SM. BOUZOUBAA, I. BENYAHYA
Service d’Odontologie Chirurgicale - CCTD de Casablanca
Faculté de médecine dentaire de Casablanca

Université Hassan II

 

RÉSUMÉ

Depuis peu, une nouvelle technique d’imagerie décrite comme révolutionnaire a fait son apparition : la tomographie volumique à faisceau conique ou « cone beam ». Elle permet l’acquisition numérisée des structures osseuses et la réalisation de coupes dans les trois dimensions. Elle offre une variété de reconstructions planes ou courbes en orientations coronale, sagittale, oblique, panoramique ainsi que des reconstructions tridimensionnelles tout en étant très économe en dose d’irradiation ce qui en fait le principal avantage comparé au scanner.

 

Cet article a pour but de répondre à 10 questions fréquentes sur le Cone Beam pour une prescription adéquate. C’est pourquoi ce travail se propose dans un premier temps d’expliquer le principe de fonctionnement des appareils utilisant cette technique, puis d’établir les intérêts et limites de celle-ci. Il s’agira ensuite de présenter les réelles indications de cet examen en dentisterie, ORL et maxillo-facial.
Mots clés : Cone Beam, imagerie volumique, imagerie sectionnelle.

 

1. Qu’est ce qu’un Cone Beam ou CBCT ?

Le cone beam est une nouvelle technique d’imagerie de la face, c’st la ‘Tomographie volumique à faisceau conique’ ou en anglais ‘Cone Beam Computerized Tomography’ d’ou l’abréviation CBCT (Fig 1) (1).

 

 

Cone Beam – unité dentaire- CCTD Ibn Rochd.

Fig 1 : Cone Beam - unité dentaire- CCTD Ibn Rochd.

 

 

 

2. Quel est le principe physique d’un Cone Beam ?

La technique du Cone Beam consiste en un générateur de rayon X qui émet un faisceau de forme conique traversant l’objet à explorer avant d’être analysé après atténuation par un système de détection. L’émetteur de rayon X et le détecteur sont solidaires et alignés. A chaque degré de rotation, l’émetteur libère une impulsion de rayons X qui traversent le corps anatomique pour être réceptionnés sur le détecteur. Ce dispositif réalise autour du patient une seule rotation qui peut être complète et qui permet d’acquérir les donnés numériques dans les différents plans de l’espace, ces données sont ensuite transmises à un ordinateur pour les reconstructions volumiques. L’unité de volume est le voxel.

 

Le CBCT travaille avec un faisceau ouvert conique ce qui permet en une seule résolution de balayer l’ensemble du volume à radiographier. De plus, il a la capacité de produire une haute résolution d’images dans plusieurs plans de l’espace en éliminant les superpositions des structures environnantes (1,2).


Cependant il est important de constater que selon les machines il existe une variation sur l’exactitude des mesures. Cavezian et Pasquet (13) nous font remarquer qu’ « Il n’y a pas un appareil mais des appareils Cone Beam ». En effet pour balayer l’ensemble des indicatiosn en odonto-stomatologie, il existe différents CBCT selon leur champ d’exploration ou FOV pour field of view (Fig 2) :
- les petits champs : inférieurs à 10cm,
- les champs moyens : entre 10 et 15 cm,
- les grands champs : supérieurs à 15 cm.

 

Les différents champs d'exploration.

Fig 2 : Les différents champs d'exploration.

 

 

3. Quelle est la différence dans l’acquisition entre un Cone Beam et un scanner ?

Le CBCT est beaucoup comparé au scanner pour sa résolution spatiale de l’os et des dents, mais le scanner produit des coupes se superposant lors de multiples rotations du système alors que le CBCT ne fait qu’une seule rotation autour du patient (1). En terme de confort, l’acquisition du cone beam est faite d’une manière simple de la même facon que la radiographie panoramique alors que pour le scanner le patient doit être obligatoirement allongé.


Le CBCT est une technique ‘low dose’ qui donne une bonne qualité d’image avec une iiradiation inférieure à celle d’un examen scanner (Fig 3) (1,3).

Pour le scanner conventionnel, la plus grande arête du voxel est la longueur, ce qui correspond à l’épaisseur de la coupe. Le volume est dit anisotrope car une des arêtes est plus grande que les deux autres. Les reconstructions sagittales ou coronales sont donc de moindre résolution que les coupes axiales natives. Le Cone Beam est caractérisé par l’utilisation d’un voxel cubique, le volume est alors dit isotrope. Les coupes obtenues ont la même résolution quelque soit leur orientation. Cela permet d’obtenir des images de haute résolution avec une fidélité identique dans tous les plans de l’espace (Fig 4) (4).

 

 

A: TDM, avec empilement de coupes. B: CBCT avec reconstitution d’un volume

Fig 3: A: TDM, avec empilement de coupes. B: CBCT avec reconstitution d’un volume.

Voxel anisotrope dans le scanner medical. Voxels isotropes dans les CBCT.

Fig 4: Voxel anisotrope dans le scanner medical. Voxels isotropes dans les CBCT.

 

 

4. Quelles sont les indications de prescription d’un Cone Beam en odontostomatologie ? Y’a t-il d’autres indications en ORL et en Maxillo-faciale ? (5-8)

Le CBCT est indiqué en odontostomatologie (Fig 5) :
- lorsque les informations fournies par la clinique et la radiologie 2D (panoramique dentaire) ne sont pas suffisamment contributives au diagnostic et à la thérapeutique et qu’une image 3D est indispensable,
- pour un bilan périapical préchirurgical particulièrement dans la région maxillaire postérieure ou dans la région du foramen mentonnier,
- pour la recherche et la localisation d’un canal radiculaire supplémentaire,
- pour le bilan d’une pathologie radiculaire, type de fracture, résorption interne et externe, périapicale ou latéroradiculaire,
- pour un bilan préimplantaire et une estimation du volume osseux au niveau du site implantaire,
- lorsqu’on veut évaluer l’extension et les rapports des lésions tumorales des maxillaires.

 

 

Cone Beam maxillaire montrant l’inclusion de la 13 et ses rapports avec les dents adjacentes.

Fig 5 : Cone Beam maxillaire montrant l’inclusion de la 13 et ses rapports avec les dents adjacentes.

 

Fig 6 : 1A. TDM, 1B. CBCT : coupe axiale du rocher gauche. Longue apophyse de l’enclume non visible, zone de vacuité en regard du bouton de l’étrier (flèches). 1C. TDM, 1D. CBCT : reconstruction 3D. Lyse de la longue apophyse de l’enclume (flèches).

Fig 6 : 1A. TDM, 1B. CBCT : coupe axiale du rocher gauche. Longue apophyse de l’enclume non visible, zone de vacuité en regard du bouton de l’étrier (flèches).

1C. TDM, 1D. CBCT : reconstruction 3D. Lyse de la longue apophyse de l’enclume (flèches).

 

 

Le CBCT présente d’autres indications en ORL et en Maxillo-faciale notamment dans les cas suivants :
- Réaliser un bilan des ATM (Fig 6),
- Explorer les sinus des maxillaires et des fosses nasales,
- Explorer le rocher et Il s’est révélé performant pour l’étude des différentes structures de l’oreille moyenne et de la capsule otique ainsi que pour le suivi post-opératoire des implants d’oreille moyenne ou cochléaires. Un de ses avantages par rapport au scanner des rochers est sa moindre irradiation (Fig 7).

 

L’HAS conclue que « les performances techniques et dosimétriques de l’examen CBCT peuvent permettre de le proposer dans des indications cliniques bien sélectionnées soit pour le diagnostic de pathologies et pour un bilan préopératoire, en endodontie, chirurgie buccale et implantaire voire parodontale, quand l’étude des tissus mous n’est pas requise.

 

 

Coupes sagittales montrant des articulation temporo-mandibulaire

Fig 7 : Coupes sagittales montrant des articulation temporo-mandibulaire

 

 

 

5. Peut-on communiquer avec un Cone Beam ? (6,7,10)

Devant la masse d'informations disponibles dans les médias ou sur internet, nous nous retrouvons face à des patients "érudits" à juste titre ou non de plus en plus enclin à comprendre les pathologies et traitements proposés. Il est donc important de se munir d'outils favorisant la communication avec le patient. Il semble donc évident qu'il est plus aisé d’expliquer et de mettre en évidence les différentes pathologies (par exemple : fracture radiculaire, infection péri-apicale) et indications (emplacement du futur implant) sur une image 3D. De plus l'image tridimensionnelle interpelle toujours le patient et provoque un intérêt certain pour la technique.

 

Un autre point important est la communication avec le laboratoire de prothèse. Le manque de transmission d’informations entre le dentiste et le prothésiste est souvent à l’origine d’échec prothétique. Le CBCT et les logiciels dédiés à la dentisterie et surtout à l’implantologie favorisent cet échange et permettent de transmettre toutes les informations par voie numérique (CDROM, Net…) (axe des implants, visualisation du projet prothétique, évaluation de la place pour le cosmétique ou la fausse gencive etc.) nécessaires à la réussite de la future prothèse.

 

Ces logiciels permettent également la fabrication de guides chirurgicaux, qui seront d’une grande aide pour le chirurgien dentiste au cours de la chirurgie implantaire.
Du fait de ses capacités de communication, le CBCT est également employé entre chirurgiens dentistes et oto-rhino-laryngologistes ORL, essentiellement pour la détermination de l’étiologie dentaire des pathologies sinusiennes maxillaires unilatérales. Il aide aussi à bien visualiser les communications bucco-sinusienne (à la suite d’une extraction d’une dent antrale) ou encore les aspergilloses (Complication à distance d’un traitement endodontique avec dépassement de substance obturatrice canalaire dense dans les sinus maxillaires).

Cette technologie partagée peut ainsi faire partie d’un plan de traitement multidisciplinaire en favorisant et facilitant la communication entre tous les intervenants.

 

6. Quelles sont les différentes reconstructions 2D et 3D que peut offrir un Cone Beam ? (11)

A partir de l’acquisition volumétrique, toute les reconstructions 2D sont possible à savoir les coupes axiales, sagittales et frontales dont l’épaisseur, l’espacement entre les coupes et l’agrandissement sont précisés par le médecin prescripteur en fonction des résultats recherchés.
Les coupes panoramiques et transversales sont construites à partir des coupes axiales, elles vont nous renseigner sur les sens vestibulo-lingual et apico-coronaire.
Les reconstructions 3D peuvent être affichées et permettent une visualisation animée de tout le volume (Fig 8) (a,b,c,d,e et f).

 

 

Coupe axiale montrant une lyse de la table interne de la branche horizontale mandibulaire (CBCT).

Fig 8a : Coupe axiale montrant une lyse de la table interne de la branche horizontale mandibulaire (CBCT).

 

Coupe frontale montrant une pansinusite droite et gauche avec image radioclaire en regard de la molaire droite supérieure (CBCT).

Fig 8b : Coupe frontale montrant une pansinusite droite et gauche avec image radioclaire en regard de la molaire droite supérieure (CBCT).

 

Coupe sagittale montrant un épaississement des muqueuses des fosses nasales (flèche orange) , sinus frontal et sinus sphénoïdal (CBCT).

Fig 8c : Coupe sagittale montrant un épaississement des muqueuses des fosses nasales (flèche orange) , sinus frontal et sinus sphénoïdal (CBCT).

Reconstruction 3D montrant une grosse lésion mandibulaire avec une 44 incluse(CBCT).

Fig 8d : Reconstruction 3D montrant une grosse lésion mandibulaire avec une 44 incluse(CBCT).

 

Coupe panoramique matérialisant la trajectoire du nerf alvéolaire inférieur droit et son rapport avec la 3ème molaire mandibulaire droit (CBCT).

Fig 8e : Coupe panoramique matérialisant la trajectoire du nerf alvéolaire inférieur droit et son rapport avec la 3ème molaire mandibulaire droit (CBCT).

Coupe transversale montrant une fracture de la table alvéolaire externe au niveau du maxillaire antérieur (CBCT).

Fig 8f : Coupe transversale montrant une fracture de la table alvéolaire externe au niveau du maxillaire antérieur (CBCT).

 

 

7. Comment prescrire un examen Cone Beam ? (1)

La prescription doit être précise et contenir le plus d’informations possibles en spécifiant le motif exact de l’examen, la zone précise à explorer, sa localisation, son champ, le numéro de la dent, l’arcade et l’état de santé du patient, ainsi que les reconstructions souhaitées : standards ou adaptées.

 

8. Quelles sont les limites d’un Cone Beam ? (12)

Les couronnes ou tout autre élément métallique présent en bouche entrainent des artéfacts lors de l’acquisition tridimensionnelle, dus à l’absorption du faisceau de rayon X (11). Cependant en endodontie, il est fréquent d’examiner des dents présentant des tenons ainsi que des reconstitutions prothétiques, et les artéfacts produits par le métal qui limitent la lecture de l’image, la rendant parfois impossible (12).
L’artéfact engendré par le scanner est réellement plus important que celui produit par le CBCT.

Le CBCT est efficace pour l’observation des tissus durs, mais ne permet pas d’observer les tissus mous parce qu’il n'existe pas de fenêtre de visualisation à la différence du scanner (Fig 9).

 

 

Couronnes métallique entrainant des artéfacts au niveau d’un Cone Beam.

Fig 9 : Couronnes métallique entrainant des artéfacts au niveau d’un Cone Beam.

 

 

9. Y a-t-il un logiciel qui permet la navigation et l’exploration de l’examen Cone Beam ? (7,9)

Le Cone Beam a l’avantage de traiter plus facilement les images recueillies avec des logiciels dédiés à l’implantologie qui représentent une aide importante à la chirurgie. Par exemple, grâce à ces logiciels (Planmeca®, Simplant®, Nobelguide® etc...), la planification implantaire assistée par ordinateur devient plus aisée. Le dentiste peut ainsi positionner l’implant à l’endroit désiré, en choisir sa taille, sa forme, son diamètre et son axe, vérifier le parallélisme entre plusieurs implants, ou encore pré-visualiser le projet prothétique en 3 dimensions.

 

10. Quelles sont les doses d’irradiations d’un Cone Beam ? (12)

Le Cone Beam est décrit par les études dosimétriques mondiales comme la moins irradiante des techniques sectionnelles.
Le comparatif des doses efficaces des différents examens radiologiques, d’après Khayat B et Michonneau JC en 2008, est :
- Cliché rétroalvéolaire numérique : 4 à 6 14568 uSv,
- Radiographie panoramique numérique : 10 à 15 uSv,
- Cone Beam : 50 à 250 uSv,
- Scanner médical : 300 à 1300 uSv.

 

En général, le Cone Beam délivre en moyenne 2 à 4 fois moins de RX que le scanner.
La dose d’irradiation est en fonction de la taille de la zone examinée. Un examen au Cone Beam de 3 dents est évidemment moins irradiant qu’un examen de 2 arcades complètes (11).

 

BIBLIOGRAPHIE

1. Ophelie Grondin. Intérêt du Cone Beam en cabinet d’omnipratique libéral. Surgery. 2013.
2. HAS. (2009). Tomographie volumique a faisceau conique de la face ( cone beam computerized tomography ) ‘apport d’évaluation technologique (p. 74 p).
3. R. Cavézian et G. Pasquet « Cone Beam : imagerie diagnostique en odontostomatologie. principes, résultats et perspectives» Elsevier Masson 2011, Issy-les-Moulineaux 1 vol. 272 p.
4. Bendoli M. vers une vulgarisation de la tomographie volumique à faisceau conique. Titane 2011 ;8(1) :6-13
5. Cavezian R. (2007). Évolution historique du concept implantaire : passé, présent et futur des moyens prédictifs d’imagerie, (1943), 35–40. Disponible sur alphaomegamarseille.com
6. Decat V., Treil J., Campan P. & al. (2011). le point sur ... Nouveautés en implantologie : de l’aide au diagnostic à l’aide à la chirurgie, Journal de Radiologie(1), 624–633.
7. Manhès Luc. (2012) Améliorer ses traitements grâce aux nouvelles technologies liées aux Cones Beams. La lettre de la stomatologie. 2012, 53, 14-20
8. Razavi T., Palmer R. M., Davies J. & al. (2010). Accuracy of measuring the cortical bone thickness adjacent to dental implants using cone beam computed tomography. Clinical oral implants research, 21(7), 718–25
9. Vandenberghe B. (2012). Le Cone beam CT: évolution et révolution. La lettre de la stomatologie, 53, 5–12.
10. Hodez C. & Hauret L. (2011). Le point sur ... Nouveauté en radiologie dento-maxillofaciale : la tomographie volumétrique à faisceau conique. Journal de Radiologie, (90), 604–617.
11. Joanne E., & Forest D. (2009). Les applications de la tomographie volumique à faisceau conique (TVF C) en médecine dentaire. Journal de l’ordre des dentistes du Québec, 46(3), 7– 24
12. Khayat B et michonneau jc. Le cone beam en endodontie. Real clin 2008 ; 19(2) : 167-176

 

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