J. KISSA*, E LAKEHAL*, A. BENALLOUANE**, E. LHASSAR**, C. NEJJARI**, S.TAHIRI MECHAKRA**
* Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca
** Faculté de Médecine et de Pharmacie de Casablanca


RÉSUMÉ
Cette enquête a été réalisée pour évaluer l'enseignement de parodontologie à la Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca.
Elle est intéressante car elle a pu mettre en évidence le sentiment des étudiants vis-à-vis de cette discipline. D'après les résultats obtenus, on peut noter que globalement les étudiants restent sur leur faim aussi bien au niveau théorique que pratique. Ceux-ci voudraient faire plus de clinique, mais n'en pensent pas moins que la parodontologie est une discipline importante dans leur exercice quotidien.


Cette enquête met aussi en évidence certaines carences que ce soit au niveau pédagogique ou bien liées à des structures d'accueil vétustes et surtout insuffisantes pour répondre aux besoins des étudiants.

Mots-clés : Enquête, Enseignement, Étudiants, Parodontologie.

Les maladies parodontales constituent le 3ème fléau mondial selon l'OMS, et de ce fait elles sont devenues un problème de santé public.
Devant la fréquence accrue des parodontites dans notre pays, devant aussi la place prépondérante qu'occupe dorénavant la parodontologie dans la prise en charge des patients, il était impératif de réaliser une enquête auprès des étudiants pour une évaluation qualitative et quantitative de l'enseignement d'une part, et d'avoir une idée sur l'importance accordée à la parodontologie en tant qu'unité d'enseignement pour les étudiants en fin de cycle (4ème et 5ème année) d'autres parts.

MATÉRIEL ET MÉTHODES
La population étudiée est constituée de 65 étudiants en fin de 5ème année ayant reçu la totalité du programme de parodontologie enseigné à la faculté de médecine dentaire de Casablanca tout au long de leur cursus universitaire et ce, jusqu'aux limites de l'année universitaire 1996-1997.
Vu la faible taille de notre population, nous avons décidé de mener une étude exhaustive sans avoir recours à un échantillonnage. Le questionnaire a été rempli personnellement par l'étudiant en présence de l'enquêteur.

Nous avons reformulé le même questionnaire qui a déjà été utilisé lors d'une enquête similaire réalisée en France par l'équipe de la Faculté de Montrouge (Paris V) (Saffar et Coll, 1984) (1). L'intérêt pour nous résidait dans la possibilité de pouvoir comparer nos résultats avec ceux obtenus par cette dernière étude.

Ce questionnaire comprenait :
- Une première partie pour l'identification du questionnaire,
- Une deuxième partie consacrée à l'étudiant et comprenant 8 questions à choix unique (fermée) ou multiple (ouverte).

Fig. 1 : Répartition des étudiants selon leurs perceptions de l'enseignement magistralRÉSULTATS
- 4 étudiants sur 65 n'ont pas répondu, ce qui représente un taux de 6,66% ,
- Un étudiant n'ayant pas pu suivre entièrement sa cinquième année vu sa situation socio-économique n'a pas été inclus dans notre échantillon.

L'enseignement magistral :
Globalement, l'enseignement est jugé suffisant (50% des étudiants le pensent), par contre il est mal fait d'après 85%, et plutôt répétitif pour 65% (Fig. 1). L'enseignement dirigé Concernant l'enseignement dirigé, les résultats sont plutôt satisfaisants puisque 60% le trouvent intéressant, 73,3% utile (Fig. 2).

L'importance des notions fondamentales :
Pour ce qui est des notions fondamentales, les résultats sont mitigés puisque 55% trouvent que ces notions sont suffisantes mais 45% demeurent insatisfaits (Fig. 3).

La perception des notions cliniques :
Les notions cliniques sont considérées par la majorité des étudiants (66%) comme insuffisantes et peu claires (56,7%) (Fig. 4).

L'activité clinique dans le centre de soins :
L'activité clinique est jugée très insuffisante par les étudiants (81,7%), et incorrecte pour (60%) (Fig. 5).
Par ailleurs, un peu plus de la moitié des étudiants (53%) sont totalement insatisfaits alors que seulement 36,7% manifestent certaines insatisfactions (Fig. 6).

Fig. 2 : Répartition des étudiants selon leurs perceptions de l'enseignement dirigé Fig. 3 : Répartition des étudiants selon leurs perceptions et leurs niveaux de satisfaction des notions fondamentales enseignées
Fig. 4 : Répartition des étudiants, selon leurs perceptions des notions cliniques enseignées Fig. 5 : Répartition des étudiants selon leurs perceptions de l'activité clinique
Fig. 6 : Répartition des étudiants selon leurs niveaux de satisfaction de l'activité clinique  


L'enseignement est-il suffisant pour pratiquer plus tard la parodontie :
Les étudiants pensant que l'activité clinique réalisée est plutôt suffisante pour exercer la parodontie plus tard sont moins nombreux puisqu'ils représentent 39,3%. Parmi les étudiants satisfaits de l'activité clinique, 23 sur 24 étudiants (95,8%) pensent pouvoir exercer plus tard la parodontie.
60.7% des étudiants pensent que l'activité clinique est insuffisante. Parmi ces étudiants, 26 sur 36 (72,2%) pensent quand même exercer la parodontie plus tard (Tableau 1).

Tableau 1 : Relation entre la perception de l'activité clinique et l'aptitude à exercer plus tard la parodontie

Le désir de pratiquer plus tard la parodontie :

Malgré une certaine insatisfaction de l'enseignement reçu, la majorité des étudiants soit 81,7% pensent pouvoir exercer la parodontie plus tard.
Parmi ce taux :
- 95,9% feront la préparation initiale,
- 36,7% feront la chirurgie mucogingivale,
- 81,7% trouvent que l'exercice de la parodontie est important dans l'activité professionnelle,
- 33,3% pensent que la parodontie est une affaire de spécialiste (Fig 7, 8 et 9).

Fig. 7 : Répartition des étudiants selon leurs aptitudes à exercer dans le futur la parodontie et la nature des actes qui seront exercés Fig. 8 : Répartition des étudiants selon leurs perceptions de J'exercice de la parodontie dans l'activité professionnelle
Fig 9 : Répartition des étudiants selon leurs opinions concernant l'exercice de la parodontie par le spécialiste ou l'omnipraticien  


L'attitude vis à vis de la parodontie :
49 étudiants estiment être satisfaits de l'enseignement dispensé, et parmi eux 44 étudiants soit un taux de 89,8% pensent que la parodontie est importante dans l'exercice professionnel. 11 étudiants (22,45%) demeurent insatisfaits de l'enseignement, et 5 d'entre eux (45,5%) pensent quand même que l'exercice de la parodontie est important dans l'exercice professionnel (Tableau 2).

Tableau 2 : Relation entre le niveau de satisfaction de l'enseignement dispensé et perception de l'importance de la parodontie

DISCUSSION

L'enseignement est de toute évidence mai perçu par les étudiants et généralement beaucoup le boycottent d'autant plus que la présence n'est pas obligatoire.
Dans l'esprit des étudiants, le cours magistral doit être complet, dans le sens où il doit comporter tous les aspects que peut traiter le sujet en question.

Ils voudraient aussi voir se dégager du cours le côté pratique ou clinique car au fond, c'est ce qui les intéresse. Cette espèce de frustration est d'autant plus grande pour les étudiants qui se contentent uniquement du cours et qui ne consultent pas d'autres ouvrages pour un complément de connaissance.
En réalité, les cours comportant une iconographie riche (diapositives) sont toujours mieux appréciés et mieux considérés.
Si l'enseignement dirigé a plus de succès auprès des étudiants, c'est que celui-ci est axé précisément sur ce qui va se faire en clinique donc en rapport direct avec leur préoccupation c.à.d le travail clinique.

Les résultats concernant la perception de l'enseignement clinique confirment la tendance des étudiants à vouloir s'intéresser en premier lieu à la clinique. La frustration est de règle à ce niveau là.
Les étudiants ont une heure et demie tous les 15 jours ; on peut estimer à 30 mn le travail clinique effectif. De plus, l'encadrement n'est pas souvent homogène et le système d'évaluation est non fiable à notre sens. Il nous semble que ces insuffisances sont à l'origine de l'insatisfaction des étudiants.
Ces derniers voudraient voir plus de patients et rester avec eux plus longtemps, ce qui malheureusement, n'est pas possible vu les structures d'accueil.
Les étudiants déplorent le fait de ne pas pouvoir voir, ni faire les actes chirurgicaux de parodontologie.

Ils ont l'impression de faire toujours la même chose, ce qui leur fait déprécier la discipline.
Il est intéressant de noter que les étudiants de Paris V (Saffar et coll, 1984) (1), ont a peu près le même sentiment en comparaison avec les nôtres.
Si les étudiants ont le sentiment que l'enseignement globalement reçu en parodontologie est insuffisant, ils n'en pensent pas moins que la pratique parodontale dans leur exercice quotidien est nécessaire.

 

D'autre part si la parodontologie est considérée comme une discipline importante, et la thérapeutique initiale est fondamentale, cette dernière peut être réalisée par tous les praticiens. Il en est de même pour certaines chirurgies parodontales quoique plusieurs les considèrent comme l'affaire du spécialiste.
On sait que la population marocaine évolue rapidement et présente un fort pourcentage de jeunes.
Une double enquête très intéressante à l'échelle nationale concernant l'évaluation de la santé bucco-dentaire a été réalisée en 1991 et tout récemment en 1999.

Dans cette enquête (Belhadj 1991) (2) et au vu des résultats obtenus on constate que l'état parodontal s'est sensiblement dégradé :
- La prévalence de tartre est de 52,50% en milieu urbain et de 57,9% au milieu rural,
- Les besoins en traitements parodontaux chez l'enfant sont de 52,5% et chez l'adulte de 83, 1 %.

Bien que beaucoup d'actions aussi bien sur le plan préventif que curatif aient été menées depuis 8 ans, l'état parodontal s'est paradoxalement plus dégradé (Belhaj, 1999) (3) (Tableau 3).

Tableau 3 : Comparatif des indicateurs parodontaux de 1991 et 1999, Maroc

Dans le cas du Maroc, cette détérioration est liée à de nombreux facteurs :
- Des attitudes et pratiques nocives pour la santé bucco-dentaire,
- La santé dentaire n'est pas perçue comme une priorité par la population,
- Le coût relativement élevé des produits d'hygiène dentaire pour certaines tranches de la population, - Une inaccessibilité aux soins dentaires pour la très grande majorité de la population,
- L'inexistence en milieu rural de structures de prise en charge de la population tant publiques que privées,
- L'absence de couverture sociale de la très grande majorité des familles.

Face à cette réalité et d'après le rapport d'un comité d'expert de l'OMS (1990) (4) dans les pays en développement comme le Maroc, une campagne de prévention à grande échelle doit être menée nécessairement. De même que la formation du médecin dentiste de demain doit tenir compte des besoins de la population, et l'enseignement doit s'accorder avec les réalités sociales et économiques du pays.

L'analyse de ces résultats montre tout de même que les objectifs de l'enseignement sont globalement atteints à savoir :
- Situer l'importance de la parodontologie,
- Montrer l'importance de la thérapeutique initiale,
- Amener l'étudiant à réaliser dans les meilleures conditions possibles cette dernière.

Beaucoup d’étudiants désirants faire plus d'actes de parodontie, n'hésitent pas à faire des études de 3ème cycle pressentant ainsi l'importance de cette discipline. Nos résultats ici corroborent avec ceux obtenus à Paris V (Saffar et coll, 1984) (1).
Cependant, des améliorations au niveau des structures d'accueil ainsi qu'une augmentation du nombre de formateurs répondant aux besoins des étudiants sont souhaitables.

BIBLIOGRAPHIE

1 - SAFFAR J. L, BIGOT C., DANAN M., DETIENVILLE R., DARGENT P.
Enquête sur la perception de l'enseignement de la parodontologie par les étudiants de la 5ème année. J. Parodontol 1984, n°3, 3 11-3 17
2 - BELHAJ M. J. Enquête nationale en santé bucco-dentaire de 199 1 - Ministère de la santé. Bulletin épidémiologique, 1991,994 n°13
3 - BELHAJ M.J. Enquête nationale en santé bucco-dentaire de 1999- Ministère de la santé. Le Courrier du Dentiste, Février 2000
4 - OMS. Les impératifs de l'enseignement en santé bucco-dentaire : Progresser ou régresser. Série de rapports techniques 794, Genève 1990

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