

 

4 - Système à libération lente
L'objectif est de libérer localement une molécule à action antimicrobienne et que cette libération persiste dans le temps à une concentration suffisante. Le support peut être résorbable ou non résorbable. C'est une technique apparemment prometteuse, mais les recherches sur le support idéal n'ont pas encore abouti.

 

CONCLUSION

Le contrôle de plaque étant insuffisant chez la plupart de nos patients, l'indication des antiseptiques s'impose. Ces derniers sont des moyens thérapeutiques indispensables mais doivent toujours être utilisés en association avec le traitement conventionnel et ne peuvent jamais remplacer un traitement antibiotique dentaire quand il est indiqué. Parmi la panoplie de produits dont dispose le praticien, la chlorhexidine a largement fait ses preuves, sauf en sous gingival.

 

Actuellement, la tendance est à l'utilisation de formulations sans alcool. De même, et dans la perspective d'améliorer l'efficacité, différents agents antimicrobiens sont combinés dans un même et unique produit.
Une meilleure coordination entre industriels et cliniciens devrait entraîner l'émergence de produits nouveaux... peut être plus efficaces.

 

BIBLIOGRAPHIE

1 - Löe H, Theilade E and Jensen SB. Experimental gingivitis in man.
J. Periodontol., 1965,36 : 177-187.
2 - Siegrist BE, Gusberti MC, Brecx HP et Lang NP. Efficacy of supervised rinsing with chlorhexidine digluconate in comparison to phenolic and plantalkaloid compounds.
3 - Waerhaug J. Effect of toothbrushing on subgingival plaque formation.
J. Periodontol., 1981, 52 : 30-34.
4 - Wilson TG. Compliance, a review of the litterature with possible application to periodontics.
J. Periodontol., 1987, 58 : 706-714.
5 - Kornman KS. The rôle of supragingival plaque in the prevention and treatment of periodontal disease. A review of the current concepts.
J. Periodont. Res.(Suppl.) 1986, 21 : 5-22
6 - Mandel ID. Chemotherapeutic agents for controlling plaque and gingivitis.
J. Clin. Periodontol., 1988, 15 : 488-498.
7 - Bouwsma Otis J. The status, future and problems of oral antiseptics.
Cur. opin. periodontol., 1996, 3 : 78- 84.
8 - Löe H. and Shiott CR. The effect of mouthrinses and topical applications of chlorhexidine on the developement of dental plaque and gingivitis in man.
J. Dent. Res., 1970, 5 : 79-83
9 - ADDY M. and WRIGHT R. Comparison of the in vivo and vitro antibacterial properties of povidone iodine and chlorhexidine gluconate mouthrinses.
J. Clin. Periodontol., 1978; 5 : 198-205.
10 - SCHIÖTT C. R., LÖE H., JENSEN S.B., KILLIAN M., DAVIES R.M. and GLAVIND K. The effect of chlorhexidine mouthrinses on the human oral flora.
J. Periodont. Res., 1970; 5 : 84-89.
11 - Harper DS, MuellerLJ, Fine JB,Gordon J, Laster L. Effect of a dentifrice and oral rinse containing sanguinaria extract and zinc chloride upon the microflora of the dental plaque and oral soft tissues.
J. Periodontol., 1990, 61 : 359-363.
12 - Minah GE, De Paula LG, Overholser CD, Meiller TF, Niehaus C, Lamm RA, Ross NM, et Dills SS. Effects of 6 months use of an antiseptic mouthrinse on supragingival dental plaque microflora.
J. Clin. Periodontol. 1989, 16 : 347-352.
13 - Jenkins S.,Addy M and Newcombe RG. Dose response of chlorhexidine against plaque and comparison with triclosan.
J. Clin. Periodontol., 1994, 21 : 250-255
14 - Flotra L.,Gjermo P., Rolla G. et Waerhaug J. A 4 month study of the effects of chlorhexidine mouthwashes on 50 soldiers. Scand.
J. Dent. Res., 80 : 10-17, 1972.
15 - Pitcher G., Newman H. and strahan J. Access to subgingival plaque by disclosing agents rinsing, mouthrinsing and direct irrigation.
J. Clin. Periodontol., 7 : 300-308, 1980.
16 - Serfaty R. et Itic J. Modification d'un hydropulseur pour des irrigations sous gingivales. Information Dentaire, 20, 1992
J. Periodontal. Res (Suppl.) , 1986, 21 : 60 – 73
  

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