Publié le 05-07-2015
N. TAKTAK, K. BOURAOUI
Service de prothèse adjointe,
Faculté de médecine dentaire de Monastir, Tunisie.
RÉSUMÉ
En prothèse composite, et face à un édentement terminal bilatéral maxillaire, réussir l’esthétique et la rétention est possible soit par l’utilisation des attachements, soit par l’indication du crochet équipoise qui ne présente pas de bras vestibulaire.
L’article expose à travers un cas clinique le crochet équipoise, qui est un moyen de rétention esthétique, facile à élaborer et non coûteux et qui s’apparente aux attachements utilisés en prothèse composite.
Mots clés : Prothèse composite, châssis métallique, crochet équipoise.
INTRODUCTION
Dans l’édentement terminal bilatéral maxillaire, il s’avère que les crochets doivent respecter certains principes pour réduire les forces nocives sur les dents, obtenir une rétention satisfaisante et enfin être, dans la mesure du possible esthétiquement tolérable.
C’est pourquoi, il semble nécessaire de réserver l’utilisation du crochet de Nally-Martinet à des cas bien précis et de lui préférer un crochet du système de KROL, voire un crochet équipoise, surtout si la réalisation de la prothèse composite s’avère indispensable (1).
DESCRIPTION DU CROCHET ÉQUIPOISE
Le crochet équipoise s'apparente, par ses qualités esthétiques, aux attachements de semi précision (2).
La partie femelle est réalisée aux dépens d'un élément fixé, la partie mâle est portée par le châssis métallique.
C’est un crochet sans bras vestibulaire visible. Il est placé sur une dent reconstituée par une prothèse fixée (PF) et solidarisée à une autre dent
Il ceinture la dent sur un peu plus de 180°et il associe rétention par friction et rétention par accrochage.
Il comprend trois parties (Fig.1) :
- Un appui mésial apparenté à une glissière de semi-précision de 3mm de hauteur dont les parois sont parallèles à l’axe d’insertion.
La glissière va s'encastrer dans une préparation réalisée au niveau de la prothèse fixée appelée mortaise dont les parois sont parallèles à l'axe d'insertion.
La partie occlusale de la mortaise s'élargit en une queue d'aronde destinée à empêcher toute mobilisation horizontale de la dent pilier lorsque la prothèse est en place.
- Un bras de calage lingual large, dont le fraisage vient en mourir à la jonction des faces linguale et distale.
- une extrémité rétentive à l’union des faces distale et vestibulaire. Elle présente à l’intrados une proéminence en forme de calotte qui joue le rôle de clip et qui va se loger dans une dépression disto-vestibulaire de 0,15mm.
La face distale de la couronne présente un plan de guidage et de calage.
- Les rapports dent pilier-prothèse sont maintenus constants par la glissière, la queue d'aronde et le ceinturage exercé par le crochet.
- Le principe de réciprocité est automatiquement assuré par les parois de la mortaise mésiale (3, 4, 5, 6).
INDICATIONS DU CROCHET EQUIPOISE
Le crochet équipoise est indiqué pour tous patients dont le souci esthétique est primordial. Il présente un avantage esthétique incomparable. Il est utilisé au niveau des canines et des prémolaires.
Il est rarement préconisé en dehors des classes III et IV de Kennedy.
Il faut se souvenir que la préparation dentaire est mutilante au niveau de la face mésiale (Fig.2) et peut mener à devoir dévitaliser la dent (7,8).
CAS CLINIQUE
Il s’agit d’un patient, âgé de 55 ans, en bonne santé, coopérant, très soucieux de son esthétique, consulte pour des descellements fréquents d’une prothèse fixée réalisée 10 ans auparavant et faisant partie d’une prothèse composite restituant un édentement terminal bilatéral.
Conscient du mauvais pronostic de son bridge, il souhaite une nouvelle réhabilitation prothétique maxillaire.
L’examen Endobuccal :
Il révèle un édentement de classe I de Kennedy maxillaire de grande étendue avec absence de la 18, 17, 16, 15, 14, 24, 25, 26, 27, 28.
La mandibule est dentée.
L’édentement maxillaire est restitué par une ancienne prothèse composite comprenant :
- Des couronnes à facettes esthétiques solidarisées mobiles et dont les dents piliers sont toutes délabrées.
- Une prothèse adjointe partielle (PAP) à châssis métallique à attachement extra-coronaire type Préci Vertix® en distale de la 13 et la 23.
La connexion principale étant une double entretoise comprimant le palais et dont les dents prothétiques sont abrasées entrainant une diminution de la dimension verticale d’occlusion (DVO).
Le palais est plat et les crêtes sont résorbées et recouvertes d’une fibro-muqueuse ferme et adhérente.
L’examen Radiographique:
La radio panoramique (Fig.3) met en évidence une obturation endodontique incomplète au niveau de la 22, et une alvéolyse angulaire au niveau de la 13.
- une alvéolyse horizontale modérée au niveau des dents mandibulaires.
L’examen des modèles sur articulateur :
Il confirme un espace prothétique suffisant en relation centrée et un plan d’occlusion correctement situé.
Décision thérapeutique :
La décision thérapeutique prise au terme de l’observation clinique, de l’analyse radiographique et des moulages d’études est de :
- Motiver le patient à l’hygiène orale et faire un détartrage et surfaçage.
- Déposer la prothèse fixée, reprendre le traitement endodontique de la 22.
- Le délabrement supra-gingival des dents antérieures justifie la reconstitution de la 11, 12, 21, 22, 23 par des inlay-cores (Fig.4).
- Les inlay-cores sont réalisés par la technique directe : ils sont sculptés directement en bouche par la résine calcinable (Fig.5) puis ils sont coulés.
- Compte tenu de la demande du patient de conserver son ancienne prothèse au cours du traitement, cette dernière est transformée en une prothèse de transition.
- Après coulée, les inlay-cores sont scellés puis l’ancien bridge du patient est rebasé et adapté aux piliers.
- Les dents prothétiques sont rebasées par une résine autopolymérisable « Duralay® » pour rétablir la DVO et restituer une courbe occlusale conforme à un schéma occluso-prothétique adapté.
- Le choix thérapeutique s’oriente vers une prothèse composite composée d’une PAP à châssis métallique avec comme moyen de rétention deux crochets équipoise sur la 13 et la 23 (Fig.6).
La PAP est supportée par des couronnes solidarisées céramo-métalliques allant de la 13 à la 23 et présentant des fraisages pour recevoir le crochet équipoise.
Elaboration des prothèses fixées :
Les modèles issus de l’empreinte de la prothèse fixée provisoire sont mis sur articulateur afin d’enregistrer, à l’aide de résine auto-polymérisable une table incisive individuelle (animation de la table incisive) qui permettra de reproduire lors de l’élaboration des éléments de prothèse fixée les trajectoires initiales définies par les pentes incisives et canines du patient
Une fois l’éviction gingivale est effectuée, l’empreinte globale est prise aux élastomères vinyl polysiloxane en un seul temps avec deux viscosités selon la technique de double mélange simultané.
Le moulage issu de cette empreinte, est confronté au moulage mandibulaire sur articulateur suite à un enregistrement de l’occlusion en DVO préalablement établie et testée sur les prothèses provisoires et en relation centrée.
Au laboratoire, la maquette en cire des couronnes solidarisées antéro-supérieures, est d’abord sculptée classiquement puis les moulages sont mis sur paralléliseur pour la réalisation des fraisages spécifiques au crochet équipoise.
- Les fraisages de la maquette en cire de la prothèse fixée, sont réalisés à l'aide d'une fraise à cire (9).
- Après la coulée de l'armature de prothèse fixée celle-ci est rectifiée à la fraiseuse (Fig.7).
Il est essentiel de conserver toujours le même axe d'insertion.
Après essayage de l’armature métallique de la prothèse fixée et choix de la couleur, le montage de la céramique est réalisé en fonction de l’animation de la table incisive.
Réalisation de la PAP :
Après montage de la céramique, la prothèse fixée est essayée et l’équilibration occlusale est effectuée.
Un porte empreinte individuel est réalisé pour la prise d’une empreinte anatomo-fonctionnelle de situation qui permet de transférer la prothèse fixée non scellée de la cavité buccale vers le moulage sans modification des rapports de cette dernière avec les éléments environnants. Après essayage et réglage des extensions des bords du porte empreinte individuel (PEI), un enregistrement du jeu fonctionnel de la musculature en regard des crêtes édentées ainsi qu’un endiguement postérieur sont obtenus à l’aide de la pâte de Kerr® verte.
L’empreinte anatomo-fonctionnelle de situation est prise avec un polyéther de moyenne viscosité.
Après cirage de l’intrados des éléments de PF et coffrage des bords de l’empreinte, le modèle de travail destiné à l’élaboration de la PAP est obtenu.
Sur ce moulage, l’armature métallique du châssis est réalisée (Fig. 8) et adaptée parfaitement sur la prothèse fixée (Fig.9).
Après scellement provisoire des prothèses fixées et essayage du châssis en bouche (Fig.10), les selles sont équipées avec des bourrelets d’occlusion pour la réalisation de l’enregistrement des rapports mandibulo-maxillaire et le montage des modèles sur articulateur (Fig.11).
Le montage des dents prothétiques sur cire est effectué, la prise en charge des mouvements de propulsion et de diduction par les éléments de PF est vérifiée sur articulateur.
Le montage étant vérifié cliniquement du point de vue fonctionnel et esthétique, la polymérisation est alors réalisée.
La mise en bouche de la prothèse composite :
Les éléments de la prothèse composite sont essayés simultanément et la qualité de leur adaptation est appréciée. L’occlusion et l’esthétique sont à nouveau validées et le scellement des PF est entrepris.
Le scellement est guidé par la mise en place de la PAP. L’intrados de la PAP est vaseliné, le ciment de scellement est préparé, mis dans l’intrados des éléments de PF qui sont alors disposés sur leurs dents piliers.
La PAP est adaptée sur les PF et les surfaces ostéo-muqueuses (Fig.12) puis la mandibule est guidée en relation centrée.
Après la prise du ciment de scellement, la PAP est désinsérée et les excès de ciment de scellement sont éliminés
Les conseils d’hygiène et d’entretien de la prothèse sont dispensés au patient en insistant sur la nécessité d’un contrôle régulier tous les six mois pour vérifier l’occlusion et l’équilibre de la restauration prothétique.
CONCLUSION
La prothèse composite constitue une thérapeutique toujours d’actualité dans le traitement de l’édentement terminal. Néanmoins, les éléments métalliques, notamment les crochets disgracieux, visibles lors du sourire ne sont plus acceptés par les patients de plus en plus exigeants (10).
La prothèse composite intégrant le crochet équipoise est préconisé pour les patients dont le souci esthétique est primordial.
En fait, ce crochet est considéré comme un attachement de semi précision assurant l’esthétique et la rétention.
Il est réalisé sur une canine ou une prémolaire reconstituée par la prothèse fixée et solidarisée à une autre dent bordant un édentement terminal ou encastré.
La réussite de la prothèse composite dépend d’une planification rigoureuse et réfléchie des étapes du traitement et de l’étroite collaboration entre dentiste et prothésiste.
BIBLIOGRAPHIE
1. Doukhan JY, Kleinfinger S, Krief G., Levavasseur, F. Le point sur les crochets. Cah. Prothèse 1988; 64: 48-64.
2. Khan SB, Geerts GA. Aesthetic clasp design for removable partial dentures. A literature review. SADJ. 2005; 60:190-194.
3. Vanzeverren C, Grimonster J. Actualisation du crochet équipoise. Cah. Prothèse 1987; 58: 97-124.
4. Serruya G.Traitement des édentements unilatéraux postérieurs. Réal Clin 1998; 4: 455-463.
5. Borel JC, Schittly J, Exbrayat J. Manuel de prothèse amovible. Masson, 1994.
6. Lejoyeux J. Restauration prothétiques amovibles de l’édentation partielle. Maloine, 1980.
7. Kleinfinger S. Préparation des dents en prothèse adjointe partielle. LQOS, 1982; 25: 329-344.
8. Schittly J. Réalisation des éléments fixés support de prothèse adjointe partielle. Cah Prothèse 2000;110 :77-81.
9. Santoni P, Hoannessian H, Gotusso T. Les fraisages en prothèse composite Comparaison de 3 techniques de laboratoire. Cah.Prothèse 2004 ; 125 : 53- 61.
10. Fajri L, Abdelkoui A, Merzouk N, Abdedine A. Gestion des moyens de rétention au service de l’esthétique en PAPM. Cah. Prothèse 2012; 160 :1.