M . JABRI, I. BENKIRANE, A. EL OUAZZANI, K. LAHLOU, H. HIRECHE.
Service d’Odontologie Conservatrice
Faculté de Médecine dentaire de Casablanca - Maroc
Université Hassan II
RÉSUMÉ
Le traitement conservateur vise aujourd’hui non seulement la réparation d’une lésion carieuse mais l’interception et la prévention du développement de ces lésions. Les concepts de Black, qui préconisaient des cavités mutilantes pour des matériaux sans propriétés adhésives, ne sont plus adaptés. En effet, l’adhésion a totalement modifié les formes de préparations cavitaires.
Le présent travail a pour objectif d’appuyer la nécessité d’une prise en charge globale, en insistant sur la compréhension de la maladie et en développant des actes prophylactiques puis de restaurer les lésions carieuses en respectant de nouveaux principes de préparation.
Jusqu’à présent, la restauration des dents postérieures a été dominée par l’utilisation de l’amalgame.
La réduction de la prévalence de la carie, une meilleure compréhension de l’action des ions fluor, le développement des techniques adhésives éclairent d’un jour nouveau les thérapeutiques de la carie. Si la dentisterie adhésive est fréquemment préconisée, il n’en demeure pas moins pour l’amalgame qui a subi l’épreuve du temps et reste un matériau d’actualité.
STRATEGIE ACTUELLE
Les traitements conservateurs doivent s’inscrire aujourd’hui dans un champ d’action plus global que la simple réparation d’une lésion. La démarche thérapeutique devra être la suivante :
- Etablir un diagnostic précis,
- Exploiter les mesures prophylactiques en ayant recours à des conseils d’hygiène, des prescriptions d’utilisation du fluor,
- Mettre en place des vernis fluorés sur des lésions superficielles et réversibles,
- Restaurer quand la reminéralisation est impossible,
- Adapter la périodicité des contrôles en fonction du risque carieux,
La stratégie actuelle des traitements conservateurs insiste sur la nécessité de comprendre la maladie dans son individualité et d’apprécier les critères spécifiques de la maladie.
RÉVISION DE LA CLASSIFICATION DES LÉSIONS CARIEUSES
Les cinq classes de lésions carieuses établies par Black étaient définies selon leur situation et la nature de la restauration envisagée mais ne prenaient pas en compte les dimensions de la cavité ni la complexité des restaurations en fonction de l’augmentation de leur volume.
Les concepts de Black défendaient l’élimination totale de la carie, les extensions prophylactiques. Les formes de contour, de résistance et de convenance ont été énoncées pour des matériaux sans propriétés adhésives et à l’époque d’une forte prévalence de la carie.
La dentisterie moderne s’appuie sur une nouvelle classification des lésions carieuses (Mount et Hume 1997). Les lésions carieuses se développent sur trois différents sites de la couronne ou de la racine de la dent qui sont des zones de rétention de plaque. Ce sont les trois sites des lésions carieuses :
Site 1
Les puits et les sillons de la face occlusale des dents postérieures ou d’autres surfaces lisses, puits cingulaires des dents antérieures.
Site 2
L’émail proximal sous l’aire de contact entre les dents adjacentes.
Site 3
Le tiers cervical de la couronne ou les surfaces radiculaires exposées par la récession gingivale.
Il paraît logique de classer les lésions en fonction de leur site puis de les hiérarchiser selon leur étendue, reflet de leur évolution.
Ainsi, on distingue quatre tailles de lésions carieuses. Selon l’évolution du processus carieux, il est possible de considérer 4 dimensions.
Taille 1
Atteinte minime de dentine, la reminéralisation est impossible.
Taille 2
Atteinte modérée de la dentine, émail résiduel sain et résistant.
Taille 3
Cavité large périphérie affaiblie, substance dentinaire résiduelle après curetage fragile.
Taille 4
Cavité étendue avec perte de structure externe.
Cette classification simplifie l’identification des lésions et permet de définir leur complexité au fur et à mesure de leur évolution (tableau 1).
LÉSIONS CARIEUSES ET ATTITUDES THÉRAPEUTIQUES
Nous essaierons d’analyser les préparations utilisées dans le traitement des lésions carieuses en séparant pour la description les cavités occlusales des proximales.
Thérapeutique du site 1 = cavité occlusale
- Scellement (Sealant)
Les sealants sont désormais indiqués non seulement pour le scellement préventif des zones anfractueuses mais aussi en cas de lésions suspectées ou diagnostiquées avec atteinte superficielle de la jonction amélodentinaire. Le scellement moins mutilant que l’extension préventive représente un intérêt certain.
La technique des sealants s’est avérée efficace du fait de :
- la rétention de la résine
- ses effets bactériostatiques
- ses propriétés préventives
- sa biocompatibilité
Taille
Site
|
1
Minimum
|
2
Modéré
|
3
Volumineux
|
4
Très volumineux
|
1 : puits sillons
|
1.1
|
1.2
|
1.3
|
1.4
|
2 : surface de contact
|
2.1
|
2.2
|
2.3
|
2.4
|
3 : cervical
|
3.1
|
3.2
|
3.3
|
3.4
|
Tableau de la classification de Mount et Hume |
- Cavité préventive : site 1 stade1 (1.1).
Il s’agit d’une atteinte superficielle, le sillon est carié au-delà de la jonction amélo-dentinaire. On ouvre ponctuellement, puis l’obturation sera réalisée au composite. Les sillons adjacents sont préparés pour le scellement amélaire mais ne sont pas inclus dans la cavité préventive. Composite + sealant (fig 1).
- Cavité adhésive : Site 1 stade 2 (1.2).
Lorsque la carie est plus importante, un curetage dentinaire est nécessaire et limité à la lésion sans fraisage de la dentine saine suivi par la réalisation du composite. Le contour de la cavité est dicté par la carie. Il en résulte la conservation de l’émail surplombant, une forme autorétentive.
- Restauration à l’amalgame : Site 1 stade 2 (1.2).
Il s’agit d’une cavité conventionnelle déjà présente ou d’un contexte défavorable à condition qu’il persiste des parois axiales résistantes. Quand la lésion dépasse 4 à 5 mm dans le sens VL, une cavité classique est indiquée.
- Obturation sandwich : Site 1 stade 3 (1.3).
Elle est nécessaire dans le cas où la perte de substance compromet la résistance à la fracture des parois. Il convient de placer un ciment verre ionomère plus un composite.
Thérapeutique du site 2 = cavité proximale
Aire de contact :
- Traitement non invasif :
L’importance des clichés rétrocoronnaires prend ici tout son sens pour le diagnostic précis et précoce de ces lésions. Ce sont les caries débutantes qui répondent le mieux à la reminéralisation. L’augmentation de fluorure dans les fluides buccaux forme une couche de fluorure de calcium en surface de la dent. Des applications de vernis fluoré (fluoprotector) permettent de constituer un réservoir de fluor et de calcium reminéralisant les lésions, préviennent les récidives et évitent le recours aux obturations.
- Cavité préventive : Site 2 stade1 (2.1).
La lésion proximale permet la conservation de la crête marginale. Le risque de fracture de la dent dans le futur est proportionnel à la perte de la crête marginale. Les accès directs, les cavités tunnel, cavités slot ont pour objectif de préserver la crête marginale. Ces cavités sont obturées par injection de CVI, de compomères ou de composites fluides. La réduction de la taille des cavités génère toutefois quelques difficultés concernant le contrôle visuel des substances à nettoyer (fig 2).
- Cavité adhésive : Site 2 stade 2 (2.2).
La lésion implique la destruction partielle de la crête marginale et de la face proximale. Lorsque la crête est partiellement détruite, l’obturation adhésive directe au composite microhybride s’impose.
- Cavité Site 2 stade 3 (2.3).
Ce sont des lésions qui impliquent une destruction totale de la crête marginale et de la face proximale. La restauration directe à l’amalgame est indiquée.
Du fait que la résistance MD n’est pas assurée par la queue d’arronde, l’adjonction de rainures aux dépens des parois V et L est nécessaire. Cette forme rétentive par sa partie occlusale empêche tout mouvement de bascule du matériau d’obturation. Deux verrous de résistance dans la partie cervicale s’opposent à sa désinsertion.
- Cavité Site 2 stade 4 (2.4).
Ce sont des lésions de grande étendue ou de remplacement d’obturation préexistante. Compte tenu de la difficulté de reproduction d’une face proximale et d’un point de contact adéquat, la mise en œuvre d’une technique semi-directe grâce à la réalisation d’un inlay composite est plus appropriée. La fabrication de l’inlay est réalisée sur un modèle et collé secondairement.
DÉCISION THÉRAPEUTIQUE
Au terme des entretiens et de l’examen du patient, le praticien est amené à évaluer la situation clinique en fonction de critères généraux (hygiène, cariosusceptibilité, présence d’anciennes restaurations) et locaux (importance de la lésion).
On distingue :
Un groupe de patients “idéal ” : ce sont des patients jeunes ayant bénéficié d’un enseignement efficace de la prévention et de l’hygiène présentant un état dentaire satisfaisant, résistant à la carie, avec peu ou pas de restauration. Pour cette catégorie, les concepts modernes de préparation à minima s’imposent et le biomatériau de restauration sera un matériau adhésif (sealant, composite, compomère, CVI).
Un groupe de patients “à risque ” : Ce sont les personnes présentant un contexte d’hygiène défavorable installé de longue date, associé à de nombreuses restaurations plus ou moins mutilantes ou patients avec risques professionnels (industrie du sucre). Une reprise en main de ces patients doit être instaurée. L’étendue de la lésion dicte le plus souvent une architecture plus mutilante.
Situation intermédiaire où le choix du matériau et de la forme de préparation doit être raisonné, tenant compte de plusieurs paramètres : hygiène, capacité de motivation, passé dentaire, cariosusceptibilité.
CONCLUSION
Les concepts actuels reposent sur le développement des actes prophylactiques et des thérapeutiques conservatrices respectant l’économie tissulaire. Plusieurs matériaux sont utilisés pour la restauration du secteur postérieur. Le choix du matériau se fait en fonction de chaque cas et non pas selon des lois rigides et immuables.
BIBLIOGRAPHIE
1– DECUP F., LASFARGUES J.J.
Alternative à l’amalgame
Inf. Dent. oct. 1998.
2 – NORDO H. , LEIRSKAN J.
Saucer-sharped cavity preparation for posterior approximal resin composite restaurations : observations up to years.
Quint. Inter, 29 (1) 1998.
3 – MOUNT G.J, HUME W.R.
A revised classification of carious lesions by site and size
Quint. Inter, 28(5), 1997.
4 – GUIVANTE- NABET C.
Traitement préventif et conservateur des lésions carieuses occlusales en pratique quotidienne.
Inf. Dent ,10,1997.
5 – TOUMELIN-CHEMLA F., LASFARGUES JJ.
Formes actuelles des préparations pour amalgames.
Inf. Dent, 10,1994.
6 – ANDERSON HM., BALES DJ.
Modern management of dental caries : the cutting edge is not the bur.
JADA, 24, 1993.