S. TAISSE, I. BENYAHYA
Service d'Odontologie Chirurgicale
Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca - Maroc
Université Hassan II

Au quotidien, le chirurgien dentiste peut être amené à réaliser des soins sur deux types de patients diabétiques :

- un patient présentant une suspicion de diabète,

- un patient diabétique déclaré, contrôlé ou non contrôlé.

 

LA SUSPICION DU DIABÈTE

Un certain nombre de signes cliniques font suspecter un diabète. On retrouve, les maux de tête, l'infection cutanée répétée, les troubles de la vision, la xérostomie, les parodontopathies, et les aphtes à répétition etc….

Les patients âgés de plus de 40 ans, obèses, ayant des parents diabétiques, les patientes présentant des antécédents d'avortement spontanés ou ayant donné naissance à des enfants présentant une surcharge pondérale doivent faire l’objet d’une recherche de diabète.

L'interrogatoire occupe ici une place déterminante dans le dépistage. Il permet la recherche des signes cliniques, des symptômes et/ou des complications associées au diabète.

 

LE DIABÈTE DÉCLARÉ

Un diabète déclaré peut être plus ou moins sévère, associé ou non à d'autres pathologies, plus ou moins bien traité et contrôlé. Il peut être de 2 types :

Le type 1 ou diabète insulinodépendant observé à tout âge, mais plus fréquent chez l’enfant et l’adulte jeune.

Le type 2 ou diabète non insulinodépendant affectant les sujets de plus de 40 ans et ayant un excès pondéral.

 

Schématiquement, les patients diabétiques connus peuvent être classés en 3 catégories :

- les patients à risque faible,

- les patients à risque modéré,

- les patients à risque élevé.

L'appréciation du risque est basée essentiellement sur l'examen biologique et l'importance des complications.

 

Les patients à risque faible :

Ce type de patients sont généralement asymptomatiques, et ne présentent aucune complication de type neurologique, vasculaire ou infectieuse. Biologiquement, ces patients présentent une glycosurie minimale (de 0 à 1), une cétonurie nulle et une glycémie inférieure à 2 g/l (11 mmol/l).

 

Les patients à risque modéré :

Symptomatologiquement, ce type de patients ne présente pas de manifestations cliniques. Cependant, quelques complications peuvent être présentes. Ces complications doivent être traitées médicalement.

Biologiquement, la glycosurie oscille entre 0 et 3, la cétonurie est nulle et la glycémie reste inférieure à 2,5 g/l (14 mmol/l).

 

Les patients à risque élevé :

Ce sont les patients présentant des complications multiples,  insuffisamment contrôlés, nécessitant constamment un réajustement du dosage de l'insuline.

Biologiquement, une glycosurie et une cétonurie sont positives et la glycémie varie beaucoup en dépassant souvent 2,5 g/l (14 mmol/l).

 

CONSEILS UTILES POUR LA PRISE EN CHARGE D'UN DIABÉTIQUE

La prise en charge odontologique du diabétique vise principalement à ne pas déséquilibrer le diabète.

 

L'INTERROGATOIRE

Le recueil de certaines informations révélant le déséquilibre du diabète ou la suspicion de complication incite le praticien en odontologie à entrer en contact avec le médecin traitant.

Une correspondance sera ainsi établie afin de connaître avec précision l'état de santé du patient, la nature du traitement, la médication en cours et les complications éventuelles. Cette correspondance permet de définir un  plan de traitement et des précautions adaptées à  chaque type de diabétique.

 

LA PRÉMÉDICATION

Le stress stimule la production d'adrénaline et de corticoïdes. Ces substances sont hyperglycémiantes. A cet égard, une modification du dosage d'insuline doit être envisagée notamment en cas de conditions stressantes importantes physiologiquement et/ou psychologiquement.

L'utilisation de narcotiques, barbituriques et de diazépines est parfaitement indiquée chez les diabétiques.

 

La sédation au protoxyde d'azote est envisageable pour une meilleure prise en charge des patients diabétiques particulièrement stressés.

Dans certaines situations le stress perturbe le diabète. A ce moment les actes de soins non urgents sont reportés jusqu'à ce que le diabète soit contrôlé et équilibré.

 

L'antibioprophylaxie n'est pas systématique. Elle varie en fonction du sujet diabétique (équilibre, complications) et de l'importance de l'acte thérapeutique. Enfin, quand il s’agit d’un diabète de type 2, il faudrait insister sur la prise de ses médicaments.

 

L'ANESTHÉSIE

Il est établi que le taux de vasoconstricteurs par carpule n'augmente pas particulièrement la glycémie (l'adrénaline est hyperglycémiante).

Il est même jugé que la décharge d'adrénaline sécrétée à l'occasion d'une douleur au cours des soins due à une anesthésie peu profonde (cas de l'anesthésie sans vasoconstricteur), est bien plus importante et plus néfaste que celle produite par la solution anesthésique avec vasoconstricteur. Par conséquent, l'anesthésie locale avec vasoconstricteur est indiquée pour le sujet diabétique équilibré. Cependant, la multiplicité des carpules d'anesthésie avec vasoconstricteur injectée au cours d'un même soin représente un danger pour le patient.

 

LES SOINS DE DENTISTERIE RESTAURATRICE

Les patients à risque faible sont traités normalement.

Les patients à risque modéré seront traités en tenant compte des précautions particulières à l'égard du stress, et de la vulnérabilité à l'infection.

Les soins seront réalisés le matin après un petit déjeuner normal.

 

LES ACTES CHIRURGICAUX

Chez un diabétique à risque faible, il s'agit de réduire le stress au maximum par une information du patient et une prémédication anxiolytique.

Selon l'importance de l'acte, la couverture antibiotique comprendra seulement 3 g d'amoxicilline, 1 heure avant l'intervention ou couvrira la période de la cicatrisation soit 1,5 g d'amoxicilline par jour, pendant 10 jours (en l'absence d'allergie, ou toute autre contre-indication).

 

Si la durée de l'intervention est importante, le praticien doit interrompre l'acte chirurgical pour permettre au diabétique de s'alimenter. Une boisson sucrée suffit habituellement. Concernant un diabétique à risque modéré, les actes chirurgicaux simples ou complexes ne sont réalisés qu'après consultation avec le médecin traitant. Dans tous les cas, ces actes seront réalisés sous sédation.

 

Pour les chirurgies complexes, une hospitalisation peut être envisagée et un ajustement du dosage d'insuline est recommandé, en accord avec le médecin traitant.

Pour les patients à risque élevé, une consultation médicale est nécessaire avant tout acte thérapeutique.

Aucune intervention ne sera effectuée avant la stabilisation du diabète.

 

Deux circonstances font exception à cette règle :

- Lorsque le foyer dentaire est le seul responsable du déséquilibre du diabète,

- Lorsque les lésions dentaires ont un caractère urgent (pulpites, cellulites …).

A ce moment, il s'agit d'intervenir en milieu hospitalier après réajustement de l'insuline et antibioprophylaxie.

 

LES PRESCRIPTIONS POST-OPÉRATOIRES

A côté des antibiotiques prescrits en per opératoire, les antalgiques de la famille du paracétamol sont indiqués sans risque chez le sujet diabétique. L’aspirine est par contre contre indiquée même à faible dose et ce, en raison de la potentialisation des effets hypoglycémiants des médicaments pris par le patient.

Les anti-inflamatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens quant à eux, peuvent provoquer une augmentation du taux de glucose sanguin nécessitant éventuellement -après avis du médecin traitant- d’augmenter la dose de la prescription antidiabétique.

 

LE CONSEIL DE LA FIN

Le sujet diabétique présente une fragilité de l'équilibre glycémique et une baisse du seuil de défense.

L'équilibre du diabète n'est pas assuré par une seule glycémie à jeun correcte, mais sur l'appréciation du cycle glycémique au niveau du livret de santé.

La bonne équilibration du diabète au moment et dans les suites des soins dentaires réduit le temps de cicatrisation et diminue la fréquence des complications.

 

BIBLIOGRAPHIE

1- TIMOUR Q. - Odontopharmacologie clinique, thérapeutique et urgence médicale en pratique quotidienne. Edition CDP.

2- MRINI O. - Diabète et ses effets sur la cavité buccale. Thèse Méd. Dentaire, Casablanca, n°19/95.

3- NARSAF L. - Etat bucco-dentaire chez les diabétiques de la région de Béni-Mellal (Enquête à propos de 150 cas). Thèse Méd. Dentaire, Casablanca, 2000.

4- Roche Y. – Chirurgie dentaire et patient à risque : Evaluation et précautions à prendre en pratique quotidienne. Ed Flammarion Médecine Sciences 1996.

 

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