M. FAROUK, S. HAITAMI, I. BENYAHYA
Service d’odontologie chirurgicale
Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca - Maroc


L'hygiène et l'asepsie sont considérées aujourd'hui comme un défi permanent pour tout praticien, vue la diversité de notre exercice et le risque encouru. Le but essentiel étant de protéger le patient, l’équipe médicale, et l’environnement.
Ceci implique de la part de tout praticien une connaissance actualisée et une application stricte des procédures d’hygiène et d’asepsie.

 
Considérée comme maillon principal du protocole d’hygiène et d’asepsie, la chaine de stérilisation doit être connue, appliquée, et régulièrement contrôlée par le médecin dentiste.
La chaine de stérilisation nécessite, pour être efficace, la succession de plusieurs étapes indissociables qui aboutissent à la stérilité du matériel. Le non respect ou la défaillance de l’une de ces étapes aboutit à l’échec de toute la procédure.
Nous proposons à travers une série d’articles  de faire la mise au point sur  les différentes étapes de la chaine de stérilisation des dispositifs médicaux.

LA PRÉDÉSINFECTION
Elle est définie selon l’AFNOR comme étant une opération au résultat momentané, permettant d'éliminer, de tuer ou d'inhiber les micro-organismes indésirables en fonction des objectifs fixés.  Le résultat est limité aux micro-organismes présents au moment de l’opération.
C’est la première étape de la chaine, qui  a pour objectifs de :
- Réduire le nombre de germes présents sur les instruments
- Décoller les matières organiques
- Faciliter le nettoyage ultérieur
- Limiter le risque de contamination du personnel et de l’environnement.

Un désinfectant est défini comme étant tout  produit ou procédé utilisé pour la désinfection dans des conditions définies (AFNOR NF T  72-101).
 Le désinfectant doit répondre à des critères précis :
- Etre efficace sur le plan de l’activité antimicrobienne : bactéricide, fongicide, virucide, et agir sur les virus responsables des hépatites et du sida,
- Ne pas contenir les aldéhydes pour éviter la fixation de la matière organique,
- Agir en un temps court,
- Etre efficace sur le plan de l’activité détergente : il doit permettre le décollement des souillures, prévenir la fixation du sang, du pus et des sérosités,
- Etre le moins nocif possible pour le personnel et avoir un pouvoir irritant cutané, oculaire et pulmonaire le plus faible possible,
- Etre le moins nocif pour l’environnement, avoir la toxicité la plus faible possible et être biodégradable,
- Respecter les caractéristiques physiques et chimiques des instruments et ne pas être corrosif,
- Etre de  manipulation simple,
- Etre stable : pur et dilué,
- Avoir un coût   compatible avec une large utilisation,
- Posséder un  étiquetage contenant obligatoirement les informations suivantes : activité microbienne, normes, modalités d’utilisation …
- Etre conditionné de préférence sous forme de solution prête à l’emploi ou à défaut à diluer, dans des bidons à pompe ou flacon doseur.

Les désinfectants doivent répondre aux normes AFNOR et EN, dans le cadre de la directive BIOCIDE (98/8/CEE. Ces normes  permettent, à travers plusieurs tests in vitro réalisés sur des souches déterminées de micro-organismes (bactéries, virus, mycobactéries, spores), de définir les conditions d’utilisation de ces produits. Toutes les normes AFNOR vont être progressivement remplacées par les normes EN.
Ces normes permettent à l’utilisateur de savoir que le produit de désinfection a été soumis à toutes les étapes de confirmation de validité antimicrobienne, antivirale, antifongique, et antisporadique.

Les désinfectants doivent respecter la législation européenne qui impose le marquage CE (conformité européenne), avant la commercialisation.
Il existe plusieurs familles de désinfectants, qui différent selon leur composition chimique, leur cible, et leur méthode d’action. Elles sont citées dans les tableaux ci-après.

Tableaux des différentes familles des désinfectants :

 

 Familles  Exemples  Cible et mode d'action
 Remarques
 Alcools

 Ethanol, isopropanol

 (Microsept®)

 Dénaturation des protéines cytoplasmiques et membranaires

 Inhibition de la synthèse des acides nucléiques et des protéines

 Présence d'eau nécessaire à l'activité (utilisation d'alcool 70%)

 Activité par matières biologiques

 Aldéhydes Formaldéhyde (Steranios® 2%)

 Altération de la paroi cellulaire

 Inhibition de la synthèse des acides nucléiques et des protéines

 Activité par matières biologiques
 Ammoniums quaternaires
 Benzalkonium (Anios DDSH®)

 Liaison aux acides gras et groupes phosphates de la membrane cellulaire

 Lyse de la cellule

 Activité par matières biologiques, savons et oxydants
 Biguanides  Chlorhexidine

 Liaison aux acides gras et groupes phosphates de la membrane cellulaire

 Coagulation du cytosol

 Activité par matières biologiques

 Halogènes : Chlores et Iodes

 Hypochlorite de sodium (javel, dakin)

 PV-iodée (Hexanios G+R®)

 Destruction des protéines membranaires et chromosomiques (halogénation)

 Activité par matières biologiques et savons

 Dégradation par rayons UV

 Oxydants  Peroxyde d'hydrogène (eau oxygénée) (anioxyde 1000®)  Production de radicaux libres qui interagissent avec les lipides, protéines et ADN  Activité par matières biologiques
 
 Familles  Avantages  Inconvénients
 Alcools  Délai d'activité court (30 s)

 Inactifs sur les spores

 Collent les débris organiques

 Toxiques

 Aldéhydes  Large spectre

 Inactifs sur les agents transmissibles non conventionnelles

 Fixent les protéines

 Toxiques

 Ammoniums quaternaires

 Peu toxiques

 Action désinfectante et détergente

 Spectre étroit, il faut combiner plusieurs types d'AQ pour avoir un désinfectant efficace
 Biguanides

 Spectre large à basse concentration

 Bonne tolérance par la peau

 Inactivités par les détergents et les matières organiques
 Halogènes

 Faible coût

 Spectre large

 Agissent à basse T°

 Se dégradent rapidement

 Odeur irritante

 Oxydants  Délai d'action court  Corrosion
 
Les désinfectants les plus utilisés sont les alcools, les biguanides, et les halogènes, alors que les aldéhydes sont les moins utilisés vu leurs inconvénients liés à la fixation des protéines et à leur toxicité.
Quelque soit le désinfectant choisi, il doit être utilisé à la concentration adaptée et dilué dans la quantité d’eau exigée et à la température précisée par le fabricant. Il faut également respecter le temps d’immersion, tout en maintenant les bacs fermés.
De même, il ne faut pas mélanger les produits, qui doivent être conservés dans leur emballage d’origine à l’abri de la chaleur. En effet, il ne faut pas déconditionner les produits dans des flacons non identifiés et non spécifiques.

PROTOCOLE DE PREDESINFECTION
La prédésinfection consiste à plonger immédiatement et totalement les dispositifs médicaux utilisés dans un bac de décontamination à couvercle situé le plus proche possible du poste de soins, et contenant un désinfectant.
L’efficacité de la prédésinfection dépend du respect de plusieurs critères :
- La concentration et la composition chimique du produit utilisé,
- La durée d’action qui varie entre 15 et 30 minutes, en fonction des recommandations du fabricant,
- La température du bain qui ne doit pas dépasser 30°.

La solution utilisée a une triple action : désinfectante, détergente, et anticorrosive.
La dissolution des liquides biologiques (sang, pus…) va permettre un contact optimal entre agent décontaminant et agents infectieux.
Les instruments articulés doivent êtres ouverts ou démontés, les dispositifs creux irrigués.
Les instruments ne doivent pas rester trempés au delà de la durée préconisée.
Pour les dispositifs médicaux non immergeables, la prédésinfection se fait selon un autre protocole.
Le bain doit être changé quotidiennement ou dès que la solution devient trouble.
Les bacs de trempage doivent être nettoyés et séchés chaque fois que les bains sont changés.

CONCLUSION
La chaine d’asepsie des dispositifs médicaux est un ensemble d’étapes indissociables qui aboutissent à la stérilité du matériel. Le respect de ces étapes permet la protection des patients et du personnel.
La prédésinfection est la première étape de cette chaine au cours de laquelle le personnel est particulièrement exposé aux risques biologiques et chimiques, une tenue protectrice appropriée est donc indispensable. Elle comporte :
- une blouse imperméable, ou de préférence un tablier en plastique à usage unique, protégeant la tenue professionnelle,
- des gants à manchettes longues et ajustées. Le matériau est choisi afin de limiter le risque d’allergie et d’offrir une meilleure protection vis-à-vis des agents chimiques en cas de contact prolongé,
- des lunettes à protection latérale, ou un masque à visière qui  combine masque et lunettes de protection.

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