Publié le 15-05-2003
H. EL MERINI, L. AGGOURI, I. BENKIRAN

Service d'Odontologie Conservatrice
Faculté de médecine dentaire de Casablanca
Université Hassan II

 

RÉSUMÉ

Le succès du traitement endodontique se révèle par une obturation tridimensionnelle atteignant l'orifice apical du réseau canalaire. Ce résultat n'est pas rendu possible sans le respect de l'intégralité des étapes de préparation endodontique et ce, dès l'ouverture de la chambre pulpaire.

 

Le succès de la thérapeutique endodontique se détermine déjà lors de cette étape primordiale, qui est la réalisation de la cavité d'accès.

Mots-clés : Cavité d’accès, anatomie endodontique, traitement canalaire.

L'ouverture adéquate de la cavité d'accès est nécessaire pour le bon accomplissement du traitement endodontique.

La démarche endodontique veut que l'on prépare la partie coronaire de la cavité pulpaire avant d'aborder les canaux radiculaires.
La préparation de cette cavité doit permettre la visibilité des orifices canalaires et le libre accès des instruments jusqu'au foramen apical.


OBJECTIF D'UNE CAVITÉ D'ACCÈS

La cavité d'accès est "l'ouverture préparée dans une dent pour permettre l'entrée au système pulpaire canalaire dans le but de nettoyer, préparer et obturer" (1).

PIERRE MACHTOU 1992 (2,3) résumait les objectifs d'une cavité d'accès en six points (Fig. 1) :

1- La visibilité des entrées canalaires : il ne s'agit pas d'un accès qui s'arrête à la trépanation de la chambre pulpaire, mais d'une élimination des surplombs et recessi, pouvant empêcher l'accès visuel aux entrées canalaires et entraver la manœuvre instrumentale.
2- L'accès le plus direct possible des canaux jusqu'à la limite apicale, sans interférences coronaires : cet objectif est atteint par l'évasement des parois de la voie d'abord.
3- L'élimination totale des débris pulpaires ou dentaires de la chambre pulpaire.
Les débris pulpaires non éliminés sont source d'hémorragie empêchant l'accès visuel, et pouvant être à l'origine de dyschromie dentaire par imprégnation des tubuli dentinaires de produits de dégradation sanguine.
4- Le passage et le travail aisé de l'instrumentation canalaire tant pour le parage que pour la mise en forme et l'obturation du canal.
La progression instrumentale se faisant de la partie coronaire vers les régions profondes, la persistance d'interférence au niveau de la voie d'abord exercera des contraintes sur les parties coronaires et moyennes des instruments les empêchant de suivre la trajectoire canalaire et pouvant même les induire en erreur.
5- L'irrigation efficace et continue des canaux.
La cavité d'accès doit servir de réservoir à la solution d'irrigation NaOCl, et ce pour assurer l'élimination chimique du contenu organique du réseau canalaire.
6- La tenue du ciment d'obturation provisoire :
La cavité d'accès doit procurer une assise convenable au pansement temporaire afin d'assurer l'isolement du système endodontique et d'en maintenir l'état de désinfection entre les séances.

 

 


PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PRÉPARATION

1- CE QU'IL FAUT SAVOIR

Le terme de "cavité" implique des notions d'architecture, donc des principes de préparation. Ces principes sont dictés par l'anatomie endodontique.


Il importe d'aborder la dent à traiter avec une analyse attentive de nombreux éléments :
a- Diagnostic précis et plan de traitement
b- Connaissance fondamentale de l'anatomie interne
c- L'observation des formes externes de la couronne qui fournit de nombreuses indications sur les formes et espaces endodontiques à découvrir. Il existe généralement une homothétie entre la morphologie coronaire externe et la morphologie pulpaire coronaire (1,4) (Fig. 2).
La présence de carie ou d'usure dentaire engendre une réduction du volume pulpaire.
d- Etude radiographique mettant le point sur les particularités anatomiques de la dent concernée. Ces particularités anatomiques sont conditionnées par l'âge du patient et le passé pathologique de la dent.


La radiographie renseigne sur la forme, le volume et le nombre des canaux. Elle met en évidence la présence de coalescence du plafond et du plancher pulpaire. Elle permet également d'objectiver l'existence de pulpopathies ou de calcifications pulpaires (5).

 


2- CE QU'IL FAUT FAIRE

2.1- Avant l'ouverture de la chambre pulpaire :
- Elimination des anciennes restaurations : (1, 4) (Fig. 3a)
Même si l'étanchéité du champ opératoire s'en trouve compromise, la dépose complète de l'obturation met le jour sur :
* Les caries secondaires non mises en évidence sur les radiographies pré-opératoires.
* La présence d'une fissure ou d'une fracture verticale radiculaire.
* Une nouvelle erreur d'un ancien traitement (mauvaise direction de la cavité d'accès, perforation latérale ou du plancher pulpaire).


- La dépose des éléments prothétiques : (1)
La dépose des reconstitutions prothétiques est souhaitable car leur axe n'est pas forcement celui de la dent et peut induire l'opérateur en erreur.
Toutefois, cette opération est loin d'être facile, car peut provoquer la fracture de la dent.
Quand l'accès à travers l'élément prothétique est inévitable, une prudence extrême est de règle, et des contrôles radiographiques mettant en évidence l'axe de fraisage s'imposent.


- Eviction complète des tissus cariés : (1, 6) (Fig. 3b)
Cette phase est importante car elle permet de :
* Décider de la conservation de la dent et de la poursuite du traitement endodontique.
* Eviter une contamination bactérienne de l'ensemble de l'endodonte.
* Objectiver les points de contact occlusaux afin de jauger les contraintes occlusales auxquelles est soumise la dent.
* Assurer l'étanchéité des obturations provisoires en attendant la fin du traitement.
- Conditionnement des points de contact proximaux : (7,8)


L'acte endodontique est un acte chirurgical nécessitant les précautions d'asepsie. La mise en place d'un champ opératoire étanche est indispensable. La digue devant franchir les points de contact inter-dentaire pour sertir la dent cervicalement et assurer cette étanchéité. Un préalable de conditionnement de ces points de contact est de règle :
Le passage du fil dentaire dans les espaces inter proximaux permet de repérer les zones qui ne seront pas franchies par la feuille de latex. Il s'ensuit un polissage de ces surfaces à l'aide de bandes abrasives.


- Réduction occlusale : (1,6)
Elle se fait dans une optique préventive en présence d'un grand délabrement. Tout émail non soutenu est à éliminer car il pourrait causer la fracture de la dent en cours de traitement et fausser les repères occlusaux nécessaires à la détermination de la longueur de travail.
La réduction sera plus franche quand il s'agit de dents destinées à être couronnées.
- Pour Almeida, 1994 (9), une fenêtre cervicale en présence d'une carie classe V, facilitera l'abord du canal sur les dents antéro-inférieures.

 


2.2- Lors de l'ouverture de la chambre pulpaire :

- Trépanation : (4,6) (Fig 3c)
Elle est réalisée à l'aide d'une fraise-boule au diamètre correspondant au volume pulpaire.
Pour les monoradiculées, au centre de la dent.
Pour les pluriradiculées, à l'aplomb du canal le plus large.
(Canal distal pour les molaires inférieures : centre du sillon principal).
(Canal palatin pour les molaires supérieures : fosse centrale).


La trépanation se fait de l'extérieur vers l'intérieur de la dent, ce mouvement est inversé : mouvement de retrait dès que la dépression de la chambre pulpaire est ressentie pour élargir l'orifice de trépanation, afin de permettre le passage de la fraise Zekrya à bout non travaillant au niveau des pluriradiculées ou la fraise flamme au niveau des monoradiculées.


- Dégagement du plafond pulpaire : suppression des surplombs et recessi : (Fig. 3d)
C'est l'étape incorrectement appelée "création de la cavité d'accès" car on ne crée pas la cavité d'accès, on la découvre.
Cette étape est réalisée à l'aide d'une fraise flamme pour les monoradiculées ou à l'aide d'une fraise EndoZ pour les pluriradiculées.
Cette fraise assurera l'élimination des surplombs et l'éviction de la pulpe camérale.


La cavité d'accès est jugée correcte par un certain nombre d'éléments de contrôle :
- Contrôle visuel : il doit permettre de repérer visuellement les entrées canalaires.
- A la sonde 17 : l'accrochement de la sonde 17 au niveau de la cavité d'accès révèle la persistance de surplombs et de recessi qu'il faut éliminer en totalité. Le tissu pulpaire qui pourrait s'y réfugier compromet le succès du traitement endodontique ; c'est une source de dyschromie.
- Avec une sonde de Rhein qui vérifie l'accessibilité des canaux et leur orientation.
- L'évasement des parois est contrôlé par les instruments endodontiques, la persistance d'interférence coronaire entraverait la progression de ces instruments vers la région apicale du canal.
- Reconstitution des dents délabrées :


L'acte endodontique est un acte chirurgical. Il est communément admis qu'il doit se dérouler dans des conditions d'asepsie strictes.
Dans la majorité des cas, le délabrement coronaire est tel qu'il est impossible d'assurer l'accomplissement de ce traitement à l'abris de la salive, même avec la plus performante des digues. D'où l'intérêt de mettre en place un artifice qui remplace la perte de substance et assure l'étanchéité du champ opératoire.


Deux méthodes efficaces peuvent être employées :
- Le collage de résine composite ou reconstitution en verre-ionomère (Fig. 4a).
- La bague de cuivre comblée avec de la résine autopolymérisable (Fig.4b).
Dans d'autres cas, de limite cervicale juxta-gingivale un préalable chirurgical (élongation coronaire) s'avère nécessaire.

 

 

 

FORME DE CONTOUR ET LOCALISATION IDÉALES DES CAVITÉS D'ACCÈS EN FONCTION DES DENTS (2,4,6)

Les formes qui vont être décrites sont des formes standards, il faut tenir compte des particularités qui seront influencées par les variations anatomiques individuelles, l'âge et le passé pathologique de la dent.


Incisives centrales maxillaires et mandibulaires : (Fig. 5)
Situation : face palatine, au dessus du cingulum, l'axe de la cavité est parallèle à l'axe de la dent.
Point d'élection : 3 à 4 mm au dessus du cingulum, moitié supérieure de la face linguale.
Forme : triangle à sommet arrondi dont la base est proche du bord libre, le sommet est cingulaire, et les côtés restent limités par les sillons marginaux.

 

 


Canines :
(Fig. 6)
Situation : identique que pour les incisives
Point d'élection : centre d'arête palatine
Forme : ovalaire étendue dans le sens vestibulo-lingual.
L'obtention d'une ligne d'accès directe peut impliquer un abord vestibulaire ou un abord lingual étendu en direction vestibulaire vers les bords incisifs et les pointes canines. Cette extension sera pratiquée si un recouvrement prothétique de la dent est prévu.


Prémolaires supérieures : (5,10) (Fig.7)
Situation : centre de la face occlusale ou légèrement déporté en distal, l'axe de la cavité d'accès est parallèle à l'axe de la dent.
Point d'élection : centre du sillon principal
Forme de contour : ovalaire étendu dans le sens vestibulo-lingual, les cornes pulpaires vestibulaire et palatine se trouvant sous les cuspides correspondantes.


Prémolaires mandibulaires : (Fig. 8)
Situation : centre de la face occlusale, il faut tenir compte de l'axe coronaire qui diffère de celui radiculaire (=30°). L'axe de la cavité d'accès sera perpendiculaire à la table occlusale.
Point d'élection : centre du sillon principal.
Forme de contour : ovalaire à grand axe vestibulo-lingual.
Il faut garder à l'esprit le faible diamètre mésio-distal de ces dents pour éviter les délabrements coronaires mésio-distaux.


Molaires supérieures : (4, 6) (Fig. 9a)
Situation : la cavité d'accès est déportée mésialement et vestibulairement du fait de la localisation excentrique des orifices canalaires.
Point d'élection : fosse centrale qui correspond à la situation du canal palatin.
Forme de contour : est trapézoïdale, à angles arrondis. La grande base du trapèze est vestibulaire, la petite est palatine. La présence fréquente d'un deuxième canal au niveau de la racine mésio-vestibulaire donne une forme de contour atypique (13,14) (Fig. 9b).


Molaires mandibulaires : (5,11) (Fig. 10)
Situation : déportées mésialement et vestibulairement.
Point d'élection : centre du sillon principal qui correspond à la situation du canal distal.
Forme de contour : trapézoïdale à angles arrondis, la grande base est mésiale.

 

 
 
 
 

 

 

CONCLUSION

Il n'existe pas de forme de cavité d'accès universelle, admise pour toutes les dents d'un même groupe, mais une cavité d'accès adaptée à chaque dent. Cette cavité d'accès est dictée par l'anatomie interne.


La réalisation de la voie d'abord doit se baser sur des connaissances fondamentales et une analyse attentive du cas.
Elle doit se faire pour assurer un accès visuel et instrumental tout en respectant ce qui reste du capital tissulaire.
Le progrès technologique a permis une évaluation des concepts de réalisation des cavités d'accès, il ne s'agit plus de cavité d'accès "rigide" mais "dynamique" offrant la possibilité d'être réaménagée pour améliorer l'accessibilité au réseau canalaire (12).
"Réussir les voies d'abord en endodontie, c'est ouvrir les voies de la réussite" E. DEVEAUX, 2000 (1).

 

 BIBLIOGRAPHIE

1- DEVEAUX E., DOUDOUX D., ROZE D., MILDELBERT P.
Voies d'abord et traitements endodontiques
Act. Odont. Stomatologique, Mars, 2000, n°209.
2- MACHTOU P. Guide clinique endodontie. Edition CDP, Paris, 1992.
3- BENSOUSSAN D.C. Accès rime avec succès
Inf. Dent., 5 décembre 1996.
4- MEDIONI E., VENE G. Préparation de la cavité d'accès endodontique
Encycl. Med. Chir. 1994, 23045-A-05.
5- CHRISTIE W.H., THOMPSON G.K. The importance of endodontic access in locating maxillary and mandibular molar canals.
Endo, Journal, June 1994, vol 60, n°6.
6- LASFARGUES J.J., LEVY G. L'accès aux canaux radiculaires : problèmes cliniques et solutions. Réa. cliniques, 1992, vol 3, n°1.
7- CAROTTE P.V. Acces is succes and rubber dam is easy Dent. Update 2000, 27 : 436-440.
8- KALEKA R. La digue en dentisterie restauratrice ou comment concilier qualité et confort. Clinic 2001, vol 22, n°1.
9- ALMEIDA CM. The cervical window as an aid in root canal access
Inter. Endo. Journal, 1994, 27 ; 15-16.
10- BENSOUSSAN J.C. Les cavités d'accès sur molaires maxillaires : étude des pertes de poids et comparaison avec molaires mandibulaires. Endo, 1994, vol 13, n°3.
11- BENSOUSSAN J.C., BARDIN S. Les cavités d'accès sur molaires mandibulaires : étude des pertes de poids. Endo, 1994, vol 13, n°2
12- HENRY J., KRASNER P.R. The access box : an ah - ha phenomenon.
Journal of endodontics, april 1995, vol 21, n°4.
13- HENRY B.M. The fourth canal : its incidence in maxillary first molars.
Endo. journal, décembre 1993, vol 59, n°12.
14- IMURA N., HSTA G.I., TODA T. Two canals in mesiobuccal roots of amoxillary molars. Inter. Endo. Journal, 1998, N° 31, 680-417.

   

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