M. KHAZANA, H. KARIM, I. BENYAHYA
Service d’Odontologie chirurgicale.
CHU Ibn Rochd, Casablanca
Université Hassan II

 

RÉSUMÉ

L'autotransplantation dentaire semble être, parfois, une solution de compromis entre l'implant et la prothèse. C'est une technique simple, non coûteuse et surtout réversible. Par contre, elle nécessite le respect des  règles techniques aujourd'hui, bien codifiées qui garantissent un bon pronostic à  long terme.

Mots-clés : transplantation, dent de sagesse, ankylose, résorption.

Les autotransplantations dentaires sont un moyen de remplacement des dents absentes, perdues ou irrécupérables. Elles semblent être parfois la solution de compromis entre la pose d'un implant qui est onéreuse et la solution prothétique qui est mutilante. Elles nécessitent au préalable une étude clinique, radiologique, une technique rigoureuse bien codifiée et un contrôle régulier.
Nous vous proposons de décrire un cas qui illustre une autotransplantation de 28 et 48 chez une jeune patiente à la place de 26 et 46 indiquées pour extraction.

 

CAS CLINIQUE

Il s'agit d'une patiente âgée de 22 ans qui consulte  pour  un  délabrement coronaire important de 26 et 46. L'interrogatoire révèle un bon état général apparent. A l'ouverture buccale, l'hygiène est bonne. L'examen dentaire révèle une destruction coronaire très importante de la 26 (fig.1a).
Le cliché rétroalvéolaire pris au niveau  molaire supérieure gauche montre la présence d'une radioclareté témoignant d'une atteinte de la furcation radiculaire, ainsi que la mise en évidence d'une 28 incluse dont les racines sont droites et coniques (fig. 2a).

 

Fig.1a : situation clinique en pré-opératoire Destruction  coronaire de la 26 Fig. 1b : situation en préopératoire : atteinte de la furcation de la 46


 

Au niveau molaire inférieur droit, le cliché rétro alvéolaire montre un traitement canalaire insuffisant et une lyse osseuse de la 46. La dent de sagesse enclavée qui apparaît à l'extrémité distale du cliché, montre deux racines dont la mésiale est coudée distalement  (fig.1b).

 

L'examen clinique et radiographique confirme l'indication d'extraction de la 26 et de la 46. Plusieurs solutions sont envisageables devant un tel édentement :
- Une prothèse implanto-portée : traitement idéal, le plus actuel et le moins mutilant pour les dents, mais très onéreux pour la patiente.
- Une prothèse fixée : un bridge céramo-métallique prenant appui sur les dents adjacentes ;  solution la plus fréquemment utilisée. Cependant elle a été rejetée par la patiente, vu la mutilation qu'elle peut engendrer pour les dents saines
- Une transplantation de dent de sagesse :  la dent de sagesse sera transplantée à la place de la dent extraite.

 

Notre choix est porté pour  la dernière solution. Elle semble être intéressante dans la mesure où elle est moins mutilante, moins coûteuse et surtout réversible en cas d'échec. Elle consiste en deux interventions  espacées d'un an :
- Transplantation de la 28 à la place de la 26;
- Transplantation de la 48 à la place de la 46.

 

 

Fig. 2a : état radiologique en préopératoire : atteinte de la furcation de la 26
 Fig. 2b : obturation  canalaire à rétro de la 48

 

 

TRAITEMENT

Transplantation de la 28

Vu le bon état général de la patiente, aucune prémédication n'a été prescrite. Après une anesthésie para apicale et un rappel palatin, l'incision a été réalisée. Un lambeau d'épaisseur totale a été recliné.
La préparation du site receveur passe tout d'abord  par une extraction atraumatique de la 26 afin de préserver la vitalité des cellules du ligament parodontal et l'intégrité des tables osseuses. Pour ce, nous avons procédé à l'extraction par séparation des racines.

 

Une partie du septum osseux inter-radiculaire est supprimée à l'aide d'instrumentations rotatives sous irrigation. Les tissus pathologiques périapicaux sont prudemment curetés. L'alvéole est ensuite abondamment rincée avec du sérum physiologique afin de retirer tous les débris.
Elle est immédiatement recouverte par une compresse pour éviter la contamination salivaire pendant la formation du caillot.

 

Pour l'extraction du greffon, et afin de préserver le maximum de reliquats desmodontaux, un élévateur a été introduit en mésial de la dent pour la luxer, ensuite, la couronne est saisie à l'aide d'un davier qui a permis l'extraction du transplant sans échauffement ni compression.
Vu la difficulté de réalisation endobuccale  du traitement  canalaire sur les dents de sagesse une obturation à rétro a été faite (fig. 3a ).

 

 

 Fig. 3a  : obturation canalaire à rétro de la 28
 
Fig. 3b : mise en place du transplant

 

Fig. 4a : mise en place du transplant avec rotation de 180° afin d'améliorer les  contacts occlusaux et proximaux Fig. 4b : situation clinique de la 48 transplantée après 1 an


 

La durée du traitement était très brève afin de minimiser le temps extra-alvéolaire, le greffon est ensuite essayé dans son nouvel alvéole avec une rotation de 180° qui lui a permis une parfaite adaptation dans le site receveur (fig. 4a).
Des points de suture interproximaux permettent de repositionner le lambeau afin de bien ajuster le greffon et de l'immobiliser au cours des stades initiaux de cicatrisation. Une contention semi-rigide au moyen de fil métallique et de composite collé aux surfaces vestibulaires a été réalisée. Un cliché rétro alvéolaire de référence est pris à j0 (fig. 5a).


Des conseils hygiéno-diététiques ont été donnés à la patiente, ainsi qu'un traitement médical à base d'antibiotique, anti-inflammatoire et d'antalgique pour assurer de bonnes suites opératoires.

 
 
Fig. 5a : situation radiologique à j 0 : présence d'un espace libre entre parois alvéolaires  et transplant Fig. 5b : situation radiologique de la 48 transplantée après  4 ans: apparition d'une résorption radiculaire
 
Transplantation de la 48

Une année après, la transplantation de la dent de sagesse mandibulaire a été réalisée avec le même protocole opératoire (fig. 1b, fig. 2b, fig. 3b).

 
Contrôle

Le premier contrôle a été effectué au dixième jour avec ablation des points de sutures.
Des contrôles cliniques et radiographiques
réguliers ont été effectués à un mois, six mois, un an, deux ans, quatre ans et  cinq ans (fig. 6, fig. 7a fig. 8, fig. 9, fig. 10 et fig. 4b).
Les clichés alvéolaires pris respectivement pour la 28 et la 48  montrent :
- La présence de lamina dura autour de toute la racine et une bonne cicatrisation osseuse autour de la dent de sagesse supérieure cinq ans après la transplantation
(fig. 11).
L’apparition de résorption de remplacement autour du transplant mandibulaire quatre ans après la transplantation (fig. 5b).

 

 

Fig. 6 : situation radiologique après 1 mois
 
Fig. 7 : situation clinique après 6mois : Noter les bons contacts occlusaux et proximaux
 
 Fig.  8 : situation clinique après 6mois : Vue occlusale
 
Fig. 9 : situation radiologique à 6 mois
 
Fg. 10 : situation radiologique à  2ans
Fig. 11 : situation radiologique à 5 ans


 

DISCUSSION

Les résultats que nous avons obtenus sont encourageants malgré l'apparition de la résorption de remplacement au niveau du transplant mandibulaire.
Ceci a été largement discuté et interprété dans plusieurs travaux (1,3,5) dont on peut déduire que :
- L'anatomie radiculaire comparée entre le transplant et la dent à extraire;
- Le stade de maturation du transplant ;
- La présence et la vitalité du Ligament alvéolo-dentaire indispensable à la cicatrisation parodontale restent des facteurs déterminants dans la réussite de l'intervention.

 

Nous avons réalisé des obturations canalaires à rétro en peropératoire, car la revascularisation est rarement obtenue pour des dents matures dont le foramen apical est étroit, ceci permet d'éliminer   la résorption inflammatoire. Cependant une ankylose se développe habituellement au niveau apical
Un traitement endodontique à l'hydroxyde de calcium différé de 3 semaines  est conseillé pour peu que l'anatomie radiculaire le permette (4), une contention  rigide est déconseillée car elle a un effet négatif sur la cicatrisation parodontale (4).

 

CONCLUSION

Nous pouvons dire que l'autotransplantation dentaire peut être une solution intermédiaire à envisager dans le plan de traitement entre la pause d'un implant et la réalisation d'une prothèse (2) surtout chez les  jeunes patients à condition de bien poser l'indication et de respecter le protocole opératoire afin d'avoir le maximum de chance de réussite.

 

BIBLIOGRAPHIE

1- ANDREASEN J. Atlas de réimplantation et de transplantation dentaire.
Masson-Paris-Milan, Barcelone, 1994.
2- BEMARA F., LESCLOUS P. L'autotransplan-
tation dentaire : savoir y  penser. A propos d'une observation clinique.
Clinic, 1998, 19, 6.
3- Mc DONALD N, STRASSLER H.E.
Evaluation for tooth stabilization and treatement of traumatized teeth.
Dental clinic of north America, 1999,43,1
4- OBRY F, SOMMERMATER J. Les expulsions dentaires.
Réalités cliniques 1992, 3, 4.
5- SCHATZ  J.P., JOHO J., FLEUTY V. Evaluation radiologique des autotransplantations.
Rev Mens Suisse odontostomatol, 1992, 102, 5.

  

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