B. ABBASSI, M. SIDQUI, N. AUSSALAH, K. AMINE, J. KISSA
Service de Parodontologie

Faculté de médecine dentaire de Casablanca
Université Hassan II

 

RÉSUMÉ

Le traitement de la maladie parodontale chez le diabétique nécessite l’évaluation de certains facteurs systémiques en rapport avec le diabète et ses complications. Cet articles expose le rôle du chirurgien dentiste dans le maintien de la stabilité du diabète par l’instauration d’une thérapeutique parodontale appropriée, ainsi que la conduite à tenir adéquate lors de la prise en charge du patient diabétique.
Mots-clés :  Maladie parodontale, diabète.

 

La maladie parodontale est une infection aux causes et aux symptômes complexes. Son traitement chez le patient diabétique nécessite de la part du parodontiste la compréhension de l’interrelation entre les facteurs systémiques liés au diabète, ses complications et l’état parodontal.  


RÉALITÉ DIABÈTE ET MALADIE PARODONTALE

De nombreuses études (Hage et coll., 1999)(1) ont recherché la présence d’une éventuelle corrélation entre certains facteurs liés au syndrome du diabète et la maladie parodontale afin d’expliquer l’interrelation entre diabète et état parodontal. Parmi ces  facteurs nous citons :
- le contrôle métabolique,
- la durée du diabète,
- l’âge d’apparition du diabète,
- les complications du diabète.


La prise en considération de ces paramètres impose une conduite à tenir appropriée et ciblée dans la prise en charge du patient diabétique, par le parodontiste.

 

Le contrôle métabolique :

Le contrôle métabolique du diabète sera évalué par les examens suivants, qui auront pour rôle de vérifier le pronostic et l’évolution de l’état du diabète :
- la glycémie : taux de glucose plasmatique à un instant donné,
- l’hémoglobine glycosylée : HbA1c : elle s’exprime en pourcentage et sa valeur normale est de 4,5 à 5,7%. Elle reflète une moyenne à long terme de la glycémie sur une durée de deux mois, ce qui rend cet élément plus avantageux en comparaison avec l’évaluation du taux de glucose (Hage et coll., 1999) (1).

 

Plusieurs auteurs ont démontré une corrélation entre le contrôle métabolique du diabète et le développement de la maladie parodontale.

En effet Ainamo et coll. (1990) (2) suggèrent l’existence d’une corrélation entre la destruction rapide du parodonte et les niveaux élevés en glucose sanguin. Selon les mêmes auteurs, tout changement soudain vers l’augmentation de la  destruction parodontale à l’âge adulte, nécessite un examen médical vérifiant la teneur sanguine en glucose.

 

De même Safkan-Seppala et coll. (1992)(3) ont confirmé une perte d’attache et perte osseuse significativement plus élevées chez les patients diabétiques non  compensés (au contrôle métabolique perturbé) en comparaison avec les patients diabétiques au contrôle métabolique établi.


Lors d’une étude menée en 1993, Tervonen et Oliver (4) ont montré l’association entre  parodontite chez le diabétique et contrôle métabolique. De ce fait, des rappels réguliers afin d’assurer la motivation du patient, l’instruction en hygiène buccale et le détartrage surfaçage sont importants pour les diabétiques. Par ailleurs, George et coll. (1996)(5) ont considéré la parodontite comme un facteur de risque d’un mauvais contrôle métabolique.`

 

Pour d’autres auteurs, il n’existe aucune corrélation entre le contrôle métabolique du diabète et la maladie parodontale (Rylander et coll 1986)(6).En 1994, Tervonen et coll. (7) ont démontré que le contrôle métabolique n’avait pas d’effet statistiquement significatif sur la prévalence des bactéries parodontopathogènes. Pinson et coll. en 1995 (8) ont démontré l’absence de corrélation entre le contôle du diabète et les variables cliniques parodontales.

 

Durée du diabète :

L’association de la durée du diabète avec la sévérité de la maladie parodontale reste controversée.
Une corrélation positive entre la durée du diabète et la perte d’attache clinique fut démontrée mais pas avec la profondeur au sondage, l’indice gingival  ni l’indice de plaque (Firatli et coll. 1996) (9).

 

La prévalence élevée de la maladie parodontale liée à  une longue durée du  diabète (chez les patients âgés entre 40 et 49 ans) peut être due aux complications étalées sur de longues périodes influençant la pathogénie de la maladie parodontale (Hugoson et coll. 1998)(10). Il est essentiel de différencier entre l’âge biologique lors des études chez les patients diabétiques.

 

L’âge d’apparition  du diabète :

Selon Thorstensson et Hugoson (1993) (11), l’âge d’apparition du diabète semble être un important facteur de risque pour la destruction parodontale future, et être encore plus important que la simple durée du diabète : plus l’installation du diabète est précoce plus l’installation de la maladie parodontale est sévère.

 

Les complications du diabète : 

La relation entre les principales complications du diabète (rétinopathie, néphropathie, et neuropathie) et la sévérité de la gingivite et de la parodontite reste un sujet à controverse.
La rétinopathie est la plus commune des complications et en général la première à apparaître. Son incidence est de 80% à 90% après  15 à 20 ans pour le diabète de type1. La néphropathie se développe chez 35 à 45% des diabétiques de type1 à long terme. Dans une récente étude,

 

Thorstensson et coll. (1996) (12) affirment qu’il pourrait y avoir une association entre la maladie rénale , les complications cardio-vasculaires et la parodontite sévère. Ceci indique l’importance d’une collaboration entre le diabétologue et le chirurgien dentiste. D’autres auteurs (Rosenthal et coll. 1988) (13) ont confirmé cette corrélation et  ont démontré,donc, une fréquence élevée des rétinopathies et neuropathies chez les diabétiques avec parodontite. Par contre, Safkan-Seppala et Ainamo (1992)(3) n’ont trouvé aucune influence des complications médicales du diabète sur l’état parodontal.


THÉRAPEUTIQUES

L’interrelation établie entre diabète et état parodontal a amené les chercheurs à étudier l’influence du traitement du diabète sur l’état parodontal vice-versa.

 

Effet du Traitement du diabète sur la maladie parodontale :

Le traitement du diabète dépendra du type de diabète. En cas de diabète non insulino-dépendant, des hypoglycémiants oraux associés à un régime alimentaire sont préconisés. En cas de diabète insulino-dépendant, l’apport d’insuline externe est indiqué.
L’amélioration du contrôle du diabète à travers une thérapeutique adéquate permettrait selon certains auteurs une amélioration de l’état parodontal. Selon Aldridge et coll. (1995) (14), l’effet du contrôle métabolique est l’élément prédominant dans la relation diabète et santé parodontale.

 

Effet du traitement parodontal sur le diabète : 

En 1992 Miller et coll.(1992) (15) ont démontré une amélioration du contrôle métabolique du diabète à la suite d’un traitement parodontal, ceci chez des patients diabétiques avec un bon contrôle métabolique à la base. D’autres études ont confirmé cette constatation (Grossi et coll.1996) (16), (Seppala et Ainamo coll. 1994) (17).Par contre ceux qui avaient un mauvais contrôle métabolique n’ont vu ni leur taux de HbA1c ni leur glycémie diminuer à la suite d’un traitement parodontal (Seppala et Ainamo coll. 1994)(17).


La même réponse au traitement parodontal a été relevée chez les diabétiques contrôlés et les non diabétiques (Westfelt et coll. 1996)(18) (Tervonen et coll.1991)(19).

Seppala et Ainamo(1994 )(17) ont affirmé avoir les même résultats à la suite d’un traitement parodontal chez les patients mal  contrôlés.
En 1997,Tervonen et Karjalainen (20) ont trouvé un taux de récidive de la maladie parodontale plus important en cas de faible contrôle métabolique avec plusieurs complications.

 

LA PRISE EN CHARGE PARODONTALE DU PATIENT DIABÉTIQUE

Considérations générales :

Toute thérapeutique parodontale aura pour objectif principal de contrôler  l’infection.  Dans un premier temps, le praticien est amené à prendre contact avec le diabétologue afin d’assurer l’établissement et/ou le maintien d’un contrôle métabolique (niveau de glucose sanguin) optimal. Par ailleurs, mettre le diabétologue au courant de la présence de toute infection parodontale reste impératif, car dans ce cas, le risque d’une résistance du diabète à l’effet de l’insuline existe, pouvant contribuer à aggraver le syndrome diabétique (Sammalkorpi et coll.,1989) (21), (Yki–Jarvien et coll., 1989)  (22). Dans certaines situations, l’infection orale représente un danger vital pour le patient diabétique (Ureles et coll., 1983)(23).

 
Déroulement de la séance de soins :

En 1999, l’Académie américaine de parodontologie (24) a proposé un consensus comme conduite à tenir pour une prise en charge meilleure du patient diabétique.
Le patient dont le diabète est contrôlé peut être considéré comme un patient sain.
La séance de soin doit être courte, atraumatique, la moins stressante possible pour le patient : des agents vasoconstricteurs peuvent être inclus dans les anesthésiques  locaux.

Le patient doit être conscient de la nécessité du traitement anti-diabétique, du régime alimentaire adéquat permettant le maintien d’un bon contrôle métabolique, durant la période des soins parodontaux : le patient  prend son petit déjeuner, afin d’éviter tout risque d’hypoglycémie. Le rendez-vous est prévu le matin car le taux des corticoides endogènes est élevé, ainsi la tolérance du patient au stress est optimisée.


En cas de soins éprouvants (acte chirurgical), le patient risque de faire une hypoglycémie en peropératoire . Afin de prévenir cette complication,  le patient peut moduler son traitement anti-diabétique, après avoir consulté le diabétologue. En effet, pour le diabète non insulino-dépndant, le patient peut diminuer la dose d’hypoglycémiants oraux ou les supprimer ceci le jour de l’intervention, puis retourner au dosage normal le lendemain. Pour le patient sous insuline, le jour de l’intervention, la dose d’insuline peut être réduite ou supprimée (dans cette dernière situation l’insuline sera prise après l’intervention).

 

Il est impératif pour le parodontiste, de connaître la médication ainsi que le régime alimentaire suivi par le patient diabétique. En général, le traitement parodontal ne doit pas être prévu lors du pic d’activité  d’insuline. Mais, pour les patients prenant plusieurs injections d’insuline quotidiennement ceci devient difficile. Le parodontiste dans ce cas doit être conscient du risque d’hypoglycémie encouru par le patient .
Le patient diabétique dont le contrôle métabolique est défaillant nécessite une coordination médicale permettant d’établir un  contrôle métabolique correcte  avant toute thérapeutique parodontale (Terry, 2000) (25).

 

Utilisation des antibiotiques : 
L’antibiothérapie est préconisée en cas d’infection orale (Mealey, 1996)(26). Le besoin en antibiotique dépendra du contrôle métabolique du diabète : pour un patient non équilibré, l’antibiothérapie s’impose. Le choix de l’antibiotique, le dosage et la voie d’administration restent similaires que pour le patient sain. La combinaison du débridement mécanique et la prescription de tétracyclines a donné de bons résultats. Certains auteurs préconisent la doxycycline non métabolisée au niveau rénal (24).

 

CONCLUSION

Devant une parodontite chez un diabétique, le chirurgien dentiste doit collaborer avec le diabétologue et s’informer sur :
- l’état de diabète de son patient,  
- les antécédents familiaux,
- le contrôle métabolique,
- la durée et l’âge d’installation du diabète,
- ses éventuelles complications.
Ce-ci permettra d’établir le traitement adéquat, les précautions à prendre, et de prévoir le pronostic parodontal, pour une prise en charge raisonnée  du patient diabétique.


BIBLIOGRAPHIE

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