SM. RASAMOELINA* ; MS. RASOAMAHARO* ; MJ. RAKOTONDRANAIVO**; LH. RAJAONARISON NY ONY NARINDRA*; EPG. ANDRIANAH*; JAB. RAZAFINDRABE**; A. AHMAD*.
* Centre d’Imagerie Médicale, CHU Joseph Ravoahangy Andrianavalona, Antananarivo
** CHU de Stomatologie et Chirurgie Maxillo-Faciale Befelatanana


RÉSUMÉ

L’ostéite est un processus inflammatoire du tissu osseux, le plus souvent d’origine infectieuse. L’atteinte de la mandibule est rare notamment dans le cadre d’un traumatisme. Nous rapportons le cas d’une ostéite de la mandibule faisant suite à une fracture négligée chez un enfant de 7 ans traité par des massages traditionnels. Notre objectif est de décrire les mécanismes et les caractéristiques radiologiques de cette pathologie.

MOTS CLÉS : Enfant ; Ostéite ; Scanner ; Traumatisme.

 

INTRODUCTION

Les ostéites sont des affections inflammatoires du tissu osseux. L’ostéite septique implique un agent infectieux, pathogène, tandis qu’une ostéite aseptique est le résultat d’une vascularisation précaire par ischémie. Elles sont rarissimes dans les pays développés avec l’avènement des antibiotiques (1). Plusieurs facteurs peuvent retarder la prise en charge et mener aux diverses complications, notamment la consultation chez les tradipracticiens. L’objectif de ce travail est de décrire les mécanismes et les caractéristiques radiologiques de l’ostéite mandibulaire.


OBSERVATION

Il s’agit d’un enfant âgé de 7 ans venu en consultation dans le service de stomatologie pour une tuméfaction inflammatoire de la région mandibulaire droite, dans un contexte fébrile avec limitation de l’ouverture buccale d’évolution progressive d’environ 7 mois.
Il avait un antécédent de traumatisme facial à la suite d’un accident domestique 07 mois avant son admission. Ses parents l'amenaient chez un tradipraticien qui lui a effectué des cures de massages traditionnels pendant environ 3 à 4 mois, sans aucun soulagement. La joue augmentait progressivement de volume. Après quelques semaines, sous les conseils et l’insistance du voisinage, ses parents avaient décidé de l'emmener chez un médecin libre qui lui aurait prescrit des antibiotiques et des anti-inflammatoires pour quelques jours. Malgré la prise des médicaments, la joue ne faisait que gonfler et le patient se sentait fébrile, ce qui a motivé l’admission en service de chirurgie maxillo-faciale.

 

Reconstruction 3D de la tuméfaction génienne basse droite.

Fig.1 : Reconstruction 3D de la tuméfaction génienne basse droite. 

 

 


L’examen exobuccal montrait une asymétrie faciale par une tuméfaction génienne basse droite (Fig.1) qui était dure à la palpation faisant corps avec la mandibule, associée à une limitation de l’ouverture buccale et à des polyadénopathies cervicales homolatérales.  Par ailleurs, il n’y avait pas de paralysie faciale ni de troubles de la sensibilité labio-mentonnière. La loge parotidienne était libre. L’examen ORL en pré-opératoire était normal.
L’examen endobuccal ne trouvait aucun trouble occlusal ni de l’articulé dentaire, une tuméfaction vestibulaire, en regard de la 45 et 46 et un écoulement purulent à la pression.
L’examen biologique avait montré un syndrome inflammatoire avec hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, une élévation de la CRP et une anémie microcytaire hypochrome à 10 g/L. Le bilan d’hémostase et le bilan rénal étaient revenus normaux.

 

Radiographie panoramique dentaire montrant une fracture de la branche montante de la mandibule droite avec ostéolyse.

Fig.2 : Radiographie panoramique dentaire montrant une fracture de la branche montante de la mandibule droite avec ostéolyse.



L'orthopantomogramme montrait une asymétrie des branches montantes de la mandibule avec aspect fragmenté à droite en rapport avec une fracture verticale et un foyer ostéolytique irrégulier du condyle (Fig.2).
L’échographie des parties molles cervicales confirmait la masse péri-mandibulaire droite hypoéchogène hétérogène, non circonscrite associée à la présence de polyadénopathies cervicales homolatérales.     
Le scanner crânio-facial a confirmé la présence d’une fracture à trait vertical de la branche montante de la mandibule droite avec déplacement latéral du fragment externe et la présence de gaz dans la partie interne de ce fragment (Fig.3). Il existait également une infiltration œdémateuse des parties molles péri-mandibulaires à droite et des signes d'oto-mastoïdites avec comblement des cellules mastoïdiennes, de l’épitympan et l’hypotympan (Fig.4).

 

TDM faciale en reconstruction sagittale (A) et coronale (B) montrant une ostéolyse et une fracture verticale de la branche montante droite de la mandibule.

Fig.3 : TDM faciale en reconstruction sagittale (A) et coronale (B) montrant une ostéolyse et une fracture verticale de la branche montante droite de la mandibule.

 

 

TDM faciale en coupe axiale montrant un comblement des cellules mastoïdiennes droites et de la cavité tympanique droite (oto-mastoïdite droite).

Fig.4 : TDM faciale en coupe axiale montrant un comblement des cellules mastoïdiennes droites et de la cavité tympanique droite (oto-mastoïdite droite).

 


L’enfant a bénéficié d’une prise en charge médicale à type d’antibiothérapie probabiliste à base d’oxacilline et de métronidazole puis adaptée selon le résultat de l’examen bactériologique par Thiamphénicol 1500 mg/j pour une durée totale de 21 jours. La chirurgie consistait en une fistuléctomie avec séquestréctomie mandibulaire droite, emportant le condyle. Une mécanothérapie a été indiquée afin d’obtenir une ouverture buccale acceptable.


Le suivi a été périodique, pluriquotidienne en milieu hospitalier, à une semaine après sortie puis mensuel. L’évolution clinique a été favorable avec régression de la tuméfaction mandibulaire avec un recul de 4 mois malgré une limitation de l’ouverture buccale à 2 cm.  Un trouble de la croissance mandibulaire est à craindre à long terme.


DISCUSSION

L’ostéite de la mandibule est rare dans les pays développés depuis le progrès de l’hygiène buccodentaire, l’accès aux soins et l’avènement des antibiotiques (1). Notre patient était très jeune comparativement à la série d’Oadm O. et coll. (1) en 2020 à Côte d’Ivoire, qui rapporte des âges entre 7 et 71 ans avec une moyenne de 28 ans et au cas adulte de 38 ans rapporté par Bengondo (2). L’atteinte du sujet jeune pourrait être liée aux habitudes des trois premières décennies de la vie incluant les deux grandes périodes de la dentition mais aussi aux habitudes alimentaires délétères pour l’hygiène bucco-dentaire exposant aux infections buccodentaires chez les enfants.
Des études montrent une prédominance masculine des atteintes.

Les ostéites mandibulaires sont généralement d’origine dentaire comme atteste la série de Konsem T. et coll. (3) qui a objectivé 65 % dans sa série alors qu’aucun cas d’origine traumatique n’a été mis en évidence par cette équipe. Par ailleurs, la série de Pigrau (4) a montré une origine dentaire dans 68,6% pour seulement 4,3% pour les causes traumatiques. Cette prédominance odontogénique pourrait être due à l’ignorance de la bonne hygiène bucco-dentaire et à la précarisation des conditions socio-économiques des patients, notamment dans les pays sous-développés.

Cependant, l’automédication et les cures de massage sont rapportées dans la littérature africaine comme facteur de risque de développement des ostéites de la mandibule sur fracture (1,2).  Les patients consultent généralement tardivement comme dans notre cas qui est de l’ordre de sept mois et ceux d’Andre C.V. et Oadm O. et coll. qui sont de l’ordre de 09 mois à 3 ans (1,5).
Les manifestations cliniques les plus fréquentes sont les tuméfactions inflammatoires, l’écoulement purulent comme dans notre cas ou des complications comme le trismus et la fistulisation. Konsem T. et coll. trouvaient que 30,88% de ses patients consultent pour une fistulisation (3). Ces réalités pourraient s’expliquer en premier lieu par le retard de consultation lié en général aux consultations initiales effectuées chez les tradithérapeutes ; la plupart des études rapportent un délai de consultation au stade chronique de la maladie c’est-à-dire plus de quatre semaines, il y a également le facteur socio-économique, mais surtout la négligence des patients (5,6).

L'échographie est l’examen à réaliser en première intention devant toutes tuméfactions des parties molles, elle permet d'apprécier la nature de la lésion et son extension.
L'ostéolyse mieux visible sur le scanner est le signe d'ostéite sur une fracture de la mandibule. Le scanner permet de résoudre les phénomènes de superpositions sur les radiographies, d’évaluer l'étendue du processus inflammatoire et d'établir un bilan pré-thérapeutique. Selon la littérature, les signes radiologiques les plus retrouvés associés à cette ostéolyse sont la réaction périostée, l’ostéocondensation et le séquestre osseux. Dans certains cas on peut rencontrer également des épaississements des parties molles (1,2,3,7). Le scanner permet également d’éliminer les éléments du diagnostic différentiel.


CONCLUSION

L’ostéite de la mandibule est une complication source de séquelles voire fatale en cas de retard diagnostique et thérapeutique. La fracture mandibulaire traitée par des cures de massage peut être l’origine de cette ostéite.


BIBLIOGRAPHIE

1. Ory Oadm, Harding-kaba MB, Koffi KM, Amenou D, Djémi M: Les ostéites de la mandibule d’origine dentaire : Aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques. À propos de 45 cas. Rev Col Odonto-Stomatol Afr Chir Maxillo-fac, Mars 2020;27(1):38-42.
2. Bengondo, C., Bitha, T., Ngoa, S., et coll. : Ostéite nécrosante de l'angle mandibulaire avec asymétrie faciale secondaire à une extraction dentaire. A propos d'un cas. Tropical dental journal, 2001, 30-4.
3. Konsem T, Millogo M, Ili V, Coulibaly A, Ouedraogo RWL, Ouedraogo L, et coll. Maxillary Osteitis in the Yalgado Ouedraogo Teaching Hospital: Epidemiological, Clinical and Therapeutic Aspects. Open J Stomatol 2018;08:101–9.
4. Pigrau C, Almirante B, Rodriguez D, Larrosa N, Bescos S, Raspall G, et coll. Osteomyelitis of the jaw: resistance to clindamycin in patients with prior antibiotics exposure. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2009;28:317–23.
5. Andre C-V, Khonsari R-H, Ernenwein D, Goudot P, Ruhin B. Osteomyelitis of the jaws: A retrospective series of 40 patients. J Stomatol Oral Maxillofac Surg 2017; 118:261–4.
6. Eyrich GKH, Baltensperger MM, Bruder E, Graetz KW. Primary chronic osteomyelitis in childhood and adolescence: A retrospective analysis of 11 cases and review of the literature. J Oral Maxillofac Surg 2003;61:561–73.
7. Maes JM, Raoul G, Omezzine M, Ferri J. Ostéites des os de la face. EMC-Stomatologie, 2005;1(3):208-30.

 

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