R. ZEROUAL, K. KAOUN, C. CISSE, S. BELLAMKHANNETTE
Service de Prothèse Adjointe
CHU Ibn Rochd – Casablanca
Université Hassan II

 

RÉSUMÉ

Les extrados contribuent à la stabilité prothétique par leurs reliefs qui assurent l'équilibre de la prothèse entre les pressions musculaires antagonistes.
Le modelage fonctionnel de l'espace prothétique par la méthode piézographique permet la confection de prothèses adjointes totales avec des extrados adaptés à la fonction des organes paraprothétiques.

Mots clés : Langue, Sangle buccinato-labiale, Crêtes négatives, Piézographie.

La piézographie en médecine générale est une technique d'exploitation du système cardio-vasculaire.
P. KLEIN (3) est le premier à avoir apporté ce terme au domaine odontologique. Selon cet auteur, la piézographie est le résultat du modelage d'un matériau plastique par la dynamique des organes limitant un espace virtuel ou réel, où le matériau est introduit.
 Autrement dit, la piézographie est une sculpture par des forces musculaires qui compriment ou étreignent des masses musculaires agissant comme les mains d’un sculpteur...
Une piezographie est la reproduction en trois dimensions de l'espace prothétique de l'édenté total (A. NABID) (8).

 

INDICATIONS DE LA PIEZOGRAPHIE

Seules les techniques piézographiques sont capables de résoudre certains problèmes qui défient le praticien en prothèse adjointe totale. En l'occurrence (7) :
- Les édentations totales bimaxillaires ou unimaxillaires, avec résorption osseuse importante, aboutissant à des crêtes faibles, plates, ou même négatives (Fig. 1, 2),
- Les édentations totales bimaxillaires chez les patients restés longtemps sans appareillage, et ayant acquis de nouvelles habitudes, et de nouvelles positions des muscles qui, avec l'ancienneté de l'édentation, ne peuvent être restaurées par les méthodes classiques,
- Les édentations totales bimaxillaires, chez les patients atteints de paralysie faciale, ou présentant des asymétries bucco-faciales. Dans ces cas, il faut chercher un équilibre de la prothèse entre les muscles toniques contractiles et d'autres paralysés non contractiles.

 

 

Fig.1 :  Aspect radiographique de la crête résorbée (C.C.T.D)

Fig.2 : Aspects cliniques de la crête mandibulaire (C.C.T.D)

 

 

LES OBJECTIFS DE LA PIEZOGRAPHIE

L’intérêt de l’utilisation des techniques piézographiques en prothèse adjointe est considérable. Puisque la stabilité et l’intégration de la prothèse sont obtenues grâce à des enregistrements de l’espace prothétique, ces enregistrements guident toute la construction prothétique (12) :
- Détermination du volume de la prothèse dans les 3 plans de l'espace,
- Détermination de la dimension verticale d'occlusion,
- Détermination d'une relation maxillo-mandibulaire horizontale.
- Montage des dents qui va se faire, à l'intérieur du volume enregistré.

 

TECHNIQUE

La base piézographique :

Comme la piézographie se fait en plusieurs temps, il est nécessaire de réunir les enregistrements par une base qui doit être réduite au strict minimum afin de ne pas interférer avec le jeu des organes paraprothétiques (10).
Cette base peut être un fil préformé selon la configuration de l'arcade, épousant la crête et s'arrêtant à 10 mm des trigones rétromolaires      (Fig. 3).
Quand une base en résine est utilisée, elle doit satisfaire en bouche les tests de HERBST (in 6), les tests phonétiques de DEVIN (in 6) et le patient doit pouvoir parler avec aisance sans que la base ne quitte son siège.

 

Fig.3 : Fil métallique de 1,5 mm de diamètre épousant la crête et s'arrêtant à 10 mm des trigones rétromolaires (C.C.T.D) Fig .4 : Le fil est enrobé d'un thiocol de moyenne viscosité (C.C.T.D)

 

 

Le matériau :

Le matériau idéal doit répondre aux critères prérequis de stabilité et de fidélité. Il doit, en outre, présenter un temps de plasticité suffisamment lent pour permettre les diverses manipulations (2). On préconise les résines retard ou bien un thiocol dense (Fig. 4).

 

Les phonèmes utilisés :

Les phonèmes choisis pour le modelage doivent à la fois solliciter l'activité des deux pôles musculaires antagonistes, la langue et la sangle buccinato-labiales (Fig. 5 et 6) (1).

Ainsi, l'activation du modelage en phonation sera comme suit (Fig. 7) :

1- Pour la région buccinatrice, les phonèmes "SIS" répétés six fois et "SO" une fois,
2 - Pour la région antérieure de la mandibule et du maxillaire :
- L'action centrifuge de la langue est obtenue par l'émission du "TE" et "DE",
- L'action centripète provient des lèvres au moment de l'émission du "SE", "ME" et "PE".

 

 

Fig. 5 : Prononciations du phonème -SIS- (CCTD) Fig. 6 : Prononciations du phonème -SO- (CCTD)

 

 

Technique piézographique proprement dite :

La préempreinte :
Le fil déjà adapté et préformé selon la configuration de l'arcade est enrobé de matériau. Il est placé en bouche et le patient est invité à s'animer pendant une dizaine de minutes, selon la séquence citée ci-dessus. L’empreinte obtenue après ce premier enregistrement est appelée préempreinte (Fig. 8).

 

Fig. 7 : Les phonèmes modelants selon les régions (d'après SAMOIAN) (11) Fig. 8 : Préempreinte obtenue après le premier enregistrement (C.C.T.D)

 

Remarginage de la préempreinte :
La préempreinte ainsi obtenue est remarginée avec le même matériau et introduite en bouche, et le patient est prié de reprendre la même séquence d'exercices phonatoires de la même manière qu'il en a été informé au préalable (Fig. 9).
Cette opération sera répétée autant de fois qu'il est jugé nécessaire. Enfin, on procédera à un rajout de matériau jusqu'à atteindre le volume prothétique escompté.

Rebasage :

Quand le volume prothétique est jugé satisfaisant, l'empreinte est récupérée pour être rebasée à l'aide d'un thiocol de faible viscosité (Fig. 10).

 

 

Fig. 9 : Préempreinte remarginée avec le même matériau (C.C.T.D) Fig. 10 :  Empreinte finale après rebasage (C.C.T.D)

 

 

Réalisation des clefs de la piézographie :
L'empreinte ainsi rebasée est coffrée, et coulée avec un plâtre pierre.
Avant de démouler l'empreinte, deux clefs vestibulaire et linguale sont confectionnées en plâtre ou bien en silicone renforcé par un fil métallique.   Les faces supérieures de ces clefs doivent être alignées sur le plan occlusal représenté par la face supérieure de la piézographie (9) (Fig. 11).

Le montage des dents en piézographie :
Lors du montage des dents artificielles, celles-ci seront positionnées dans l'espace délimité par les clefs et seront en rapport avec ces dernières par leurs faces vestibulaires et linguales (Fig. 12).
Les bords incisifs et les pointes cuspidiennes doivent être alignées sur le plan d'occlusion déterminé par la piézographie. Une remise en place périodique des clefs sera alors nécessaire pour contrôler le respect des positions des dents (5).

 

 

 Fig. 11 :  Coffrage de l'empreinte et réalisation des clefs piezographiques (C.C.T.D) Fig. 12 :  Le montage piezographique (C.C.T.D)

 

 

CONCLUSION

La prothèse issue de la piézographie s'intègre parfaitement au contexte physiologique de l'édenté total. Elle occupe exactement l'espace prothétique disponible ce qui assure son acceptation ainsi que sa pérennité. Elle s’oppose au traitement par la méthode classique qui aboutit à une prothèse n’occupant pas exactement l’espace phonétique; par conséquent, elle sera considérée comme un élément étranger par la musculature paraprothétique qui l’expulsera à chaque sollicitation.

Enfin, si le concept et la technique sont bien compris, la piézographie devient une nécessité au sein du cycle de la construction prothétique de l’édenté total, en particulier le gériatrique.

 

BIBLIOGRAPHIE

1 - BURLI V., TEODRESCHU H.N., MORARASU C.S.
La fonction phonétique chez l'édenté total: analyse en fréquence.
Cah. Proth., 1994, n° 88, pp : 63-68.
2 - JARDEL V., RICHARD A., HIRIGOYEN M.
- Les empreintes piézographiques : Evolution dans le choix des matériaux.
Cah. Proth., 1992, n° 79, pp : 27-35.
3 - KLEIN P.
- Les apports de la piézographie à la prothèse adjointe mandibulaire.
Thèse, 3ème cycle, Sciences Odontologiques, Paris, 1970, n° 17.
4 - KLEIN P.
- La piézographie. Rev. Odonto Stomatol., 1976, Tome V, pp: 345-349.
5- KLEIN P.
- Comment résoudre d'une façon rationnelle la reconstitution esthétique d'un édenté total. Rev. Odonto. Stomatol., 1997, Tome II, n° 6, pp: 515-531.
6 - KLEIN P.
Quelques definitions pour mieux comprendre la piézographie
Inf. Dent. 1989, n° 29, pp : 2519-2523.
7- LAVEAU A.
Espace prothétique mandibulaire en prothèse adjointe totale et piézographie. Inf. Dent. N°30, pp : 2875-2885
8 - NABID A.
- Initiation à la piézographie.
L'incisive, 1983, n° 16, p : 31-44.
9 - NABID A., KLEIN P.
Méthodologie du moulage de l'espace prothétique mandibulaire gérodontologique : Technique phonétique.
Odontologia, 1984, 6, pp : 31-44.
10 - NABID A.
- Modelage fonctionnel des surfaces polies de la prothèse adjointe maxillaire. Rev. Odonto. Stomatol., 1987, Tome XVVI, n° 6, pp : 413-421.
11- SAMOIAN R.
Apport des techniques piezographiques en prothèse adjointe totale. Act. Odonto. Stomatol., 1992, n° 177, pp : 157-177.
12 - SANGIUOLO R.
Les édentations totales bimaxillaires : Formes cliniques, thérapeutiques prothétiques.
Paris, J. Prélat, 1980, pp : 75-78.

  

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