I. BENYAHYA, H. TARAF

Service d'odontologie chirurgicale
Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca
- Maroc
Université Hassan II

 

Décrit la première fois par Lucas en 1929 (1), le kyste osseux traumatique est une lésion pseudokystique radioclaire asymptomatique, le plus souvent découverte lors d'un examen radiologique de routine.
La dénomination de kyste est impropre, car ces lésions ne sont pas bordées d'un revêtement épithélial.

D'autres appellations ont été proposées :
- Kyste osseux solitaire (classification de l'OMS, 1992) (2),
- Cavité osseuse idiopathique (3), - Kyste osseux hémorragique (4).
Le but de ce travail est de présenter un cas de kyste osseux traumatique mandibulaire, ayant évolué vers la guérison 6 mois après le traitement chirurgical. La comparaison aux données de la littérature nous a permis de mettre l'accent sur la particularité du siège de cette lésion.

 

CAS CLINIQUE

La patiente E.D, âgée de 16 ans a été adressée par son orthodontiste, au service d'Odontologie Chirurgicale, suite à la découverte fortuite, sur l'examen radiographique panoramique, d'une image radioclaire située au niveau de la région symphysaire mandibulaire.
L'interrogatoire n'a révélé aucun antécédent particulier. Aucune notion de traumatisme n'a été rapportée.

 

L'examen clinique exobuccal n'a pas mis en évidence de tuméfaction, ni de douleurs à la palpation de la région symphysaire mandibulaire.
L'examen des aires ganglionnaires s'est avéré normal.
L'examen clinique endobuccal n'a pas montré de tuméfaction vestibulaire en regard des incisives mandibulaires. Ces dents ne présentaient pas de signes d'infection endodontique ni parodontale, pas de mobilité ni de déplacement. Leur vitalité était conservée.

 

 

 


A l'examen radiographique panoramique, une image radioclaire uniloculaire bien limitée sans liseré de condensation périphérique occupait la région symphysaire. Elle s'étendait sur la région antérieure de la 33 à la 42. La limite supérieure de la lésion présentait des digitations en regard des apex des incisives et de la canine inférieures (Fig. 1).

 

Une exploration chirurgicale a été décidée afin de pourvoir un diagnostic de certitude. Après une anesthésie locale, un lambeau muco-périosté a été récliné (Fig. 2) et un dégagement osseux réalisé. La lésion se présentait sous forme d'une lacune osseuse non bordée d'une paroi kystique (Fig. 3) et contenant un liquide séro-hématique qui a été ponctionné (Fig. 4).

 

Le curetage des parois osseuses a permis d'induire le saignement et la formation d'un caillot sanguin comblant le défaut osseux. Le lambeau a été remis en place et suturé (Fig. 5). Les éléments de la pièce opératoire ont été adressés pour un examen anatomopathologique. Ce dernier a confirmé la nature de la lésion: Kyste osseux traumatique.

 

Le contrôle postopératoire à une semaine a montré une bonne cicatrisation muqueuse (Fig. 6).
Le suivi radiologie a révélé la réduction du volume de la lésion, et une corticalisation périphérique, signe en faveur d'une bonne cicatrisation osseuse.

 

 

 
 

 

 

DISCUSSION

Le kyste osseux traumatique est une lésion rare survenant lors de la seconde décade de la vie (2,5).
Elle atteint l'homme dans 67% des cas (2).
L'étiologie du kyste osseux traumatique n'est toujours pas établie. Plusieurs théories sont émises (5) :

 

- Origine traumatique: le traumatisme peut jouer un rôle dans certains cas, mais il n'est pas affirmé qu'il représente un facteur étiopathogénique déterminant (3), ce qui est corrélé à notre cas clinique où aucune notion de traumatisme n'a été rapportée,
- Origine tumorale : dégénérescence de tumeurs ou pseudotumeurs osseuses,
- Origine infectieuse, suite à l'évolution d'infections osseuses chroniques,
- Origine vasculaire : obstruction veineuse, hématome intra-osseux,
- Origine métabolique : perturbation locale du métabolisme, ou de la croissance osseuse.

 

Quelle que soit son étiologie, le kyste traumatique est une lésion le plus souvent asymptomatique (4). Sa découverte se fait, comme a été le cas pour ce cas clinique, lors d'un examen radiographique. L'image la plus fréquemment observée est celle d'une image radioclaire homogène bien limitée sans liseré d'ostéocondensation périphérique. Cependant, certains auteurs ont rapporté un cas d'image mixte où la présence d'un matériel radio-opaque peut révéler la présence concomitante d'une dysplasie osseuse (3).

 

Le diagnostic différentiel du kyste traumatique comprend le :
- Kyste radiculo-dentaire,
- Kyste osseux traumatique,
- Granulome central à cellules géantes,
- Fibrome améloblastique.

 

Ces deux dernières entités offrent des similitudes avec le kyste traumatique car elles atteignent également les patients jeunes.
Dans ce cas clinique, nous avons éliminé l'éventualité du kyste radiculo-dentaire, vu que la vitalité pulpaire des dents en regard de la lésion était conservée, et qu'il n'y avait aucune lésion endodontique.

 

Face à cette affection, plusieurs propositions thérapeutiques ont été faites :
- Dans le cas de kyste de petit volume, l'exploration chirurgicale permet la constitution d'un nouveau caillot sanguin qui va amorcer la cicatrisation de la lésion (6).
Cette exploration permet d'orienter le diagnostic du kyste traumatique. La confirmation finale se fait par l'examen histopathologique : La lésion peut présenter ou non un revêtement, quand ce dernier existe, il est constitué par une paroi de tissu conjonctif sans bordure épithéliale. Le contenu peut être absent ou constitué, comme dans ce cas, d'un liquide séreux ou sérohématique (7),
- Dans le cas d'un kyste de gros volume, la régénération spontanée ne peut se faire. Le comblement du défaut osseux par de l'os autogène ou un autre matériau de comblement s'impose (8),
- Quelques auteurs (5) ont proposé l'abstention thérapeutique du fait de la possibilité de la survenue d'une guérison spontanée.

 

Cette attitude ne peut être adoptée du fait du faible nombre de cas rapportés où le kyste traumatique a diminué spontanément de volume. D'autre part, il est nécessaire d'explorer chirurgicalement afin d'effectuer un examen histopathologique. Ceci permet de confirmer le diagnostic, et de ne pas omettre des lésions dont le pronostic est plus sombre tel que le granulome central à cellules géantes ou le fibrome améloblastique.

 

CONCLUSION

Bien que rare, le diagnostic de kyste osseux traumatique doit être évoqué devant une lésion radioclaire asymptomatique, à fortiori si cette dernière siège au niveau mandibulaire, chez un sujet jeune.


L'exploration chirurgicale montre une cavité vide ou bordée d'une paroi conjonctive, et permet le plus souvent la guérison. L'examen histopathologique permet de confirmer le diagnostic et d'éliminer l'éventualité d'autres lésions tumorales.

 

BIBLIOGRAPHIE

1 - Saiato Y. et coll.
Simple bone cyst.A clinical and histopathologic study of fifteen cases.
Oral Surg Oral Med Oral Pathol, 1992 ; 74: 487-91.
2 - Copete MA et coll.
Solitary bone cyst of the jaws. Radiographic review of 44 cases.
Oral Surg Oral Med Oral Pathol, 1998; 85 : 221-5.
3 - Harris Sj et coll.
Idiopathic bone cavity (traumatic bone cyst) with the radiographic appearance of
a fibro-osseous lesion.
Oral Surg Oral Med Oral Pathol, 1992 ; 74:118-23.
4 - Friedrichsen S.W et coll.
Long-term progression of a traumatic bone cyst:A case report.
Oral Surg Oral Med Oral Pathol, 1993 76:421-4.
5 - Sapp J.P et coll.
Self-healing traumatic bone cyst.
Oral Surg Oral Med Oral Pathol, 1990 69: 597-602.
6 - Rosen Dj et coll.
Traumatic bone cyst resembling apical periodontitis.
J.Periodontol 1997 ; 68 :1019-102 1.
7 - Suei Y et coll.
Simple bone cyst. Evaluation of contents with conventional radiography and computed tomography.
Oral Surg Oral Med Oral Pathol, 1994 ; 77: 296-301.
8 - Ludwig A et Merten H-A.
Kystes osseux traumatiques. Pathogenèse, clinique et thérapie des kystes osseux traumatiques.
Rev.mens. suisse 1995 ; 105 (1) :68-70.

 

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