H. MECHAKRA, C. BENTAHAR, F. NOUIOUA, N. SAIFI

Clinique Dentaire Saouli Abdelkader
CHU ANNABA - ALGERIE

 

RÉSUMÉ

Chez de nombreux patients, le port d'anciennes prothèses complètes peut être à l'origine de diverses lésions au niveau de la muqueuse buccale. Ces lésions peuvent être hyperplasiques, de type épulis fissuratum ou crêtes flottantes ou non tumorales telles que la stomatite sous prothétique.

 

Cet article, expose à travers un cas clinique, les démarches thérapeutiques des lésions de la fibro-muqueuse, secondaires au port de prothèses mal adaptées et ce, en vue d’une réhabilitation prothétique conventionnelle.

Mots clés : prothèses complètes, muqueuse buccale, édenté total.


SUMMARY

In many patients, the old harbor full dentures may be the cause of various lesions in the oral mucosa. These lesions may be hyperplastic as fissuratum epulis or floating ridges or non-tumor such as stomatitis under prosthetic. This article presents, through a clinical case, the therapeutic approaches of lesions fibromucosa, secondary port prostheses unsuitable, for using conventional prosthetic rehabilitation, in the future.

 

INTRODUCTION

L’usage d’une prothèse amovible complète maxillaire mal conçue opposée à une édentation distale terminale mandibulaire non compensée peut provoquer des altérations tissulaires, ou des troubles neuro musculo articulaires (1).  


La réhabilitation prothétique  nécessite une mise en condition tissulaire associée à une correction de la dimension verticale d’occlusion (DVO). Ce travail expose à travers un cas clinique, les démarches thérapeutiques des lésions de la fibro-muqueuse, secondaires au port de prothèses mal adaptées et ce, en vue d’une réhabilitation prothétique conventionnelle.

 

CAS CLINIQUE

Il s’agit d’une patiente âgée de 55 ans, sans particularités sur le plan général, qui a consulté pour une  instabilité prothétique et une douleur vive exacerbée par le port de la prothèse.
Lors de l’interrogatoire, la patiente rapporte être totalement édentée, que l’édentation antérieure mandibulaire est récente (une année), celle postérieure non compensée datant de  16 ans. Une lésion tissulaire au niveau de la région antérieure du maxillaire est apparue quelque temps après le port de la prothèse accompagnée d’une douleur localisée s’accentuant lors de la mastication. L’examen exo buccal  a révélé un proglissement mandibulaire et une diminution de la dimension verticale de l’étage inférieur du visage.


Aucune adénopathie n’a été notée. L’examen endo buccale a révélé au niveau du maxillaire, une lésion d’allure tumorale en « feuillet de livre »  siégeant au niveau de la région antérieure du fond du vestibule maxillaire (Fig. 1,2). Cette lésion est recouverte d’une muqueuse non inflammatoire, elle est souple à la palpation et non hémorragique. Au palais, l’examen retrouve un érythème qui tranche nettement avec la pâleur normale de la muqueuse, délimité par le niveau du bord postérieur de la prothèse maxillaire. A la mandibule, les surfaces d’appui étaient très résorbées dans la région postérieure.

 

 

 

 

L’analyse de la  prothèse maxillaire a montré un mauvais entretien de la prothèse, un bord mince et tranchant en regard de l’hypertrophie, associé à une fracture au niveau antérieur (Fig.3) ; une usure importante des dents artificielles surtout antérieures et une réparation de la prothèse au niveau de la partie antérieure du palais. En bouche, la prothèse était instable et ce, en raison  de la  surextension du bord antérieur vestibulaire (Fig.4). De plus, la voûte palatine n’était pas totalement recouverte, et la limite postérieure était en avant de la ligne de réflexion du voile.

 


Fig. 3 : Etat de la prothèse

Fig. 4 : Surextension du bord antérieur vestibulaire


Le diagnostic présomptif  était celui d’un épulis en « feuillet de livre », ou  crête flottante secondaire à une prothèse mal adaptée, associé à une stomatite.


DÉMARCHE THÉRAPEUTIQUE

A la suite de cet examen, un plan de traitement chirurgico-prothétique a été proposé à la patiente.
Le traitement a comporté les étapes suivantes :
- Une   motivation à l’hygiène prothétique et à l’hygiène des muqueuses,
- Une chirurgie plastique suivie d’un examen anatomopathologique de la pièce opératoire qui a confirmé la nature épulidienne de la tumeur  (Fig. 5,6),
- Une prothèse transitoire bi-maxillaire à une DVO correcte a été conçue dans le  but de guider la cicatrisation et d’éviter toute récidive de l’hypertrophie muqueuse.
La prothèse maxillaire a été réalisée avec un plan de morsure au niveau du secteur postérieur du fait de la difficulté du guidage vers la relation centrée (Fig. 7).

 

 

 
 
Fig. 7 : Prothèse provisoire avec un plan de morsure maxillaire
 

 

 

Après la chirurgie, la prothèse maxillaire chargée d’HYDROCAST sur tout l’intrados et sur les 6 mm du rebord vestibulaire a été immédiatement insérée en bouche et centrée (Fig. 8). Cet apport de matériau résineux a servit non seulement à effectuer la mise en condition tissulaire, mais également la mise en condition neuroarticulaire par une augmentation de la dimension verticale sans pour autant sortir de l’espace libre d’inocclusion. Ensuite, on a procédé à un modelage des bords prothétiques en sollicitant la musculature péri-prothétique et à l’insertion de la prothèse transitoire mandibulaire et au guidage de la mandibule vers la relation centrée.

 

La patiente a été invitée à déglutir plusieurs fois. La prothèse  alors, retirée de la cavité buccale lorsque le matériau devenu élastique ne risque plus d’être déformée et toutes les zones de résine rose apparentes ou insuffisamment recouvertes ont été réduites en épaisseur. Un apport d’hydrocast est réalisé sur les surfaces corrigées. Après réinsertion de la prothèse en bouche, une répartition harmonieuse des charges occlusales sur tout le plan de morsure par une équilibration statique puis dynamique est effectuée (Fig. 9).

 

Fig. 8 : Prothèse maxillaire garnie d’HYDROCAST

Fig. 9: Equilibration des charges occlusales sur le plan de morsure


 

A J3, à l’examen clinique, on constate que les tissus de revêtement de la surface d’appui présentent déjà une couleur et un aspect plus physiologique. La prothèse est soigneusement examinée et toutes les zones de surpression sont réduites en épaisseur. Quelques gouttes de Flow Control sont déposées sur l’hydrocast, pour le ramollir et pour éviter son renouvellement. Un nouvel apport de matériau conditionneur est déposé au niveau de ces zones dégarnies ; l’insertion en bouche, le centrage et la nouvelle équilibration statique et dynamique sont alors effectuées. Cette opération sera renouvelée jusqu’à cicatrisation totale et recul de la mandibule.

 


Fig. 10 : Mise en place de l’arc facial  

 

- Après trois mois de traitement, la réalisation des prothèses complètes d’usage est entamée selon les séquences conventionnelles: le plan d’occlusion est déterminé à l’aide d’une règle de FOX, parallèlement à la ligne bi pupillaire et au plan de camper (Fig. 10). La détermination de la DVO est facilitée par l’évaluation de la hauteur de l’étage inférieur au moyen des prothèses provisoires et la mise en place des dents prothétiques, elle doit respecter le concept de l’occlusion intégralement équilibrée. Après polymérisation, les prothèses sont testées en bouche (Fig. 11,12).

 

 
Fig. 11 :  Réalisation du montage sur  articulateur semi adaptable (QUICK MASTER)
Fig. 12 : Patiente de face et de profil, prothèse en bouche

 

DISCUSSION / CONCLUSION

La gestion des pathologies muqueuses d’origine prothétique chez l’édenté total varie en fonction du type de la lésion et de son étiologie. L’assainissement du revêtement fibro-muqueux, apparaît comme la séquence préliminaire indispensable à la réalisation de nouvelles prothèses complètes et déterminantes dans la réussite thérapeutique (1,2).

 

La chirurgie, constitue la thérapeutique incontournable, dans le cas des hyperplasies de la muqueuse buccale. Elle peut être poursuivie d’une mise en place d’une prothèse transitoire immédiate pour une  mise en condition tissulaire progressive, pour guider la cicatrisation et prévenir la récidive (1,3,4,5). Cette prothèse transitoire doit rétablir la DVO, elle peut de ce fait comporter un plan de morsure au niveau du secteur postérieur du fait de la difficulté du guidage vers la relation centrée (6).
Les prothèses définitives ne seront alors réalisées qu’après intégration parfaite des prothèses transitoires (5).

 

Les lésions de la muqueuse en rapport avec le port de la Prothèse sont fonction de sa maintenance. La prévention des lésions secondaires aux prothèses mal adaptées et non maintenues réside  dans :
- L’instauration d’une hygiène prothétique et buccale par un nettoyage mécanique quotidien à l’aide d’une brosse à dent souple pour les muqueuses, dure pour la prothèse, associé à un nettoyage chimique à l’aide d’un désinfectant.
- La motivation du patient à consulter pour un contrôle régulier de sa prothèse (7).

 

BIBLIOGRAPHIE

1- FAJRI L., BENDFIL F.
Diagnostic  et gestion des lésions muqueuses d’origine prothétique chez l’édenté complet
AOS 2008 ; N° 243 : 227-235
2- BENDFIL .F, MERZOUK .L
Intérêt de la mise en condition tissulaire dans la remise en état des muqueuses buccales
AOS 2003; N°222:144-145
3- EL HARTI .K, CHBICHEB .B
Lésion de la muqueuse buccale et prothèse adjointe
JD 2002; TOME8 N° 32; 13-16
4- LEJOYEUX J.
 Prothèse complète  tome 1. 3éme édition  Maloine. Paris. 1979
5- SEFRIOUI A., BERRADA S.
Aménagement de l’espace prothétique PAC (à propos d’un cas clinique)
AOS 2005 ; N°230 : 129-134
6- REGRAGUI A.,  ABDEDINE A., MERZOUK N.
Espace biofonctionnel et mise en condition tissulaire: quelles perspectives en prothèse amovible complète?
AOS  2011 ; N° 255 :179-205
7- LE BARS P., AMOURIQ Y.
Réactions tissulaires au port des appareils de prothèse amovible partielle ou totale
EMC 23-325 P-10 1-6
  

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