I. OUNI, B. MOGAADI, L. MANSOUR

Service de Prothèse Partielle Amovible
Faculté de Médecine Dentaire de Monastir, Université de Monastir - Tunisie


RÉSUMÉ

Les édentements partiels en extension ou de grande étendue peuvent être qualifiés de complexes, leur traitement par une prothèse partielle amovible classique s’avère toujours très délicat, voire même impossible. Grâce à l’implantologie, l’adjonction d’un ou de plusieurs piliers à des endroits stratégiques permet de concevoir d’autres solutions aux problèmes esthétiques et biomécaniques permettant ainsi une optimisation des restaurations prothétiques.

 

Cet article expose, à travers un cas clinique, la démarche thérapeutique pour la réalisation d’une prothèse partielle amovible stabilisée par des implants.
Mots clés: Prothèse partielle amovible, implant dentaire, esthétique, rétention, moyens de connexion.


INTRODUCTION

La réhabilitation orale des sujets présentant un édentement de grande étendue par la prothèse partielle amovible (PPA) peut conduire, si le traitement n’est pas bien planifié et exécuté, à une série de problèmes (1) tels que  la blessure du parodonte des dents supports  et la mauvaise  adaptation de la base prothétique aux  tissus de soutien. En effet, sous l’action de la mastication, cette prothèse est soumise à un ensemble de mouvements parasites qui nuisent à sa stabilité, notamment une diminution de la rétention et de la stabilisation, ainsi qu’un taux de complications prothétiques relativement élevé. L’inconfort lié à cette mobilité ainsi que le mauvais rendement esthétique du à la visibilité des crochets dans les secteurs antérieurs expliquent le fait que cette réhabilitation puisse induire l’insatisfaction d’un certain nombre de patients.

Grâce à l’évolution de l’implantologie, il est possible d’améliorer ces qualités biomécaniques et biologiques par la mise en place des racines artificielles dans des sites bien étudiés (2). C’est la prothèse amovible partielle stabilisée sur implants (PAPSI) qui  répond aux exigences de conception d’une prothèse amovible partielle conventionnelle en s’appuyant  sur des structures dentaires et ostéomuqueuses. Elle bénéficie  aussi d’un complément de rétention et ce par la mise en place d’implants  associés à des systèmes d’attachements (3).
Ce concept de traitement a été jusqu’ici peu décrit dans la littérature, L’objectif de ce travail est de décrire et d’aborder à travers un cas clinique l’aspect pratique de cette technique.


CAS CLINIQUE

Présentation du cas : 

Patient âgé de 53 ans, en bon état général ayant consulté le service de prothèse partielle amovible pour une réhabilitation prothétique avec un motif esthétique et fonctionnel.  Il présente au maxillaire un édentement terminal postérieur de grande étendue associé à des édentements encastrés (Fig.1) et des édentements encastrés à la mandibule (Fig.2). Certaines dents sont jugées inexploitables pour des raisons parodontales ce qui a imposé leur extraction (Fig.4).

Les analyses céphalométriques montrent qu’il s’agit d’un patient en classe III squelettique avec une endognathie unilatérale droite. Les résultats ont été confirmés par l’analyse des rapports d’occlusion des modèles montés sur articulateur en RC à DVO correcte (Fig.3).

 
Fig.1 : vue endobuccale du maxillaire
 
Fig.2 : vue endobuccale de la mandibule
 
Fig.3 : le montage sur articulateur
 
 
 Fig.4 : Radio panoramique

 


Les Problèmes Posés par ce type d’édentement :

Ils concernent surtout l’édentement maxillaire (Fig.5), à savoir le problème d’équilibre de la prothèse vu qu’il s’agit d’un édentement de grande étendue caractérisé par un appui mixte dentaire et ostéo-muqueux  donc  la selle serait sollicitée par des mouvements de décollement et d’enfoncement. Toutefois, les problèmes les plus délicats à résoudre seraient le problème de la rétention antérieure induit par la faible valeur parodontale des incisives ainsi que le problème de la visibilité du bras vestibulaire, inesthétique au niveau antérieur.

 
Fig.5 : les problèmes posés par cet édentement : AB : axe de rotation passant par l’axe de la crête, CD : axe de rotation passant par les appuis terminaux, E : bras inesthétique du crochet

La décision prothétique :

Le projet prothétique est matérialisé par un tracé prospectif du châssis métallique (Fig.6). Ce tracé, qui a été dicté par des principes de conception visant à assurer l’équilibre de la PPA, va guider la conception des prothèses fixées.

Pour le maxillaire :
une prothèse composite associée à un implant stratégique. Un bridge métallo résineux allant de la 24 vers la 11 avec la 12 en extension, une couronne entièrement métallique sur la 17, une PPA à châssis métallique et  un implant qui sera placé du côté de l’édentement terminal symétriquement à la 17 permettant ainsi de résoudre le problème de décollement postérieur de la selle et d’améliorer la stabilité globale du châssis. Il peut également servir comme complément de rétention.
L’implant recevra un pilier vissé comportant une sphère de 2 millimètres de diamètre constituant la partie mâle du  système d’attachement.

Le problème esthétique est résolu par la réalisation d’un crochet équipoise sur la 24 et l’élimination du bras vestibulaire du crochet Ackers sur la 12 en réalisant uniquement un appui cingulaire.

Pour la mandibule : une prothèse composite. Un bridge métallo résineux allant de la 44 à la 35 remplaçant les quatre incisives, deux couronnes entièrement métallique sur la 37 et 47 et une PPA à châssis métallique.

 
Fig.6 : La décision prothétique

L’étude du projet prothétique :

L’étude de la faisabilité du projet prothétique doit passer obligatoirement par la réalisation des wax up et la réalisation d’un montage directeur (Fig.7) qui vont servir non seulement  à la réalisation des prothèses provisoires en bouche mais aussi à l’exploitation du montage directeur polymérisé comme un guide radiologique  pour la réalisation du cone beam dans le cadre du bilan pré implantaire (Fig.8).
La lecture de ce dernier  (Fig.9) montre la présence d’une quantité d’os suffisante uniquement au niveau du site du 2ème molaire et la zone tubérositaire, ce qui est favorable à notre projet prothétique.

 

Fig.7 : Wax up et montage directeur
 
Fig.8 : Guide radiologique
 
Fig.9 : Cône Beam
 

 


La réalisation prothétique : 

On va détailler les étapes de la réalisation prothétique essentiellement pour le maxillaire qui illustre le sujet de notre article.
En attendant une période de cicatrisation de 5 mois à partir de la mise en place de l’implant, on entame  la phase prothétique  par la prise de l’empreinte de travail (Fig.10) avec une silicone de basse et haute viscosité selon la technique de double mélange simultanée .  Cette empreinte  va servir à la fois à la coulée des MPU  et au transfert de la position de l’implant (Fig.11)  qui imposera le choix de l’axe d’insertion de la future prothèse ainsi que  les fraisages principaux et secondaires au niveau de la maquette en cire (Fig.12).

Une fois que  les armatures des bridges sont coulées et essayées en bouche (Fig.13,14), on a procédé au montage des facettes qui se fait avec un composite micro chargé thermopolymérisable sous pression (Chromasit) , plus une résine rose au niveau cervical (Fig.16) qui va jouer le rôle d’une fausse gencive permettant d’aligner le niveau des collets des dents et de compenser la résorption osseuse importante par secteur.
Après l’essai clinique, on enchaine avec une empreinte anatomo fonctionnelle de situation ayant pour support un porte-empreinte individuel, et comme matériau un polyéther qui présente l’avantage de rigidité après la prise.
Une réplique de l’implant est repositionnée dans l’empreinte avant son traitement au laboratoire. Le modèle de travail destiné à la réalisation du châssis est obtenu après coffrage de l’empreinte et traitement des intrados des prothèses fixées.

Une fois le châssis est réalisé, la selle est ajourée en regard de l’attachement sur implant (Fig.15) dont le volume est donné par un gabarit en plastique. La partie femelle de l’attachement est à distance du métal du châssis pour permettre son enrobage par la résine. Après validation du montage des dents sur cire, la résine de la prothèse est polymérisée (Fig. 16) et  les couronnes sont sellées. Puis, on procède à la fixation de la partie femelle au niveau de la résine de la selle.

Compte tenu de la rigidité de la liaison os/implant contrairement aux dents dans leur support alvéolaire, il est impératif d’espacer les parties mâle et femelle pour autoriser un léger mouvement de translation verticale de la selle pour éviter  l’éventuel contact exclusif de celle-ci sur le pilier implantaire (4). Cet espacement de 4 à 6 dixièmes de millimètres est obtenu en interposant, avant la polymérisation de la résine, une rondelle en plastique calibrée sur le pilier (Fig.17), puis on garnie l’intrados de la selle par la résine de rebasage et le durcissement se fait sous pression occlusale (Fig.18).

La qualité de la rétention souhaitée sur le pilier implantaire peut être aisément réglée en changeant à chaque fois la gaine en plastique à l’intérieur de la partie femelle (Fig.19).

Ce patient a été suivi pendant 6 mois pendant lesquels il était satisfait de son traitement qui a  rapporté une bonne efficacité masticatoire ainsi qu’une bonne stabilité prothétique.

 

 Fig.10 : Empreinte de travail maxillaire
 
 
Fig.11 : Le choix de l’axe d’insertion
 
Fig.12 : Réalisation du fraisage
 
Fig.13 : Coulée des éléments fixés
 
Fig.14 : Essayage en bouche des armatures
 
Fig.15 : Sculpture et coulée du châssis métallique
 
Fig.16 : Aspect final de la prothèse
 
Fig.17 : Fixation de la partie femelle avec le rondelle d'espacement
 
Fig.18 : La polymérisation doit se faire sous pression occlusale
 
Fig.19 : La gaine de rétention à l’intérieur de la partie femelle
 

 

 

DISCUSSION 

Jusqu’aujourd’hui, il n’existe dans la littérature que peu de publications pertinentes sur la fiabilité et le recul clinique des traitements associant la PPA et les implants stratégiques. Ce déficit peut être dû d’une part au fait que la problématique de l’édentement partiel demeure difficile à aborder, compte tenu de paramètres biomécaniques plus complexes (différence de la dépressibilité entre les dents, surface ostéo-muqueuse et les implants) et aussi à l’insuffisance des travaux qui portent sur les  comportements des implants isolés ou en nombre réduit, à moyen ou long terme, soumis à des forces variables en fonction de la conception prothétique choisie (3,5,6). 

 

Pour le choix des positions idéales des implants, Richter (2), 2004 aborde plusieurs notions :
- Les piliers stratégiques dentaires constituent les dents ayant une  bonne valeur prothétique, décrites comme essentielles pour la stabilité des prothèses .Il s’agit notamment des canines et des molaires à remplacer par des implants si celles-ci sont absentes (tableau 1),   

- Les implants doivent être mis en place dans les zones où le volume osseux résiduel permet un ancrage favorable, même si la position de l’implant s’éloigne légèrement de la position idéale d’un pilier stratégique.

 

 

 Maxillaire
 3
 5
 1
 4
 4
 1
 1
 4
 Dents
 1
 2
 3
 4
 5
 6
 7
 8
 Mandibule
 5
 5
 2
 3
 3
 1
 1
 3

Tableau 1 : Valeur prothétique des dents saines (1 représentant la valeur la plus favorable)

 

CONCLUSION

Cet article décrit une approche clinique rentable où les implants dentaires ont été utilisés avec succès pour améliorer le pronostic de la PPA jugée défavorable chez un patient ayant un nombre nettement réduit de dents. Les PAPSI pouvaient servir comme  modalité de traitement prévisible à long terme. Une sélection rigoureuse des patients, avec un système de maintenance et de contrôle approprié, est recommandée pour obtenir des résultats satisfaisants (7).


BIBLIOGRAPHIE

1- SANTONI P.
Maîtriser la prothèse amovible partielle. Paris: CdP, Mars 2004.
2- RICHTER EJ. Le recours aux implants comme piliers stratégiques en prothèse amovible partielle. Titane. Nov 2004; 1:19-35.
3- VANZEVEREN C, GRIMONSTER J, GRIVEGNÉE A.
Apport de l’implantologie en prothèse amovible partielle. Real Clin. 1995; 6(4): 503-511.
4- SCHITTLY J, RUSSE P, HAFIAN H.
Prothèses amovibles stabilisées sur implants: indications et modes d’utilisation de l’attachement Locator®. Les Cahiers de Prothèse. Juin 2008; 142:33-46.
5- CHEYLAN JM, FOUILLOUX I.
Apport de l’implantologie dans un traitement par prothèse composite. Stratégie prothétique. Mar- Avr 2009; 9(2):143-51.
6- KUZMANOVIC DV, PAYNE AG, PURTON DG.
Distal implants to modify the Kennedy classification of a removable partial denture: a clinical report. J Prosthet Dent. 2004 Jul; 92(1):8-11.
7- TURKYILMAZ I.
Use of distal implants to support and increase retention of a removable partial denture: a case report. J Can Dent Assoc. 2009 Nov; 75(9):655-8.

 

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