Y. HANNOUNI, M. MAHTAR, A. BENJELLOUN, A. CHEKKOURY-IDRISSI.

Service de Stomotologie et de Chirurgie MAXILLO-FACIALE
Hôpital du 20 Août, C.H.U de Casablanca, Maroc

 

RÉSUMÉ

L'Ostéomyélite Mandibulaire chronique Primitive (OCP) non suppurative est rare et de cause inconnue.

Les auteurs décrivent un cas rare d'ostéomyélite mandibulaire chronique primitive chez une fille de 6 ans, l'examen histologique a permis de confirmer le diagnostic. Jusqu’à présent, seuls quelques cas de cette affection, dont le début se situe dans l’enfance ou l’adolescence, ont été décrits.
 

Le traitement doit être conservateur surtout chez l'enfant. L’association chirurgie, antibiothérapie reste le traitement de choix. L’oxygénothérapie hyperbare est indiquée dans les formes réfractaires.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens donnent de bons résultats surtout dans les formes primitives.
Le traitement passe d'abord par la prévention et la bonne hygiène bucco-dentaire.
Mots clés : Ostéomyélite chronique, Mandibule,

 

INTRODUCTION

L’ostéomyélite chronique primitive des maxillaires est une affection inflammatoire chronique, rare, non suppurative et de cause inconnue. Cette maladie n’est pas forcément liée à l’âge. Jusqu’à présent, seuls quelques cas de cette affection, dont le début se situe dans l’enfance ou l’adolescence, ont été décrits. Les auteurs décrivent le cas d'une fille de 6 ans.

Suite aux progrès réalisés ces dernières décennies tant au niveau de l’antibiothérapie que de la prise en charge chirurgicale, leur fréquence et leur gravité sont en recul. Divers facteurs de risque sont à rechercher, et habituellement une prise en charge double (antibiothérapie et chirurgie) associée à une oxygénothérapie hyperbare, permet d’obtenir la guérison.

 

 

Fig 1 : Foyer ostéolytique irrégulier avec fracture sous condylienne basse.

 

OBSERVATION

Patiente âgée de 6 ans sans antécédents de tuberculose ni de traumatisme facial, a consulté pour Tuméfaction jugale inférieure droite, douloureuse, fébrile avec limitation de l’ouverture buccale et évoluant depuis trois mois.

Il n y avait par ailleurs ni otalgie ni signes dentaires et l’état général était conservé.
L’examen exo buccal a trouvé une Tuméfaction massétérine et jugale basse droite dure, douloureuse fixée à la mandibule, sans signes inflammatoires en regard, par ailleurs il n y avait pas de paralysie faciale ni de troubles de sensibilité labio-mentonnière. La loge parotidienne était libre.

 

L'examen endobuccal trouve une tuméfaction douloureuse vestibulaire droite et du bord antérieur du ramus sans aucun orifice fistuleux ou issue du pus. Les aires ganglionnaires étaient libres.

L’orthopantomogramme a montré un foyer ostéolytique irrégulier, au contour plus ou moins précis par rapport à l'os sain adjacent avec fracture sous condylienne basse (fig. 1).

 

La tomodensitométrie a montré un remaniement osseux de la branche montante droite de la mandibule, lésions ostéolytiques à type de décalcification de l’os spongieux, fracture sous condylienne basse et séquestre osseux (fig. 2, 3, 4).
Une biopsie osseuse sous anesthésie générale pour examen histologique et examen microbiologique avec antibiogramme a montré des remaniements inflammatoires chroniques en rapport avec une ostéomyélite chronique primitive sans germe identifiable ni signe de malignité.

 

Fig 2 : Ostéolyse et décalcification de l’os spongieux.
 
Fig 3 : Réaction périostée lamellaire. Fracture pathologique sous condylienne basse.
 
Fig 4 : Reconstruction tridimentionelle
 

 

 

DISCUSSION

L’ostéomyélite est une inflammation de l’os cortical et de l’os spongieux, Chronique si l'évolution clinique dépasse 1 mois. On distingue deux types : primitive non suppurative de cause inconnue et secondaire suppurative due à un foyer infectieux. L’ostéomyélite chronique primitive peut être isolée ou diffuse définissant une pathologie récurrente et multifocale.

 

On lui reconnaît deux pics de fréquence, avant 20 ans et au-delà de 50 ans. Les sujets atteints sont souvent de sexe féminin. Les causes dentaires et parondotales sont absentes, la nature bactérienne est fortement contestée. Elle touche presque exclusivement la mandibule (1).

 

La symptomatologie est insidieuse évoluant par poussées entrecoupées de périodes quiescentes, la tuméfaction est dure douloureuse, adhérente à l’os avec trismus et fébricule, parfois une anesthésie labiomentonnière. Pas de suppuration ni fistule ni hyperthermie (2).

Les processus infectieux aigus ou les processus tumoraux (ostéosarcome, chondrosarcome, sarcome d’Ewing) doivent faire partie du diagnostic différentiel.

 

D’autres diagnostics doivent ensuite être éliminés, comme la dysplasie fibreuse et les tumeurs bénignes (fibromes ossifiant et non ossifiant) (3).
La radiologie est évocatrice montrant une opacité médullaire témoignant d’une réaction de sclérose et zones d’ostéolyse. La bactériologie est négative ou isolant des germes saprophytes de la cavité buccale. Le diagnostic définitif ne peut être porté qu’avec des prélèvements biopsiques représentatifs (4).


Le traitement est médical: antibiothérapie prolongée, anti-inflammatoires, antalgiques et oxygénothérapie hyperbare (Protocole de Marx : 90 minutes à 2,4 atmosphères à raison de deux séances par jour pendant 1 mois) (5).

 

Notre patiente a bien évoluée sous traitement antibiotique (amoxicilline-acide clavulanique) et oxygénothérapie hyperbare pendant un mois.
Le traitement chirurgical consiste en une Séquestréctomie ou une décortication. La résection interruptrice avec reconstruction est indiquée dans les formes rebelles sévères diffuses, récidivantes, souvent multi opérées à évolution désespérante. L’immobilisation en bonne position et la restauration d’un articulé dentaire équilibré est indiquée en cas de fracture pathologique (5).

 

En raison du faible nombre de patients porteurs de cette maladie rare, (11 patients avec début précoce d’OCP mandibulaire est la série rapportée la plus large (1)), il est impossible de fournir des statistiques significatives de l’efficacité éventuelle des diverses thérapeutiques sur l’évolution de cette affection.


Les séquelles à type de Pertes de substance osseuses interruptrice ou non, pseudarthrose, communication bucco-nasale ou bucco sinusienne sont fréquentes. Les séquelles fonctionnelles sont à type de constriction permanente des maxillaires et ankylose de l'articulation temporomandibulaire. Il faut insister sur la prévention: la bonne hygiène bucco-dentaire et l'asepsie lors des gestes osseux (6).

 

RÉFÉRENCES

1- G.K.H. Eyrich, M.M. Baltensperger, E. Bruder . Ostéomyélite chronique primitive de l’enfance et l’adolescence : Analyse rétrospective de 11 cas, avec revue de la littérature. Rev. Stomatol. Chir. maxillofac, 2003; 104, 6, 360-367
2- Hudson JW. Osteomyelitis of the jaws: a 50-years retrospective. J Oral Maxillofac Surg 1993; 51:1294-301.
3- Vezeau PJ, Koorbusch GF, Finkelstein M. Invasive squamous cell Carcinoma of the mandible presenting as a chronic osteomyelitis: report of a case. J Oral Maxillofac Surg 1990; 48:1118-22.
4- Kazunori Yoshiura et al. Radiographic patterns of osteomyelitis in the mandible. Oral Surg Oral Med Oral Pathol.1994; 78:116-24
5- Otsuka K, Hamakawa H, Kayahara H, Chronic recurrent multifocal osteomyelitis involving the mandible in a 4-yearold girl : a case report and review of the literature. J Oral Maxillofac Surg 1999;57(8):1013-6.
6- Flygare L, Norderyd J, Kubista J, Chronic recurrent multifocal osteomyelitis involving both jaws: report of a case including magnetic resonance correlation. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1997;83(2):300-5.

 

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