S. TAISSE, I. BENYAHYA.
Service d'Odontologie Chirurgicale
CHU Ibn Rochd – Casablanca
Université Hassan II


RÉSUMÉ

Cellulite maligne et gangrène cervico-faciale constituent une urgence thérapeutique qui repose comme pour toute pathologie infectieuse aiguë à germes anaérobies sur la triple action de la chirurgie, de l'antibiothérapie et de l'oxygène hyperbare. Le phénomène de diffusion est le critère majeur de gravité et la destruction tissulaire par nécrose est le résultat de la propagation bactérienne vers le médiastin. Le patient présente un état général altéré et l'extension de la cellulite est évaluée grâce à l'imagerie moderne.

 

En association à l'antibiothérapie massive par voie veineuse, l'oxygénothérapie hyperbare concourt à limiter l'infection en gênant l'anaérobiose par un apport important d'oxygène dissout aux territoires d'hypoxie. De plus, elle permet de stimuler la cicatrisation des lésions.
Mots clés : Cellulite diffuse, Médiastinite, Oxygénothérapie hyperbare.

 

Les cellulites d'origine dentaire sont des complications infectieuses suffisamment maîtrisées. Leur traitement est codifié et comprend la suppression du facteur étiologique dentaire associé ou non à un drainage endobuccal ou exobuccal selon le siège de la collection purulente. Cependant, il existe une forme clinique des cellulites qui revêt un caractère urgent, relatif au pronostic fatal possible dans son tableau clinique.

 

Il est indéniable que l'usage des antibiotiques a fait régresser cette affection. Néanmoins, la fréquence de ces infections risque de s'élever avec l'augmentation du nombre de patients immunodéprimés. Et bien que le traitement se soit fort amélioré, les complications peuvent être létales et le taux de mortalité varie selon les auteurs de 2,5 à 50%.
Le critère majeur de gravité est le phénomène de diffusion.

 

PROCESSUS DE DIFFUSION DE L'INFECTION

A partir de l'espace sous maxillaire, l'extension se fait par contiguïté aux espaces périvasculaires, rétro-pharyngiens, rétro-viscéraux et prévertébraux menant tous au médiastin. La propagation bactérienne peut être aussi aérienne avec aspiration de sécrétions oro-pharyngées contaminées et veineuses par le canal d'une thrombophlébite jugulaire rendant compte des localisations pulmonaires, pleurales ou périaortiques qui accompagnent volontiers la médiastinite.


Les facteurs favorisants la diffusion des cellulites d'origine dentaire sont :
La prescription de corticoïdes dont on connaît l'action dépressive sur les mécanismes humoraux et cellulaires de défense immunitaire.
L'injection d'acide acétylsalicylique ou de phényl butazone qui exercera une action de dépression immunitaire et l'administration d'antibiotiques inactifs sur les germes mis en cause.

 

TABLEAU CLINIQUE D'UNE CELLULITE MALIGNE

La cellulite maligne se reconnaît par la destruction tissulaire par nécrose. La palpation retrouve des crépitations neigeuses dues à la présence de gaz, une dureté ligneuse, un trismus serré constant. La ponction ramène du pus brunâtre, fétide et des débris sphacélés. La bactériologie ne confirme pas de germes spécifiques isolés.

 

Les signes locaux :

L'examen retrouve des "dégâts" impressionnants à type de destruction de muscles, d'aponévroses, de veines thrombosées, d'hémorragies importantes, et des troubles respiratoires. Toutes ces complications s'installent en moins d'une semaine après le déclenchement du processus infectieux (Fig. 1).

 

Sur le plan général :

On retrouve un choc infectieux avec frissons, transpiration, dissociation entre le pouls et la température, polypnée, pâleur et hypotension artérielle. Diarrhées, vomissements, urines foncées et sub-ictère ne sont pas rares.

 

Examen paraclinique :

1-Les examens radiologiques classiques en incidence orthopantomogramme et/ou rétroalvéolaire sont utiles dans la recherche de la cause dentaire et la mise en évidence de collections aériques (Fig. 2).
2- L'imagerie médicale moderne IRM et/ou dentascan peuvent être utilisées pour évaluer l'extension des cellulites diffuses.
3-L'examen bactériologique n'est pas toujours d'une grande importance pour les infections courantes. Il permet le diagnostic d'infections rares (actinomycose, bacille de Koch)

 

TRAITEMENT DE LA CELLULITE MALIGNE

Le traitement des cellulites diffuses nécessite une hospitalisation avec surveillance intensive. Une antibiothérapie par voie veineuse associant ampicilline et gentamicine ou une céphalosporine de 3ème génération à forte dose.


Le drainage chirurgical permet d'évacuer le plus, de contrarier l'anaérobiose et d'éliminer les débris nécrotiques. Des lavages antibiotiques sont possibles. L'extraction de la dent responsable supprime le foyer infectieux causal quand il existe.


La prescription de séances d'oxygénothérapie hyperbare (OHB) dans le traitement des cellulites malignes a pour intérêt de gêner l'anaérobiose des zones purulentes, réduire les territoires d'hypoxie et activer l'effet antibiotique qui ne peut diffuser dans les territoires larges de  surinfection.

 

Protocole d'utilisation de l'OHB :

L'oxygénothérapie hyperbare (OHB) doit être d'utilisation précoce et prolongée. Elle concourt à la limitation de l'infection, à la stérilisation des lésions et favorise la cicatrisation. Le protocole retenu est la réalisation de 3 séances (2,5 ATA 100% d'O2 pendant 90 minutes) durant les premières 24 heures puis 2 séances quotidiennes ultérieurement, jusqu'à obtention d'un tissu propre et bourgeonnant. L'OHB est utilisée avec l'antibiothérapie et le drainage chirurgical (Fig. 3).

Fig3(taisse)
 

 

 

CONCLUSION

Au terme de ce travail, et bien que cette complication soit rare, il nous parait utile de rappeler qu'il est important de savoir identifier une cellulite d'origine dentaire à caractère malin. En effet,  les cellulites malignes nécessitent une hospitalisation, des investigations cliniques approfondies et une surveillance.

D'autre part, nous suggérons que l'intégration de l'OHB dans les situations d'urgence telles que nous les avons décrites et une arme en plus pour mettre à l'abri le patient de la fatalité.

 

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