Pr. Said LOUAHLIA Pr. Saïd LOUAHLIA
Professeur de Médecine Légale Expertise Médicale
- Médecin chef de l’institut médico légal universitaire de Casablanca depuis 1995
- Médecin Directeur de l’hôpital IBN ROCHD de Casablanca depuis 1996
- Diplôme de spécialité en médecine légale de la faculté de médecine de Paris V
- Diplôme de spécialité en Anatomie Pathologique humaine da la faculté de médecine
   de Paris VI
- Président de la société marocaine de médecine légale et de criminologie

 

Le Courrier du Dentiste : Pouvez-vous nous définir brièvement le certificat médical ?
Pr. S. Louahlia : Le certificat médical n'est pas une simple formalité matérielle de l'exercice de la médecine, c'est un acte grave de l'activité médicale, particulièrement en matière de dommage corporel. Il dépasse le colloque singulier. Ses conséquences intéressent des tiers, mettant en cause leur responsabilité civile et pénale. 

 

Dans ce domaine, un médecin généraliste rédige chaque jour en moyenne des dizaines de certificats médicaux quelle qu'en soit la nature. Le praticien qui s'installe doit trop souvent faire son apprentissage tout seul, car les aspects pratiques, les pièges des certificats médicaux ne sont qu'effleurés au cours de l'enseignement aux facultés de médecine et de médecine dentaire.

Or, le certificat médical engage la responsabilité du signataire et la connaissance des règles générales de rédaction, devient primordiale.

LCDD : Que prévoie la législation marocaine vis-à-vis des certificats médicaux?
Pr S. L. : On peut énumérer 4 articles: (B.O N°4662 du 04 Février 1999):
Art 3 - Tout médecin dentiste doit s'abstenir, même en dehors de l'exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci.
Art 4 -  Le secret professionnel s'impose à tout médecin dentiste sauf dérogation prévue par la législation en vigueur.
Art 9 – Il est interdit à un médecin dentiste d'établir un rapport tendancieux ou de délivrer un certificat de complaisance.
Art. 23 – L’exercice de la médecine dentaire comporte normalement l’établissement, par le médecin dentiste, conformément aux constatations qu’il est en mesure de faire dans l’exercice de son art, des certificats, des attestations ou documents dont la production est prescrite par la réglementation en vigueur.

Tout certificat, attestation ou document délivré par le médecin dentiste doit comporter sa signature manuscrite.
L’utilisation d’une griffe ou tout autre procédé est interdite.
Dans le code pénal Marocain :
A- 248 C.P. Alinéa 4 :
"Etant médecin, chirurgien, dentiste, sage-femme certifier faussement ou dissimuler l’existence de maladies ou infirmité ou un état de grossesse ou fournir des indications mensongères sur l’origine d’une maladie ou infirmité ou la cause d’un décès  ".
Puni : Emprisonnement 2 à 5 ans,  amende de 250 à 5.000 DH
 
 CE QU'IL FAUT SAVOIR
Le certificat médical est un sésame universel : Défini comme étant " Une attestation par écrit de ce qu'une personne sait, a vu ou entendu" .  Trois principes doivent être respectés:
- Un certificat médical doit être délivré à la demande de l'intéressé.     
- Un certificat médical ne doit être délivré qu'à l'intéressé lui-même car seul le malade peut disposer de son secret.     
- Un certificat médical engage la responsabilité du médecin en cas de rédaction de faux certificats.
 
LCDD : Comment rédiger correctement un certificat médical ?
Pr. S. L. :
Un certificat médical doit être rédigé clairement, lisiblement, car n'oublions pas que les certificats médicaux sont lus par des non-médecins, juristes ou assureurs...
Ils sont rédigés sur papier libre à en-tête du médecin dentiste. La bonne rédaction obéit à certains impératifs.
Le certificat doit comporter : 2 identités, une signature et une date sous peine de nullité.
 
L'identité du médecin dentiste :
Art 12 du code de déontologie : les seules indications que le médecin dentiste est autorisé à mentionner sur ses feuilles d'ordonnance sont :
1°) Celles qui facilitent ses relations avec ses clients, c'est à dire : nom, prénom, adresse, numéro de téléphone, jours et heures de consultation.
2°) La spécialité qui lui aura été reconnue et qui aura fait l'objet d'une publication au Bulletin Officiel.
3°) Les titres reconnus valables par le Conseil National de l'Ordre.
 
L'identité de l'intéressé(e) :
Le nom, prénom, date de naissance, domicile. La demande de la carte d'identité n'est pas obligatoire, en cas de doute sur l'identité de la victime, il faut user de la formule :
"La victime qui m'a dit ou déclare se nommer...…..et habite.
 
La date et la signature :
Un certificat non signé est nul est non avenu. Tout certificat doit être daté et non antidaté ou postdaté !. La date doit être lisible.

LCDD :
Quelles sont les formules usuelles du certificat médical ?
Pr. S. L. :
Je soussigné, constate ... Il s'agit d'un certificat médical où l'intervention du médecin est obligatoire, Le principe : "PAS D'EXAMEN, PAS DE CERTIFICAT " doit être présent à l'esprit à tout moment. On ne peut concevoir un certificat médical délivré sans la présence effective de la victime devant le médecin, de peur d'établir des certificats à des morts enterrés !

Le médecin dentiste constate ce qu'il voit de la même manière et non ce qui lui est rapporté.  Quand on constate des signes médicaux, ceux-ci doivent être énumérés. On constate : une carie, une mobilité de dents... Cependant on ne constate pas un traumatisme alvéolo-dentaire mais son résultat. Éviter de dire : on constate la présence de… ou l'absence de… De même, il est déconseillé les formules telles que : contusions multiples !! (préciser le nombre et le siège), gros abcès, très importantes caries qui n'ont de valeur que si leurs dimensions sont mesurées et décrites.
 
Je soussigné, atteste… J'atteste donc je témoigne : Rares sont les cas dans lesquels le médecin dentiste assiste de "visu" à l'accident ou à l'agression, il n'est jamais sur le lieu pour l'attester.

Une attestation est donc un témoignage de ce que l'on a vu ou entendu de la bouche de la victime, et non pas ce qui nous est rapporté.
"J'atteste avoir donné mes soins à X. Victime d'un accident…". Tout ce qui concerne la surveillance de dentition en milieu scolaire  peut faire l'objet d'attestation, de même que les certificats de vaccination, des certificats d'absence et de reprise scolaire.
*
Je soussigné, déclare… Déclarer, c'est porter à la connaissance de tous, un fait qui intéresse la société ou l'individu dans ses rapports avec celle-ci. On déclare la guerre ou la paix… mais on ne déclare jamais une cellulite supurée. La déclaration n'est donc à utiliser que dans des cas très précis : déclaration de naissance, de décès, de maladies contagieuses, maladies professionnelles, maladies vénériennes… Je soussigné, certifie… Certifier, c'est faire certain, affirmer qu'une chose est vraie, le mot «certain» fait partie intégrante du terme certificat, c'est donc de cette certitude que va découler toute la relation de cause à effet et la réparation du dommage corporel.
 
Je soussigné, certifie avoir examiné X qui déclare avoir été victime… (exemple) pour affirmer la véracité de cette pathologie, encore faut-il savoir et connaître parfaitement cet état, donc c'est toute la formation médicale du prescripteur qui est interpellée. On ne peut rendre certain que ce que l'on maîtrise.
 
 LES COUPS ET BLESSURES VOLONTAIRES :
( durée limite 20 jours.)
A - ITT inférieure à 20 jours :
Art.400 :………..puni d’emprisonnement 1 mois à 1 an et une amende de 120 à 500 Dhs ou l’une de ces 2 peines.
B - ITT supérieure à 20 jours :
Art.401 : ....emprisonnement d’1 à 3 ans, amende 120 à 1000 DH
Art. 403 : ………….coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, peine de 10 à 20 ans.
Si préméditation ou guet apen ou arme : réclusion à perpétuité.

LES COUPS ET BLESSURES INVOLONTAIRES :
La durée limite de l’ITT est de 6 jours:
A - Incapacité supérieure à 6 jours :
La peine n’excède pas 2 ans.
Art. 433 : maladresse, imprudence, inattention, négligence, ou inobservation des règlements, cause involontairement des blessures, coups ou maladies entraînant une ITT > 6 jours et puni de 1 mois à 2 ans : amende 120 à 500 DH. ou l’une des peines.
B - Incapacité inférieure ou égale à 6 jours : La peine n’excède pas 15 jours.
Art. 608 : " sont punis de détention d’1 à 15 jours et amende 12 à 120 DH ou l’une des 2 peines quiconque, par maladresse, imprudence... cause involontairement des blessures ou maladies " ==> ITT< 6 jours. ( contravention 1° catégorie).
LCDD : Que doit-on trouver dans un certificat médical ?
Pr. S. L. :  a - Ce qui est allégué par le patient (les doléances) : C'est le récit de ce qui lui est arrivé, les symptômes qu'il dit éprouver ou avoir éprouvé. Le médecin dentiste les transcrit "le malade déclare avoir… il ressentirait des douleurs…" En principe, le malade reste responsable de ses allégations. Cependant le médecin dentiste doit se garder de transcrire toutes les doléances, lesquelles sont sans aucun rapport avec l'état actuel notamment celles, se rapportant à la vie intime du patient.
b - Ce qui est constaté (à l'examen) par le médecin : rappelons toujours : pas d'examen pas de certificat. Les signes cliniques, les examens complémentaires demandés ou leurs résultats donnent un caractère objectif qui engage les responsabilités du médecin dentiste.
 
- Il est nécessaire d'abandonner les mots inutiles, les pléonasmes, cicatrice de la joue serait plus suffisante qu’ «une cicatrice au niveau de la joue» Il est utile de préciser en revanche de quel côté siège la lésion, cela éviterait les contestations futures.
- Inutile de donner une description très détaillée de telle ou telle lésion ou cicatrice, un certificat n'est pas un rapport d'expertise.
- Les formules répétitives sont à éviter  ne dites pas au début de chaque phrase "à l'examen on constate" mettez cela en facteur commun, suivi de 2 points, puis allant à la ligne mettez 1), 2)… pour énumérer vos constatations.
- Les signes négatifs ne doivent pas être oubliés dans le cadre des traumatismes maxillo-faciaux. Il est important de préciser s'il y a ou non une fracture intracondylienne, fracture de la branche horizontale de la mandibule ou une luxation.
- L'état antérieur mérite d'être soigneusement précisé pour éviter ultérieurement des erreurs graves d'imputabilité. La survenue des traumatismes sur un même secteur est possible, elle doit être prise en considération. Il est par contre important de mentionner les cicatrices, déformations, avulsions ou séquelles de lésions antérieures à l'accident actuel.
-  Les soins immédiats effectués doivent être indiqués (suture, immobilisation, intervention…)
- Enfin, les conséquences médico-légales seront énoncées : beaucoup de certificats se réduisent d'ailleurs à ce point comme d’ailleurs la plus grande rigueur doit être observée pour  évaluer les conséquences de l'examen médical que cela soit la nécessité d'une incapacité temporaire totale.

LCDD :
  A qui le médecin dentiste peut remettre le certificat médical et en combien d’exemplaires ?
Pr. S. L. : Le certificat est remis en mains propres au demandeur. Il ne doit jamais être délivré à un conjoint ou à un parent (sauf exceptions : certificats de naissance, décès, d'internement, d'hospitalisation) ou lorsqu'il s'agit d'un mineur. Dans ce cas précis le certificat peut être remis aux tuteurs légaux.
 
Pour le nombre d’exemplaires, cela dépend du type de certificat demandé. Il est conseillé que le médecin dentiste garde un double du certificat et de le conserver en cas de réclamation quelque temps après la rédaction initiale. Cette précaution est indispensable en milieu hospitalier où les certificats sont rédigés par des internes qui changent de service. Il est sage de conseiller à la victime de faire faire des photocopies conformes pour répondre à la demande de tous ceux qui le lui réclameront.

LCDD : Est ce que le médecin dentiste est obligé de donner un certificat médical ?
Pr. S. L. : Le médecin en général est libre de refuser des soins ou rédiger un certificat sauf dans deux situations :
- en cas d'urgence, le certificat délivré, aussi bien en matière pénale que civile, à une victime ayant subi un dommage corporel, entre indiscutablement dans le cadre des obligations légales.
-  en cas de réquisition, "tout médecin est tenu de déférer aux  réquisitions de l'autorité publique".

LCDD :
Quelles est la ou les terminologies usuelles que l’on peut rencontrer dans un certificat ?
Mr S. L. :
ITT (incapacité temporaire totale) : La durée de l'ITT conditionne à la fois le tribunal compétent et l'importance de la peine dont l'auteur est passible.
Le Code pénal fait la distinction entre les coups et blessures volontaires et involontaires. La peine encourue par l’auteur des coups et blessures est déterminée suivant la durée de l’ITT fixée par le certificat médical initial.
Le médecin doit tenir compte de ses dispositions pénales pour évaluer la durée de l'ITT. Il doit rester dans un état d'indépendance absolue, sans complaisance ni bienveillance en faveur du blessé.

LCDD :
Le mot de la fin ?
Mr S. L. : Le certificat médical doit être l'expression de la plus stricte vérité, il engage la responsabilité pénale, civile et professionnelle du médecin. La délivrance d'un certificat de complaisance constitue une faute grave. Un certificat inexact ou falsifié est puni par le code pénal.

Propos recueillis par Redouane MOUDEN

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